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Désacusaix hausse les épaules.

— Effectivement, elle est venue me demander conseil, mais…

— Mais ?

— Mais je ne l’ai pas tuée, Grand Dieu ! Mon travail consiste à défendre les gens, pas à les supprimer…

— Je trouve que vous les tuez mieux que vous ne les défendez, mon vieux !

— Je vous interdis !

— Oh ! Oh ! Écrasez. Vous allez me suivre gentiment, on va continuer cette conversation dans mon bureau ; il y a plus d’ambiance !

— Je proteste contre cette arrestation ! Vous avez décidément décidé de stopper votre carrière, San-Antonio. Je peux vous annoncer que ça ira mal pour vous ! Pour commencer, je vous informe que je ne vous suivrai pas avant que vous m’ayez présenté un mandat d’amener régulier. Et que…

Je vais ouvrir la porte d’entrée.

— Psst !

Le Gros et Magnin s’annoncent. Ils en avaient classe de moisir sur le palier.

— Embarquez-moi ce monsieur de gré ou de force ! leur dis-je.

— C’est une honte ! glapit l’avocaillon. Je vais de ce pas téléphoner à…

— À mes trucs ! dit le Gros en lui propulsant une mandale qui couche le cher Maître.

Bonne âme, il le relève par sa cravate. La vieille servante dévouée depuis trois générations arrive à la rescousse avec son plumeau. C’est la charge de la brigade sauvage. Elle fait un ramdam qui rendrait sourd M. Armstrong en personne.

Je me tourne vers Désacusaix.

— Dites à votre vieille nourrice de la fermer et de ne pas faire d’histoire, je parle dans votre propre intérêt.

Sent-il qu’il ne gagnera rien à regimber ? Toujours est-il que l’avocat se calme et enjoint à sa déplaceuse de poussière d’en faire autant.

Nous l’emmenons sans mal. Il est pâle, mais semble déterminé. Comme nous prenons place dans ma charrette fantôme, il demande :

— Qu’est-ce qui vous a conduit chez moi ?

Je souris.

— Ceci, fais-je en lui désignant le cabriolet rouge de Geneviève Coras. C’est l’auto de votre victime. Elle était stoppée presque devant votre porte !

Une fois à la Cabane Coup de Triques, c’est encore Désacusaix qui questionne.

— Mais pourquoi avez-vous pensé que Geneviève Coras pouvait m’avoir rendu visite ?

— À cause d’une idée, mon beau maître. Une idée que je me reprocherai toute ma vie de n’avoir pas eue plus tôt. Si je l’avais eue, cette idée-là, Geneviève Coras serait peut-être encore vivante.

Et d’expliquer.

— Hier, quand elle est venue me trouver, elle m’a dit que Messonier allait être exécuté aujourd’hui. Or, une seule personne pouvait lui avoir appris cette nouvelle que j’ignorais moi-même : vous ! Vous, l’avocat du condamné. Car la presse n’informe le public que lorsque tout est consommé. Donc, elle était en rapport avec vous ! J’ai cherché votre adresse dans l’annuaire et me suis aperçu que vous habitiez boulevard Raspail. Maintenant il faut vous mettre à table, mon bon ami.

— Je n’ai rien à dire. Geneviève Coras est venue me parler de ses avatars de la nuit afin de me demander conseil. Je lui ai dit qu’elle devait vous voir et je lui ai proposé de l’accompagner ; elle a accepté. Nous sommes partis. Une fois dehors, elle m’a dit qu’elle préférait venir seule ici. Comme j’étais levé, j’ai décider de profiter de l’occasion pour aller à Montmorency.

— Rien à ajouter ? je questionne flegmatiquement.

— Rien, sinon que je proteste contre cette arrestation arbitraire.

— Allons donc ? vous savez bien que vous êtes venu ici de votre plein gré. Ces messieurs sont prêts à en témoigner.

— C’est une indignité !

— Bon, réfléchissez, on vous reverra plus tard. Pour l’instant j’ai mieux à faire. À propos, l’adresse de votre maison à Montmorency ?

— Allée des Platanes. « Mon Repos ».

J’ordonne à Magnin de coller mon client dans la volière et je demande à l’inspecteur Bérurier s’il veut bien m’escorter jusqu’à la villa de l’avocat.

« Mon Repos » ! C’est choisi, non ?

« Mon Repos Eternel » me paraît mieux indiqué.

J’ai horreur des demi-mesures.

CHAPITRE XIX

Le Gros est bourru, soudain. Il espérait mener cette enquête seulâbre, en mystifiant son chef vénéré. Qui sait, caressait-il peut-être des espoirs d’avancement dans son cerveau plein de vinasse. Un coup d’éclat alors que votre supérieur est en disgrâce, ça peut payer. Avec ça que Monsieur est cocu au point de ne pas oser acheter de bifton de la Loterie de crainte de passer pour cupide !

— Écoute, fait-il, pourquoi tu l’estimes coupable, le bavard ?

— Parce qu’il l’est, fais-je.

Le mastok allume une cigarette.

— Alors tu te rappelles d’un seul coup que la femme était au courant de l’exécution. Tu te dis : seul l’avocat… Bon ! Admettons. Tu vérifies son adresse. Tu t’aperçois que l’auto de ta nana est stoppée devant l’immeuble du zig… Bon, j’admets ! Tu cuisines son pipelet, tu t’aperçois que la môme a rendu visite le matin à Désacusaix et qu’il est ressorti avec elle !.. Bon, je discute pas. Mais toi tu dis : voilà le coupable ! Tu l’emballes comme quoi il a tué la Geneviève.

« Tu l’arrêtes, sans mandat : un avocat ! Et tu… »

— Toi, tu me casses les oreilles et un tas d’autres choses !

Il la boucle.

— Bon, je discute pas. Môssieur est buté ! Môssieur fait sa crise ! Môssieur se prend pour le Félix !

Nous n’échangeons plus une syllabe jusqu’à Montmorency. La rue des Platanes est une mignonne avenue bordée d’acacias ainsi que son nom le laisse supposer. La villa « Mon Repos » est au bout.

L’habitation idiote, en meulière, avec de la faïence autour des fenêtres. Seul le jardin est vaste. Moins mal entretenu en tout cas que ne l’affirmait son propriétaire. Je commence par l’explorer, mais je me rends vite compte qu’aucune parcelle de terrain n’a été remuée depuis plusieurs jours. S’il y a du louche dans la casba, c’est à l’intérieur que ça se tient. Sésame, ouvre-moi ! C’est réticent, ça, madame, because on te l’a pourvu d’un verrou de sécurité, histoire de freiner les honnêtes voleurs. Mais les portes sont comme les femmes, aucune ne m’a jamais résisté très longtemps.

J’entre et je suis frappé par quelque chose. Et vous savez par quoi ? Non, puisque je ne vous l’ai pas encore révélé et que vous n’avez pas plus d’imagination qu’un champignon de fausse couche. Par une toile d’araignée ! Oui, tout crûment. Une jolie toile finement ciselée qu’une bestiole qui avait envie de tisser a tendue d’un mur à l’autre du vestibule.

Je me tourne vers le Gros et la lui désigne.

— Vise un peu, bonhomme. On fait chou blanc.

— À cause ?

— Ben, ça équivaut à des scellés, quoi ! Personne n’est entré ici aujourd’hui. Aussi bête que je te le dis.

— Faut voir ! dit-il.

— Vois, moi je vais voir ailleurs.

Je ressors et vais carillonner à la maison voisine, une coquette isba recouverte d’ardoise. C’est la demeure d’un architecte.

Je ne sais pas s’il sait tirer des plans sur la Comète, en tout cas il sait fabriquer une belle famille. Une demi-douzaine de chiares batifolent dans le jardin (in english, toujours the garden). C’est à eux que je m’adresse.

— Dites donc, les enfants, vous connaissez M. Désacusaix, votre voisin ?