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— Tu peux y compter. Au revoir.

L’écran s’éteignit. Bernard se mit alors en communication avec Bils. La situation était inchangée, il transmit les nouvelles et annonça des armes puissantes. Il fit ensuite un cours préliminaire aux futurs porteurs de lance-flammes, cours très vague car il ignorait comment seraient exactement fabriqués ces engins. Parmi les volontaires était la jeune fille de la mitrailleuse, Mauno. Après que les autres furent repartis, Bernard l’interrogea, par curiosité se dit-il, par sympathie aussi. Elle était très jeune, encore frêle, avec, chose très rare dans sa race, des yeux verts et une chevelure cuivre qui la faisait ressembler de loin à Ingrid. Il apprit qu’elle travaillait pour être ingénieur métallurgiste, et que ses deux frères avaient été tués par les noirs quelque temps avant l’arrivée des terrestres. Elle parlait des noirs avec des accès de haine qui la secouaient et caressait un rêve : suivre les terrestres quand ils repartiraient mais elle craignait que le Conseil ne l’y autorisât pas. Elle avait l’année précédente fait le tour de la planète en kryox.

— Vois-tu, disait-elle à Bernard, – les martiens avaient d’abord le vous à la manière des terrestres, mais depuis leur naturalisation, ils les tutoyaient –, je voudrais connaître la Terre, non seulement pour les multiples choses qu’un tel voyage m’apprendrait, mais surtout parce qu’il y a chez vous des océans, des nuages, des montagnes. J’ai vu tout cela dans de très vieux films d’avant le cataclysme, mais ce n’est pas la même chose. Vous voudrez bien m’emmener ?

— Je ne vois aucun inconvénient, puisque, hélas ! Deux places sont vides parmi nous. Mais le conseil voudra-t-il ? Et puis tu sais, tout n’est pas si beau sur Terre. La gravitation plus forte te gênera.

— Je m’y habituerai. Au besoin, je créerai une machine pour me transporter…

— Soit. Pour le moment, hélas ! La guerre est là, et c’est le sort de ta race qui est en jeu.

— J’ai confiance. Votre arrivée a réveillé les énergies de ma race. Dois-je retourner à la mitrailleuse ?

— Non, reste ici.

Du fond de son sommeil, il lui sembla qu’on l’appelait. Avec lassitude, il ouvrit les yeux. La journée de la veille avait été rude. Il vit Mauno. Elle avait l’air affolée. Il se dressa :

— Qu’y a-t-il ?

— Ils attaquent. Ils ont pris le carrefour.

— La mitrailleuse ?

— Plus de munitions. Ils l’ont prise.

— Les servants ?

— Morts.

— Nom de Dieu !

Il sauta sur ses pieds. Dans le lointain, il pouvait entendre nettement le bruit de la bataille répercuté par les galeries.

— Pourquoi ne m’a-t-on pas réveillé plus tôt ?

— Les chefs pensaient qu’ils pouvaient tenir.

— Ça va. On verra plus tard.

Il radiophona à Anak.

— Les lance-flammes ?

— Ils partent par avion. Il y en a dix, avec des réserves de carburant.

Bernard fit un rapide calcul. Ils ne seront pas là avant deux heures. Une heure pour s’initier à leur fonctionnement et pour les amener à pied d’œuvre. Cela faisait trois heures. Il fallait tenir jusque là. Il appela son chef d’état-major, Biloi.

— Je vais voir ce qui se passe. Centralisez les nouvelles, rétablissez les liaisons. Et faites bien. C’est votre seule chance de réparer votre négligence et de sauver votre peau !

Il prit ses deux revolvers, sa carabine et une dizaine de grenades. Puis il dit à Mauno :

— Reste ici. Tiens les « lance-flammes » réunis, de façon à ne pas perdre de temps quand les engins arriveront. Tu en réponds.

Puis il fila par les galeries, avec dix hommes d’escorte. Il traversa l’infirmerie où s’entassaient les blessés, puis les deuxièmes lignes. La bataille faisait rage au-delà d’un tournant. Comme il allait y arriver, une balle s’écrasa sur le rocher à sa droite, ricocha et frappa un de ses hommes à la tempe, le tuant net. On prit sa réserve de munitions et à plat ventre, ils contournèrent le détour.

Dans la lumière violente, Bernard vit les noirs bondir, s’aplatir, tirer. Le feu des jaunes était lent. Les munitions devaient manquer.

— Faudra que cette andouille de Biloi ait travaillé rudement bien pour sauver sa peau, pensa-t-il.

La défense était facilitée par un fossé qui occupait la galerie et dans lequel on était relativement à l’abri. Il rampa une dizaine de mètres, se collant aux parois, puis d’un bon rapide, sauta dans le fossé. Il regarda alors sa montre. Encore une heure et demi à attendre les lance-flammes.

L’arrivée du chef terrestre ranima le courage des martiens jaunes. Leur feu se fit plus précis. Les neuf hommes de renfort qui avaient suivi Bernard, avaient des munitions en abondance. Pour ne pas être coupé par un mouvement tournant des noirs par d’autres galeries, Bernard envoya des hommes de liaison. Puis, ayant averti les martiens jaunes, il lança coup sur coup quatre grenades. L’effet fut prodigieux sur l’ennemi non abrité. Les ricochets sur les parois multiplièrent les éclats. D’assez gros fragments de roche s’écroulèrent. Les cris de rage et de douleur remplacèrent les sifflements triomphants. Les jaunes purent prendre un peu de répit, boire, soigner les blessés. L’ennemi avait l’air d’attendre du renfort. Il vint, sous les espèces d’un petit canon pneumatique, assez inefficace à cause de son tir trop tendu et de l’enterrement des Anakiens. Mais ses obus, s’écrasant contre le coude de la galerie, rendirent l’arrivée des messagers ou de renforts assez difficile.

Le premier message que reçut Bernard le rassura. Dans les autres galeries, le combat se tenait tout près du carrefour perdu. Donc pas de danger d’encerclement. Vingt minutes plus tard, Mauno signala l’arrivée des lance-flammes, et de deux tubes lance-fusées avec des projectiles à charge propulsive. Ceux-ci parvinrent en première ligne peu de temps après, et Bernard commença à arroser les lignes ennemies.

Enfin parut la section de Mauno. C’étaient tous de très jeunes gens, qui rampèrent agilement et mirent leurs engins en batterie. Sur l’ordre de Bernard, on attendit l’attaque. La surprise fut atroce. Les noirs bondirent en masse ; quand ils furent à 20 mètres, dix jets de flamme se concentrant dans cette galerie relativement étroite la transformèrent pour eux en enfer. Les noirs, frappés en plein par le jet brûlant, titubaient encore quelques mètres, torches vivantes et hurlantes. Une épouvantable odeur de pétrole et de chair brûlée emplit l’air.

Protégés par les jets de flamme, la petite troupe, munie de masques, déboucha dans le carrefour où les noirs affolés et à demi-asphyxiés, tournoyaient. Ils furent carbonisés jusqu’au dernier. Exploitant ce succès les anakiens allèrent de l’avant, et dégagèrent la mine, appuyés par d’importants renforts. Au soir, toutes les liaisons étaient rétablies, et six jours après, les Pylônes étaient reconquis, et l’ennemi chassé du sous-sol. Bernard fit dynamiter la galerie d’invasion creusée par les noirs ; ses pertes avaient été minimes, 39 tués, 50 blessés graves, une centaine de blessés légers, dont lui-même : l’auriculaire gauche coupé à moitié. Décidément, ils en veulent à mes phalanges, plaisanta-t-il. Heureusement que je ne joue pas de la flûte !

Il rentra alors à Anak, avec Mauno et ses hommes, que de nouvelles troupes plus fraîches remplacèrent. Mais il semblait bien que le danger était écarté de ce côté, et que la lutte allait se circonscrire à la surface. Sig et Ingrid l’attendaient au débarcadère, accompagnés d’une délégation du Conseil. Le vieux Bilior la conduisait. D’une voix émue, il remercia Bernard et ses hommes pour la victoire qu’ils venaient de remporter.

— Désormais, avec les armes nouvelles que vous nous apportez et nos vieilles armes traditionnelles, nous pourrons résister à l’ennemi, porter la guerre dans ses cités et l’exterminer, puisque, hélas ! Il n’existe pas d’autre solution possible. Les rouges ont déjà pris une de leurs villes.