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Quand je rentre, plus ou moins fourbu d’une épuipée sauvage (sans avoir eu le temps de pointer une frangine) et que mes glandes me tarabustent le sensoriel, je la grimpe, l’Andalouse. Elle pâme rien qu’en me voyant, et surtout crois pas que je me vante, c’est pas mon style.

Elle est toujours en attente de mon bon vouloir. Elle cherche sans cesse dans mon œil la petite lueur salace, avant-coureuse, cette bougresse. Oh ! je me gaffe bien qu’elle doit avoir un gredin ibérique qui la brosse ses jours de congé. Le cul, c’est incontournable, sentiments ou non ! Les gonzesses qui jouent « Back Street » sont devenues rarissimes ; Maria, elle raffole trop du radada pour négliger l’embroque tout-venante, mais son palpitant est branché sur la haute tension san-antoniaise.

Je lui ai donné à racler la partie pleine du portail, c’est-à-dire le boulot le plus coton. Seringuer les barreaux supérieurs, en comparaison, c’est de la dentelle. Elle y va au jus de coude, la mère. Si puissamment qu’elle ébranle le portail. Elle se tient accroupie sur ses talons, comme seules sont capables de le faire les filles du sud. Sa jupe large est remontée et pend entre ses jambes ouvertes.

Moi, je lorgne, en gros dégueu que je suis. Jamais laisser perdre un jeton de présence !

— Remontez votre jupe un peu plus haut, demandé-je.

Elle se fait pas répéter, pigeant illico qu’il y a comme qui dirait de la bite sur la rampe de lancement, et que ça va être le « quatorze juillet » du bicentenaire dans sa culotte avant lurette. Je visionne aigu en raclant le barreau : œil de lynx ! Elle porte un slip gris (ou alors c’est un blanc qui flanche sérieusement). Comme elle toisonne à mort, y a plein d’astrakan qui dépasse, part et d’autre.

Je m’interroge le pafoski. A-t-il faim de miches ou quoi ? J’évoque le gros dargif de Maria (elle est plutôt mince, mais se traîne un cul de lavandière). Réflexion faite, je préférerais me taper un porto de ma réserve personnelle (cinquante ans d’âge). Voilà que je trompe l’Espagne avec le Portugal !

— Jé reviens tout dé souite ! elle fait en fonçant vers la casa.

Je prends un peu de recul pour évaluer la progression du travail de « préparation » (c’est ainsi qu’on dit en langage plâtrieur). Me reste un barreau après celui qui est en cours, et Maria n’a plus que la face extérieure à gratter. D’ici pas longtemps je vais pouvoir tartiner du pinceau. J’avais déjà acheté la peinture, la semaine passée. Plusieurs pots de couleur « vert anglais », très chic. Séchage rapide. Ce soir on pourra « toucher » !

Maria revient, se remet au turbin. La garce ! Elle est allée ôter sa culotte. La cressonnière en délire, elle s’écarte à s’en déchirer le molusque ! Vue aérienne de la forêt noire ! Avec, en son milieu, la vallée des délices aux méandres roses. Là, ça me court-jute le sensoriel. Je suis trop sensible de la grosse veine bleue, ça me perdra !

— T’es une grande salope, je lui murmure en souriant.

Elle inonde de bonheur.

— Si, señor.

Le señor commence à bandocher dans son vieux froc de velours. Où est-ce que je vais aller la calter, cette greluse ? Dans la maison, y a m’man, c’est guère possible. Bon, on dit l’appentis, au fond du garden. On y remisait les outils et meubles de jardin, puis un jour je l’ai fait agrandir et aménager, en loucedé, sans demander d’autorisation à la commune pour transformer ledit en chambre d’appoint. Oh ! c’est pas la Tour du Waldorf ! Ça fournit une pièce de quatre mètres sur trois, avec juste un lavabo. Pour les chiches, faut gagner la maison, mais, comme le dit Félicie, « ça dépanne ».

La preuve !

Je murmure :

— Va m’attendre dans la petite maison, salope !

— Si, señor.

— Inutile de te déshabiller. Tu te mets à genoux sur le lit, la robe retroussée, et tu m’attends ! Tu verras, tu le regretteras pas.

Comment qu’elle s’active, la Maria ! Comme si, déjà, elle venait de dérouiller une fusée dans les meules ! Dès lors, ça me fouette le sang de l’imaginer en position d’attente. Parée pour la mise à feu ! Les jambes écartées, prenant appui sur ses genoux, et sa jupaille rabattue par-dessus la tronche. Tu ne sais plus s’il s’agit d’une femme ou d’un appareil photographique ancien.

A cette époque, notre tonnelle est fleurie et s’interpose entre la maison et le portail. M’man ne peut pas nous voir depuis sa cuistance où elle élabore des rognons au madère.

Juste comme je m’apprête à rejoindre mon Espanche pour une superbe bourrée auvergnate, une grosse Mercedes vert Nil s’arrête devant chez nous. Le conducteur en descend. Un mec trapu et un tantisoit claudiquant. Je reconnais Sauveur Kajapoul. Plus du tout en patron de troquet, mais saboulé cossu, à la notaire de province : costar gris à fines rayures blanches, chemise blanche, cravate noire. Je ne l’ai plus revu depuis ma visite à son rade. Il semble soucieux. On pige dès l’abord qu’il lui est arrivé un turbin.

— Salut, commissaire ! me fait-il. En plein travail, vous êtes de repos ?

Tiens, il connaît mon titre et, qui plus est, mon adresse !

— Faut bien occuper ses loisirs, réponds-je en serrant sa grosse pogne aux doigts courts. Y a du zef dans ta vie, Sauveur ?

— On vient d’enterrer ma pauvre femme.

Ah ! bon. C’est donc pour ça que Maryse ne me donne plus signe de vie depuis quelques jours alors qu’on carburait comme des fous, les deux. Une sacrée affaire, au niveau du matelas, la môme.

— Condoléances, mec.

Il hausse les épaules.

— Oh ! on s’y attendait, et pour elle c’est une délivrance. N’empêche qu’on prend ça dans la gueule quand ça se produit.

Il me regarde, les mains dans les poches de son veston.

— T’as quelque chose à me dire ? je demande.

Il hoche la tête.

— Une propose… Complètement barjo, je m’en rends compte en vous voyant…

Sans doute s’agit-il de sa grande fille. Sait-il qu’on vit une liaison fougueuse, elle et moi ?

— Viens boire un gorgeon à la maison, Sauveur.

Il me suit jusqu’au pavillon. Toinet a mobilisé le livinge pour construire une maquette d’hélico de l’armée U.S. Il a la passion des hélicoptères. Y a des pièces partout, des plans, des papiers, de la colle, des éléments de balsa, des outils…

— Tu peux nous laisser un moment, Antoine ? Va continuer dans ta chambre !

Il proteste :

— T’as vu ce cirque ! Je vais pas me coltiner tout ce fourbi dans ma piaule où j’ai pas mes aises pour travailler !

— Casse-toi, je te dis. On ne touchera à rien.

— Tu jures ? C’est délicat…

— Merde, dégage ! Pourquoi veux-tu qu’on foute la vérole dans ton chantier !

Il sort en maugréant. Regard sinistre à Sauveur, coupable de perturber ses travaux d’Hercule par sa visite.

— C’est votre fils, commissaire ?

— Adoptif ! Ses parents étaient des truands patentés qui sont morts au champ d’honneur. Dépose-toi. Qu’est-ce que je t’offre ? Si tu aimes le porto, je possède un vrai nectar.

— Trop délicat pour moi, commissaire. Un apéro courant me conviendra parfaitement.

Je lui trouve un fond de Cinzano dans la desserte où l’on remise les flacons. M’man qui ne nous a pas entendu arriver chante Roses de Picardie dans sa cuistance. C’est marrant, sa voix chantée ne ressemble pas à sa voix parlée : quand je l’entends, je crois toujours qu’il s’agit de quelqu’un d’autre.