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— Je reviendrai bien un jour à Gaïa mais je ne peux pas vous laisser partir seul.

— Certes si. Je suis capable de me débrouiller tout seul.

— Soit dit sans vouloir vous vexer, Golan, mais vous n’en savez pas encore assez. C’est moi qui connais les mythes et légendes. Je peux vous guider.

— Et vous laisseriez Joie ? Allons donc. »

Une légère rougeur colora les joues de Pelorat. « Ce n’est pas exactement ce que je désire faire, vieux compagnon, mais elle a dit… »

Trevize fronça les sourcils. « C’est qu’elle essaie de se débarrasser de vous, Janov. Elle m’avait promis…

— Non, vous ne saisissez pas. Je vous en prie, écoutez-moi, Golan. C’est bien vous, cette manière explosive de sauter à des conclusions avant d’avoir tout entendu. C’est votre spécialité, je sais, et moi-même, je vous donne l’impression d’avoir certaines difficultés à m’exprimer avec concision mais…

— Eh bien, dit Trevize avec douceur, admettons que vous me racontiez ce que Joie a derrière la tête, de façon précise et de la manière qui vous conviendra le mieux, et je vous promets d’être patient.

— Merci, et puisque vous allez être patient, je pense que je vais pouvoir être direct. Voyez-vous, Joie veut venir elle aussi.

— Joie veut venir ? dit Trevize. Alors là, non, j’explose à nouveau… Bon, je ne vais pas exploser. Dites-moi, Janov, pourquoi diantre Joie voudrait-elle nous accompagner ? Je pose la question avec calme.

— Elle ne l’a pas dit. Elle a dit qu’elle voulait vous parler.

— Alors, pourquoi n’est-elle pas ici, hein ?

— Je crois – je dis bien : je crois – qu’elle aurait tendance à juger que vous ne la portez pas dans votre cœur, Golan, et elle hésite quelque peu à vous approcher. J’ai fait de mon mieux, mon bon, pour lui assurer que vous n’aviez rien contre elle. Je ne puis croire que quiconque ne puisse avoir d’elle la plus haute opinion. Toutefois, elle désirait me voir aborder le sujet avec vous, pour ainsi dire… Puis-je lui annoncer que vous la verrez volontiers, Golan ?

— Bien entendu, je vais la voir tout de suite.

— Et vous serez raisonnable ? Voyez-vous, mon ami, elle a passablement insisté. Disant que l’affaire était vitale et qu’elle devait absolument vous accompagner.

— Elle ne vous a pas dit pourquoi, non ?

— Non, mais si elle croit devoir partir, Gaïa doit le penser.

— Ce qui veut dire que je n’ai pas le droit de refuser. C’est bien cela, Janov ?

— Oui, je crois que vous n’en avez pas le droit, Golan. »

3.

Pour la première fois de son bref séjour sur Gaïa, Trevize pénétrait dans la demeure de Joie – qui à présent abritait également Pelorat.

Trevize jeta un bref coup d’œil circulaire. Sur Gaïa, les maisons tendaient à être simples. Avec cette absence pratiquement totale de précipitations violentes, avec une température douce en toute période à cette latitude, et jusqu’aux plaques tectoniques qui ne glissaient qu’en douceur quand elles avaient à glisser, il était inutile d’édifier des maisons conçues pour assurer une protection compliquée ou maintenir un environnement confortable dans un environnement extérieur inconfortable. La planète entière était une demeure, au sens propre, conçue pour abriter ses habitants.

La maison de Joie dans cette maison planétaire était de taille modeste, les rideaux remplaçaient les vitres aux fenêtres, le mobilier était rare et d’un fonctionnalisme plein de grâce. Il y avait aux murs des images holographiques ; dont l’une de Pelorat, l’air quelque peu timide et surpris. Trevize pinça les lèvres mais essaya de dissimuler son amusement en faisant mine de rajuster méticuleusement sa ceinture.

Joie l’observait. Elle n’arborait pas son sourire habituel. Elle semblait au contraire plutôt sérieuse, avec ses beaux yeux sombres agrandis, ses cheveux qui lui cascadaient sur les épaules en douces vagues noires. Seules ses lèvres pleines, peintes d’une touche de rouge, donnaient un soupçon de couleur à ses traits.

« Merci d’être venu me voir, Trev.

— Janov s’est montré fort pressant dans sa requête, Joidilachicarella. »

Joie eut un bref sourire. « Touché. Mais si vous voulez bien m’appeler Joie, un monosyllabe décent, je ferai l’effort de prononcer intégralement votre nom, Trevize. » Elle trébucha, de manière presque imperceptible, sur la seconde syllabe.

Trevize éleva la main droite. « Ce serait un excellent arrangement. J’admets volontiers l’habitude gaïenne d’employer des fragments de noms d’une syllabe lors des échanges habituels de pensée, ainsi, s’il vous arrivait de m’appeler Trev de temps à autre, je n’y verrais aucun mal. Toutefois, je me sentirai plus à l’aise si vous essayez de dire Trevize aussi souvent qu’il vous sera possible – et de mon côté, je vous appellerai Joie. »

Trevize l’étudia, comme il le faisait toujours lorsqu’il la rencontrait. En tant qu’individu, c’était une jeune femme entre vingt et vingt-cinq ans. En tant que partie de Gaïa, toutefois, son âge se comptait en millénaires. Cela ne faisait aucune différence dans son aspect physique, mais cela en faisait une dans sa manière de parler, parfois, et dans le climat qui fatalement l’entourait. Voulait-il qu’il en soit ainsi pour tout être vivant ? Non ! Sûrement non, et pourtant…

Joie reprit : » Je vais en venir au fait. Vous avez souligné votre désir de retrouver la Terre…

— J’ai parlé à Dom », coupa Trevize, bien décidé à ne pas céder à Gaïa sans systématiquement faire valoir son point de vue personnel.

« Oui, mais en parlant à Dom, vous avez parlé à Gaïa et à chacun de ses éléments, de sorte que vous m’avez parlé à moi, par exemple.

— M’avez-vous entendu pendant que je parlais ?

— Non, car je n’écoutais pas, mais que, par la suite, j’y prête attention et je pouvais me souvenir de ce que vous aviez dit. Je vous en prie, acceptez la chose telle qu’elle est et poursuivons… Vous avez souligné votre désir de retrouver la Terre et insisté sur son importance. Je ne discerne pas bien cette importance mais vous avez le chic pour avoir raison de sorte que je/nous/Gaïa devons accepter ce que vous dites. Si la mission est cruciale pour votre décision concernant Gaïa, elle est d’une importance cruciale pour Gaïa et donc Gaïa doit vous accompagner, ne serait-ce que pour vous protéger.

— Quand vous dites que Gaïa doit m’accompagner, vous voulez dire que vous devez m’accompagner. Est-ce exact ?

— Je suis Gaïa, répondit Joie simplement.

— Mais il en est de même de tout ce qui est sur ou dans cette planète. Dans ce cas, pourquoi vous, et pas quelque autre portion de Gaïa ?

— Parce que Pel désire aller avec vous et que s’il va avec vous, il ne pourra être heureux avec nulle autre portion de Gaïa que moi-même. »

Pelorat, qui était jusque-là resté plutôt discret, installé sur une chaise dans un autre coin (et, nota Trevize, le dos tourné à sa propre image), Pelorat dit doucement : « C’est vrai, Golan, Joie est ma portion à moi de Gaïa. »

Joie sourit brusquement. « Cela paraît assez excitant d’être considérée de la sorte. C’est très exotique, évidemment…

— Eh bien, voyons voir. » Trevize croisa les mains derrière la tête et voulut se balancer sur sa chaise. Son craquement lui fit aussitôt juger que le siège n’était pas assez robuste pour se prêter à un tel jeu et il s’empressa de le faire redescendre sur ses quatre pieds grêles. « Ferez-vous toujours partie de Gaïa si vous la quittez ?