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— Et dire que je déteste la guerre, dit Bernard.

— Moi aussi, répondit Sig. Mais nous n’avons pas le choix. Et pour un pacifique, tu ne t’es pas trop mal tiré de ton rôle de général.

— C’était simple. De la stratégie d’enfant jouant à la petite guerre. Les noirs ignorant à peu près toute manœuvre, ou bien ils l’ont dédaignée. Et si le vent ne s’était pas levé au bon moment…

— Cela a été une chance sérieuse, dit Ingrid. Sinon qu’aurais-tu fait ?

— Paul avait préparé, avec notre uranium, des bombes atomiques mais alors il aurait fallu renoncer à retourner sur Terre, du moins tant qu’il n’aurait pas trouvé le moyen de remplacer l’uranium pour les fusées du Rosny.

Chapitre VI

L’extermination

Le second engagement eut lieu un mois plus tard, en territoire ennemi. 175 kryoxi, appuyés par 11 avions et 500 tirailleurs scaphandriers, transportés par des engins à chenilles, détruisirent un millier de crabes. Mais ceux-ci combattant en ordre très dispersés, causèrent de lourdes pertes aux Anakiens avant de succomber. Il y eut même un avion perdu, le W10 atteint en plein par un obus.

L’ennemi alors refusa le combat, se contentant de défendre avec acharnement les abords immédiats de ses cités. Les kryoxi parcouraient victorieusement la surface. À peine, de temps en temps, y eut-il quelques rencontres de patrouille, qui généralement tournaient à l’avantage des jaunes. Le seul événement marquant des trois mois qui suivirent fut la prise, très difficile, de la cité noire d’Akatur, qui comptait 100 000 habitants. La lutte souterraine dura 21 jours. Elle eut probablement été plus meurtrière encore sans l’arrivée inattendue d’un fort contingent de rouges par une galerie qu’ils creusaient à l’aide de perforatrices formidables, avançant de 100 à 150 mètres par heure. Pris entre deux feux, les noirs furent exterminés.

La guerre dura encore un an, menée de part et d’autre avec férocité. À aucun moment, malgré leur supériorité numérique, les noirs ne purent reprendre un avantage réel. À peine purent-ils s’emparer du village de Reio et d’une petite cité rouge, isolée. Les usines de Anak, Klien et Ilio, les trois grandes cités jaunes, et celles des martiens rouges produisaient des grandes quantités d’engins de plus en plus meurtriers, fruit du génie destructeur combiné des martiens jaunes et rouges et des terrestres. Ingénieux et habiles mécaniciens, les noirs furent nettement surclassés en inventivité.

Dix mois après le début de la guerre, ils ne tenaient plus que quelques îlots isolés. Ils avaient perdu 28 millions d’hommes, les jaunes 700 000, les rouges 126 000. La bataille des Pylônes où Bernard avait exercé pour la première fois son commandement en chef avait été éclipsée par de gigantesques conflagrations qui avaient jeté les uns contre les autres des milliers de kryoxi et des dizaines de milliers de crabes. Ceux-ci étaient d’un modèle perfectionné : allégés, plus oblongs, démunis de pinces inutiles, certains avaient jusqu’à cinq canons à tir rapide, dont la portée s’était sensiblement accrue. La conquête des souterrains fut plus difficile encore. Il y eut de sauvages combats et, de part et d’autre, aucun quartier ne fut fait. Les jaunes avaient décidé d’exterminer les noirs, et les terrestres ne s’y opposaient pas.

— Pourvu qu’ils en laissent quelques-uns en réserve, disait Bernard, je m’en fous. Ils nous ont fait assez de mal sans cause.

Finalement, il ne resta que quelques dizaines de milliers de noirs réfugiés dans une seule cité souterraine. Alors des divergences parurent dans le Conseil. La plupart des membres était d’avis de pousser jusqu’à l’extermination totale. Les terrestres, consultés, firent remarquer qu’il était toujours désastreux de détruire complètement une espèce. Mais, au moment où la question semblait résolue dans le sens affirmatif, Tser, le vieillard qui avait fait aux terrestres, un cours sur l’histoire de Mars, se leva et parla.

— Frères, je suis de l’avis des terrestres. Je vous supplie de bien considérer le problème. Il y a d’abord eu à cette guerre des motifs de sécurité : nous étions 12 millions contre 70 millions.

Maintenant les proportions sont renversées, puisque nous restons 10 millions contre environ 70 000. Le danger a disparu.

— Il renaîtra !

— Je l’espère bien ! Dites-moi, vous tous, les jeunes du Conseil qu’est-ce qui donne de l’attrait à vos expéditions en kryox ? La possibilité de rencontrer des noirs. Je n’ai pas l’intention de faire le panégyrique de la guerre. Elle a coûté trop cher à notre planète. Mais rappelez-vous que, les noirs disparus, tout espoir d’aventure disparaîtra aussi de notre monde. Que ferons-nous sur ce globe vieilli, usé, irrémédiablement stérile ? Et dont nous serons les maîtres absolus, excepté le petit coin occupé par nos alliés les rouges. Allons-nous leur faire la guerre, ou nous diviser en cités hostiles ? Où croupirons-nous dans notre décadence ? Vous savez parfaitement que Mars ne peut nous permettre un bien grand essor. Certes, je crois que notre vieille société a été revigorée par la venue des terrestres, et je les en remercie. Je sais bien aussi que pour beaucoup d’entre nous, la recherche est une aventure. Mais j’ai peur que tout danger écarté, nous ne nous endormions dans notre quiétude. Ces quelques noirs qui se multiplieront, seront notre aiguillon. Je sais, Bernard, que sur Terre le problème n’est pas le même. Vous avez raison de tout faire pour empêcher la guerre. Vous avez une planète à conquérir, et même d’autres, et votre humanité est jeune. Nous, nous n’avons plus rien. Notre essor a été brisé par le crime planétaire, et il ne servirait à rien de la nier. Je demande donc qu’on laisse vivre les noirs. Peut-être, débarrassés de la tyrannie des prêtres du crabe, évolueront-ils dans un sens plus humain. Et il sera toujours temps de les détruire si c’est nécessaire.

Chaleureusement appuyés par les terrestres auxquels se joignirent Anaena et Loi, la proposition fut ratifiée. On décida de terminer la guerre… provisoirement. Il fut plus difficile de faire accepter cette décision aux rouges. Ils s’y rangèrent en fin de compte.

Chapitre VII

Sommes-nous moins mortels ?

Alors eut commencé pour les terrestres, n’eût été le souvenir de leurs camarades disparus, la meilleure période de leur vie sur Mars. Ils explorèrent toute la surface, en kryox ou en avion, visitèrent les cités jaunes et les ruines des cités noires. Bernard, Sig et Ingrid revinrent chez les rouges, emmenant cette fois Paul. Ils y passèrent deux mois et recueillirent une foule de renseignements scientifiques. En contrepartie de l’hospitalité reçue à Anak, ils firent un cours de sciences terrestres. Une splendide collection de fossiles et de minéraux martiens s’accumula dans les cales du Rosny. Avec celui-ci ils firent un raid comprenant en plus des terrestres, Anaena, Loi, Kni et Mauno, ainsi que trois astronomes martiens, poussant une reconnaissance jusqu’à Phobos et Deimos, rocs absolument déserts et stériles, minuscules astres errant en vain dans le vide.

Un jour, Paul posa devant le grand conseil la question du retour sur la Terre. Par suite de la mort de Louis, Hélène et Arthur, les terrestres n’étaient plus assez nombreux pour assurer la manœuvre du Rosny. Il fallait de toute nécessité que le conseil autorise quelques martiens à les accompagner.

— Nous vous promettons, dit Paul, de les ramener dans le délai qui vous conviendra. De plus, le séjour sur la Terre aura un grand avantage pour nos deux planètes. Je sais que vous êtes hostiles à ce projet, pensant principalement que la Terre est inhabitable pour vous. Certes la gravitation est plus forte que sur Mars, mais Bernard m’affirme que votre squelette est assez résistant. Nous-mêmes aurons à nous réhabituer. Mais cela passera vite !