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Le julot repart :

— Pardonnez-moi de vous avoir priée de me suivre ici, je voulais vous parler tranquillement.

Il a un accent slave très fort, me semble-t-il.

— Mais je vous en prie, répond la gonzesse effarouchée.

J’aimerais bien visionner son terlocuteur, seulement, pour ça, je devrais me mettre sur mon séant et donc dévoiler ma présence.

Il dit :

— Mademoiselle Heinaven, en arrivant à Paris avec votre groupe, vous n’avez rien eu de plus pressé que de vous rendre au consulat de Finlande. Là, vous avez demandé de quelle façon vous y prendre pour contacter certain Service français de contre-espionnage. Votre requête a fort embarrassé les employés du consulat. Mais comme ce sont des gens serviables, ils se sont mis en quatre pour vous satisfaire et vous avez obtenu ce que vous souhaitiez. Tout cela est juste, n’est-ce pas ?

Un léger silence. La môme finit par répondre d’un mot bref mais qui pourtant fait un couac :

— Oui.

Le type murmure :

— Voilà.

Puis il enchaîne :

— Nous sommes curieux de savoir ce qu’une jeune infirmière finnoise peut avoir à dire à un Service français aussi… particulier.

Là, j’ai les poils sous les bras qui frisent serré. Et aussi ceux du dargif, pour ne rien te celer. Je me dis que cette petite sœur va craquer, s’affaler complètement et balancer à cet homme l’histoire qu’elle a bonnie au général Durdelat.

Elle avait raison quand elle lui assurait que les Popoffs continuaient leur traque et n’avaient pas lâché le morcif.

Elle murmure, d’une voix qui s’est raffermie :

— Je peux vous demander qui vous êtes, monsieur ?

Alors là, voilà une bonne question à cent balles ! Je ne pensais pas qu’elle oserait la poser. Ça la coupe au quidam si sûr de soi. Il fait :

— Mais… Mademoiselle Heinaven…

Elle, requinquée à bloc, reprend :

— Vous n’êtes pas finlandais, vous n’êtes pas français. En réalité, vous êtes russe si je m’en rapporte à la première langue dont vous avez usé. Par conséquent, les agissements d’une Finlandaise en France ne vous concernent en aucune façon. Adieu, monsieur !

Et toc !

Puis elle s’en va. Le gonzman doit être vachement désappointé, moi je dis. Son estime pour lui-même est en perte de vitesse. A preuve, il se racle la gorge et émet un juron (je suppose qu’il s’agit d’un juron) dans sa langue maternoche. N’ensuite, il décarre à son tour. Good ! A moi de jouer maintenant.

Elle partage sa chambre avec une potesse du voyage. Une grande bringue athlétique, aux cheveux coupés rasibus, qui me semble aussi féminine que le bon général Bigeard. Mais Karola, rassure-toi, est sexy pour deux ! Charogne, ce châssis délicat, ce visage de fée des neiges, ce regard bleu-vert, comme les lacs de son patelin ! Une nièrouze commak, tu la grimpes en danseuse sans agaceries prélavables (comme dit Béru). Une peau légèrement ambrée ! Des loloches de statue grecque, un fessier beau comme celui d’un violoncelle ! Moi, illico, j’en bandouille dans ma giberne. Si un jour je dois me faire ablationner l’appendice, j’irai à l’hosto de Rovaniemi, espère ! Et je me laisserai ouvrir le baquet sans être anesthésié pour pouvoir mater cette déesse nordique en cours de charcutage.

Les deux gonzesses achèvent de boucler leurs valdingues et mon battant se serre à l’idée que ce bel oiseau va s’envoler.

Elle me regarde sans enthousiasme, l’air de se dire : « Que me veut-il encore, celui-là ? ».

— Cette fois, fais-je en lui montrant ma brème, ce n’est pas un Russe mais un Français.

Elle tressaille. Cherche une question, mais comme il lui en vient trop, renonce.

— Vous m’accordez dix minutes ? supplié-je.

J’ajoute, baissant le ton :

— Je viens de la part du général Durdelat.

— Entrez !

— Ne pourrions-nous trouver un endroit propice au tête-à-tête ?

Elle sourit.

— Cette chambre ne vous convient pas ?

— Tout à fait, mais…

D’un hochement, je désigne sa copine.

— Soyez tranquille, Harriett ne parle ni ne comprend le français. Tout ce qu’elle sait dire, c’est « Pour aller aux Champs-Elysées, s’il vous plaît » et quand elle pose cette question à un passant, il s’étouffe de rire avant de répondre.

— Parfait.

J’entre, referme et salue la grande bringue. Dis, elle s’expliquerait pas dans le gigot à l’ail, Karola ? Ça m’ennuierait que l’Harriett la broute. Ça peut paraître macho de ma part, mais pour moi, une bergère telle que Miss Heinaven est faite pour déguster du jus de trique. Ah ! ce que j’aimerais me laisser boire au goulot par cette fabuleuse fille du septentrion ; que veux-tu, c’est congénital chez moi. Une femme à peu près comestible et j’entre en transe : Parkinson, danse de Saint-Guy, convulsions en tout genre. La crise, chaque fois.

J’ai beau essayer de réfréner en me racontant des trucs tristes : la famine dans le tiers-monde, l’arrestation de Louis XVI à Varennes, la photo de Canuet… Tout ça… Rien n’y fait. Je la veux ! D’ailleurs j’ai le sentiment fort ancré que toutes m’appartiennent, ou plutôt qu’elles sont à ma totale disposition. Qu’il me suffit de leur montrer mon César pour qu’elles me filochent jusqu’à l’Hôtel du Radada et de l’Onguent Gris Réunis. Elles représentent mon dû. J’en ai la jouissance, et je tiens à la partager avec elles, ces jolies !

Oui, alors je te disais que j’entre dans la pièce, salue la bringue gouinasse et accepte le fauteuil crapaud qui m’est désigné. Karola emprunte le second. Va-t-elle avoir l’heureuse idée de croiser les jambes ? Oui ! Gagné : son slip est bel et bien blanc-à-dentelle-noire comme je le subodorais. Un flash ! Mais quel ! Ma cervelle restera impressionnée à tout jamais.

— Chère jolie demoiselle Heinaven, attaqué-je.

Elle rougit léger. Exquise ! La vache ! Ce que je ferais avec (et de) sa chattounette nécessiterait un catalogue dix fois plus épais que l’ancien de Manufrance !

— Chère jolie demoiselle Heinaven, à la suite de votre conversation avec le général Durdelat, les autorités françaises ont décidé d’aller récupérer sur (ou dans) le sol béni de votre chère patrie ce que vous savez. C’est moi qui suis chargé de cette délicate mission. Consentiriez-vous, le moment venu, à me guider jusqu’à l’endroit où se trouve le fameux caisson de ciment ?

Elle ne répond pas immédiatement car c’est une fille réfléchie qui doit se gaffer des impulsions. Avant de lâcher sa décision, elle objecte :

— L’endroit précis, je l’ignore ; tout ce que je connais, c’est la zone approximative où il se trouverait. Les explications du pauvre Strogonoff, pour minutieuses qu’elles eussent été (quel français rutilant pour une étrangère !), ne pouvaient, sans plan, être d’une rigoureuse exactitude. Il m’avait parlé d’un rocher haut de cinq mètres en forme de dent de chat. Il fallait compter seize pas, en partant, plein nord, de cette roche. On atteignait alors un conifère à double tronc, près duquel s’ouvrait un terrier de mammifère fouisseur. Strogonoff avait élargi ce terrier pour y loger le caisson, puis l’avait obstrué pour, ensuite, planter par-dessus un buisson d’airelles sauvages.

Karola m’avoua que, lors de son examen des lieux, quelques mois plus tard, si elle avait effectivement découvert le rocher et l’arbre à deux troncs, il y avait un tel foisonnement d’airelles dans ce sous-bois qu’il lui avait été impossible de repérer l’ancien terrier. Elle s’était abstenue de creuser le sol, se sentant épiée.

Elle déploya alors une carte de la Finlande pour me désigner le point névralgique.