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À 16 heures juste, d’un autre tunnel débouche une cohorte de ces ouvriers brunâtres, la relève sans doute, car ils remplacent ceux qui étaient aux machines. Ceux-ci se forment en cohorte à leur tour. Resté à l’entrée, immobile, se tient un martien rouge. Je me précipite vers lui, gardant assez de sang-froid pour ne pas faire de gestes qui peut-être signifieraient quelque chose pour lui. Je me contente de lui montrer les ouvriers brunâtres. Il fouille alors dans le sac qu’ils portent tous suspendu entre la première et la deuxième paire de pattes et en tire un papier métallique sur lequel il inscrit quelque chose. Il me le tend. Il a écrit en caractères jaunes, mais hélas ! Si je parle couramment la langue de nos amis, leur écriture est encore pour moi un demi-mystère. Je réussis à comprendre que ce sont des ouvriers, cela je le savais, et qu’ils forment une caste inférieure. C’est tout. J’essaie de tracer : je ne comprends pas, mais j’ai dû me tromper, car il retourne la feuille d’un air perplexe. À la fin il me fait signe de le suivre. Par une galerie détournée, je suis reconduit à la chambre, dont la porte est à nouveau ouverte, et où mes amis m’attendaient avec impatience, surtout Ingrid. Loi et Anaena ne sont pas encore là.

23 heures 30. Les voici enfin : ils sont accompagnés de deux martiens rouges. Sans que je puisse savoir pourquoi, il me semble qu’ils sont très vieux.

Le 7 – 10 heures. Il faut que je note ce que Anaena vient de nous révéler, un peuple mêlé. D’abord un traité d’alliance est conclu, ou plutôt renoué, entre les rouges et les jaunes. Dans deux mois d’ici, ils feront une attaque combinée contre les noirs, pour dégager le pôle sud, très riche en gîtes métalliques profonds. Je savais qu’Anaena et Loi avaient toute liberté pour renouer les relations au cas où nous rencontrerions des rouges, mais j’ignorais que leurs pouvoirs allaient aussi loin. Au fait, Anaena, Loi et Elior font partie du Grand Conseil et la haine envers les noirs est si vive chez eux que le traité sera sûrement ratifié.

Puis nous avons eu des précisions sur la façon dont vivent les rouges. Dans leurs villes, ils sont une minorité. Deux millions contre sept de population totale. Les cinq autres sont formés de travailleurs brunâtres d’une autre espèce, réduits en esclavage, du reste très peu intelligents, et dressés hypnotiquement au point de ne pas voir ce qui ne concerne pas leur travail propre. Conditionnement pire que celui dont il est question dans le « Brave new world » d’Aldous Huxley pour les castes inférieures, qui au moins avaient droit à des amusements. Ici en dehors des heures de travail les ouvriers mangent et dorment. Ce sont du reste des neutres. Seules quelques femelles parthénogénétiques continuent la race. Ils ne souffrent pas de leur état, incapables qu’ils sont d’avoir seulement l’idée qu’il pourrait être autre.

Les rouges, eux, sont sexués. Les femelles s’occupent de l’éducation des enfants, et de toutes les questions d’organisation intérieure de la cité. Les mâles surveillant les ouvriers, font la guerre et créent les machines. Ce sont des mécaniciens hors ligne. Mais il n’y a jamais eu, ou très peu, chez eux de curiosité désintéressée. Ce sont plutôt des techniciens que des savants. Toutefois, il y a des exceptions. Des deux martiens rouges qui accompagnaient Anaena, un cultivait les mathématiques pures et l’autre la physico-chimie.

Chez les rouges, il y a aussi des castes. La première, la plus basse, comprend les femelles, les techniciens de l’agriculture, les chimistes ordinaires. Puis vient la caste des chefs de guerre, des maîtres d’ouvriers, des ingénieurs, des géologues-mineurs, des physiciens, etc. Au-dessus les 30 membres du grand conseil, héréditaire pour deux générations. Au-delà, il faut à nouveau faire ses preuves. Parmi les membres du conseil figurent de droit les rouges qui sont doués pour la recherche pure, très rares, car ce peuple d’ingénieurs à très bien compris que la recherche pure peut avoir des résultats pratiques énormes, si seulement on la laisse mûrir.

Leur mentalité est curieuse, et leurs lois rigides. Un martien rouge qui aurait fait ce que j’ai fait, sortir d’une chambre où l’on place, sans autorisation, serait certainement condamné à mort. Ils décapitent leurs condamnés, ce qui est assez barbare, la diffusion de leurs centres vitaux permettent à la tête et au corps, de vivre quelques heures séparés. Mais ils ignorent ce que nous appelons le sentiment. Somme toute, comparé à la belle démocratie des jaunes, c’est un état totalitaire dans toute sa splendeur.

Quatrième partie

La dernière guerre

Chapitre I

La guerre

Leur séjour dans la cité rouge fut relativement court. Bien des choses leur restèrent cachées. Ils ne purent guère apprécier ce que pouvait être la vie de tous les jours de cet étrange peuple. Ils visitèrent de gigantesques usines où travaillaient des milliers d’ouvriers, sous la surveillance de quelques dizaines de contremaître rouges, les grottes où les rouges cultivaient une sorte de céréale, les laboratoires très compliqués, où ni les martiens ni les terrestres, même Sig, ne comprirent grand chose. Ils visitèrent aussi les arsenaux, où s’entassaient des sortes de tanks blindés, des kryoxi très voisins de ceux des jaunes, des canons centrifuges selon le mot de Sig. Ils eurent l’impression d’une population très nombreuse – tous les rouges étaient concentrés dans cette région et n’entretenaient au loin que de faibles colonies – population talonnée par le besoin, et implacablement rivés à un travail immédiatement productif. Les kryoxi devaient venir les chercher de Llo, leur évitant ainsi les dangers et les fatigues d’un retour par les souterrains. À la fin de leur séjour, ils montèrent dans les superstructures de surface de la cité, qui dominaient un paysage plat et désolé, couvert d’une très mince couche de neige : la calotte polaire de Mars ! Quelques heures après les kryoxi arrivèrent. Sitôt à l’intérieur du n° 3, Anaena se mit en rapport par radio avec Anak, et eut une longue conversation avec le secrétaire du conseil. Puis elle se tourna vers Ingrid et Bernard qui l’avaient accompagnée, et les ayant amenés dans la pièce de repos à l’extrême arrière, loin du pilote :