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— Je vais vous aider, reprend Irving. Donnez-moi votre main !

D’autor, il se saisit du poignet de ma charmante amie et la hale. Lorsqu’elle est assise au bord du fourgon, il se baisse et la charge sur son épaule d’un coup de reins. Et puis il part avec son fardeau dans les profondeurs de la mine abandonnée, en balançant l’énorme lampe carrée qui éclaire le tunnel comme le ferait un projo de D.C.A. La lumière, d’un blanc impitoyable, balaie les entrailles de la terre. Cela descend en pente douce, ce qui doit accroître la peur de Maryse car c’est l’enfoncement dans les abysses. Je distingue confusément des étais, des madriers disloqués, un wagonnet ayant déraillé et qui, depuis de longues années, doit rouiller sur place. La lumière se fait clarté, la clarté lueur, et puis le noir reprend ses droits, comme l’a écrit si admirablement André Gide dans : « Gare tes miches, Baby, j’arrive ! » le second volet de « Les Caves s’en vont tiquant ».

Joan grimpe dans le véhicule pour me visionner à loisir. Le drame c’est qu’elle est jolie, pleine de charme, de sex-à-poil et de tout ce que tu voudras. Pas du tout l’air d’une tueuse. Cette dadame qui tutoie timidement la quarantaine, tu l’emmènerais dans une chambre climatisée, tu baisserais le rideau de fer en laissant juste un chouïa de clarté et tu lui déballerais le grand jeu. Elle doit aimer le radaduche, espère ! Des regards comme elle m’en jette, je les identifie illico. C’est signé « big salope », « feu aux miches », « take me all[4] ».

— Vous êtes drôlement excitante ! lui fais-je. J’espère qu’Irving vous réussit, bien qu’étant américain, car ce serait de la folie de passer à côté d’une affaire de ce calibre.

Elle a un sourire amusé.

— Vous croyez les Américains peu doués pour l’amour ?

— Pas peu, pas ! Mais il y a sûrement des exceptions. Irving vous a déjà fait « le téléphone de brousse » ?

— Qu’est-ce que c’est que ça ?

— Et « la mandoline en chaleur » ? Il vous l’a faite, « la mandoline en chaleur » ?

Elle hausse les épaules.

— Vous dites n’importe quoi !

— Vous croyez ça ? Vous savez, Joan, vous êtes une femme coriace, votre coup de couteau de bienvenue, ce soir, en est la preuve. Une sorte d’aventurière sans scrupule, et pourtant je parie qu’en amour, vous ne connaissez pas le centième de ce que sait — et fait — n’importe quelle petite shampouineuse de chez nous !

Sans doute, lecteur ami, trouveras-tu bien singulier ce marivaudage en un moment aussi dramatique de ma vie, et te diras-tu, avec cet esprit critique qui tant me fait chier, que ton San-A. prend à la légère des circonstances dont le dénouement va nous être fatal à Maryse, à Frederick et à moi. Certes, je conçois ta surprise, voire ton indignation, mais je t’objecterai que lorsque tout est fini dans l’existence, il faut tenter de faire bonne figure, ne serait-ce qu’eu égard à l’estime que l’on se porte.

Je tente l’impossible. Ce qui est un devoir, le Seigneur ayant doté l’homme de l’esprit de conservation et la femme, de l’esprit de conversation.

Donc, ami lecteur que tant je choie, nonobstant les sentiments qu’il m’inspire, donc, dis-je, je risque une manœuvre désespérée. Celle de la séduction ipso facto qui se pratiquait couramment à l’époque de la décadence romaine. Ayant repéré la nymphowoman chez cette gonzesse, je me dis que là est son talon d’Achille. Mon regard affaibli par la minable lumière du plafonnier se charge de toutes les lubricités.

— J’ai entendu votre conversation avec Irving, chemin faisant, dis-je, et je ne me fais aucune illusion sur mon sort. Je sais que vous allez nous faire mourir tous les trois. Alors, pendant que votre jules « questionne » ma petite camarade d’infortune, accordez-moi une faveur que vous n’oublierez jamais, parole de Casanova !

— Qu’est-ce que c’est ?

— Permettez-moi de savourer votre sexe, Joan. Ne me dites pas que la chose ne vous tente pas. Quand on est aussi sensuelle que vous l’êtes, la perspective de se faire faire minouche en un tel instant, par un gladiateur vaincu, doit vous exciter comme une folle. Quelques minutes d’absence de votre mec, la nuit en ce lieu escarpé, ma vie condamnée, le fait que je sois enchaîné, la présence même du frère, tout vous est un motif d’hyperexcitation. Retroussez votre jupe à plis, ôtez votre slip et agenouillez-vous sur moi, je vous promets des sensations que vous ne soupçonnez pas, belle dame.

Elle rit sauvage. Profère un mot qui doit correspondre à « chiche », mais, tu t’en seras aperçu, je manie insuffisamment la langue de Margaret Tâte-Chair pour en être absolument certain.

Elle a un regard en direction de la mine béante. On perçoit des sons réverbérés par les profondeurs. Quelque chose comme des vitupérations qui s’enflent et se répercutent. Irving doit, en effet, « questionner » Maryse. La moleste-t-il ? Je pense plutôt qu’il la menace de l’abandonner dans la mine en lui décrivant ce qui l’attend, toutes les joyeusetés : le froid, le noir, les rats, la faim, les chauves-souris grosses comme des vampires.

— Venez vite ! fais-je à Joan, nous n’avons pas une seconde à perdre.

Alors, le diable, la digue du cul, la rage des sens la poussant, la petite madame accomplit les différents actes que je lui ai conseillés. Décarpillage fulgurant. Ensuite de quoi elle m’achevale, se porte à ma connaissance, se positionne. Chère créature emportée par le débordement de sa sexualité ! Je n’ai qu’à attaquer ma tyrolienne de cérémonie. Ah ! les hauts alpages autrichiens ! Dieu que le son du corps est triste au fond des boas ! Comment qu’elle participe, la gueuse ! Se propose total, m’incite à outrance, exécutant avec cette science innée de la baiseuse chevronnée un délicat mouvement raboteur. Attention les yeux ! Les trous de nez ! La tarte aux poils, si on ne maîtrise pas son sujet, ça peut vite tourner à la confusion, au délire.

Je m’emploie avec un brio acquis grâce à une solide expérience et à un entraînement de marines. Elle gémit doucement en langourant du frifri. Elle doit se dire (si tant est qu’elle puisse encore formuler des pensées) qu’il faut aboutir avant le retour du grand méchant. Irving, s’il trouve son brancard en train de se faire harmoniser la moniche à la menteuse de caméléon, il va piquer la grosse crise, tout mort qu’il soit ; lui jouer « Résurrection » au battoir à cinq branches ! Alors elle prodigue de tout son tempérament excessif, s’accompagnant même d’un solo de guitare en contrepoint.

Ses cuisses, douces et musclées, enserrent ma tête, obstruant mes oreilles. Ce qui ne m’empêche pas d’entendre un hurlement terrific, venu des profondeurs de la mine. Cri de femme qui exprime une indicible souffrance. Ma chevaucheuse, ça la survolte. Elle en glousse d’aise. Pas longtemps. Rassemblant tout mon courage je lui mignarde l’ergot de contrôle, applique ma bouche en ventouse, lui dégage le bistougnet à la menteuse. Et puis j’accomplis un effort fabuleux pour engager au max mes chailles carnassières dans sa venelle aux délices. Illico elle pousse un léger cri de surprise ravie, mais ma pomme, devenu loup enragé, je plante mes dents dans son intimité et je mords !

Tu entends, Armand ? Je mords à en crever. Le trapéziste qui fait la toupie volante, tout là-haut sous le chapiteau, en se tenant par les ratiches à un embout fixé à un émerillon, franchement, il serre pas plus fortement que ma pomme. Tout de suite j’ai un goût de sang dans la bouche ; un morceau de chair qui, si je ne m’abuse, devrait avoir servi de clitoris à madame, il n’y a pas si longtemps, me choit au fond de la gorge et me fait tousser.

La Joan a hurlé. Son cri est une rime à celui de ma brave Maryse. Elle a un soubresaut pour me fuir, mais quelque chose la retient. Tout de suite, je pige pas ce dont il s’agite (comme dirait le Gros). Elle tire en arrière, entraînant une forme sombre. Elle ne crie plus, émettant des couinements étouffés. L’ensemble, entrelacé, compact, choit du fourgon et alors j’ai la révélation du drame : Frederick est sorti du sirop. Au moment où je déchirais à belles dents l’intimité de Joan, il lui a passé ses poignets enchaînés autour du cou, faisant décrire un tour à la chaîne et il s’est suspendu aux bracelets des cadènes, si bien que la garce est non seulement déclitorisée mais probablement aussi dénuquée.

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En français dans le texte.