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— Doucement… Voilà, c’est bien.

De grosses larmes jaillissent des yeux de Tama, ceux d’Izri deviennent gris foncé. Il caresse sa joue, considère longtemps son visage. Presque méconnaissable tant il est abîmé. Il la prend dans ses bras pour l’emporter hors de la loggia. D’un coup de pied, il ouvre la porte de son ancienne chambre et dépose la jeune fille sur le lit. Il place un oreiller sous sa nuque puis entreprend de la déshabiller. Il lui ôte sa blouse, son tee-shirt. Elle ne porte plus qu’un soutien-gorge rose et une culotte blanche. Et lorsque Izri voit son corps, il est terrassé. Partout, des stigmates, des cicatrices. Elle est à nouveau partie et il la fait basculer sur le côté, découvrant ainsi l’énorme brûlure dans son dos. Ses maxillaires se contractent sous l’effet de la colère et il quitte la chambre. Il réapparaît trois minutes plus tard, un nouveau verre d’eau à la main. Avec une aspirine dedans.

— Bois, ça va te faire du bien…

Il passe une main derrière sa nuque et l’aide à lever la tête.

— Qui t’a fait ça ? demande-t-il.

Aucune réponse, seulement un regard terrorisé.

— Qui, Tama ? répète-t-il fermement. C’est ma mère, c’est ça ? Tu peux parler, elle n’est pas à la maison…

Tama voudrait échapper aux questions auxquelles elle n’a pas le droit de répondre. Izri remonte la couverture sur son corps et continue à caresser son visage. Malgré les coups, il reste fascinant. Et ses yeux… Deux pépites qui brillent de mille feux. Izri n’a jamais rien vu d’aussi beau que ce regard empli de détresse.

Quelques minutes plus tard, Tama retrouve un semblant de parole.

— Izri ? Est-ce qu’ils ont en… terré M… Mme Mar… guerite ?

Tama a du mal à articuler, espère seulement qu’Izri parviendra à la comprendre.

— Qui ?

— Mar… guerite, celle… qui ha… bite… cité des Sor… biers.

Le visage d’Izri s’assombrit.

— Marguerite est morte ?

— Ça fait plu… sieurs semai… nes.

— Si ça fait plusieurs semaines, ils l’ont forcément enterrée !

— Mais est-ce que quel… qu’un… l’a… trouvée ?

Le jeune homme fronce les sourcils.

— Calme-toi, Tama. Tu me raconteras ça tout à l’heure, d’accord ? Parce que là, je comprends rien…

— Non ! gémit Tama. Il faut sa… voir…

Alors, réunissant ses dernières forces, elle lui raconte ce maudit lundi. Le gâteau d’anniversaire, le gilet, le Requiem de Mozart, le cœur de Marguerite, les crimes de Mejda. Elle mélange les mots, les idées. Malgré tout, le jeune homme finit par déchiffrer son message.

— C’est impossible ! s’écrie-t-il. Tu mens !

Tama sanglote en s’accrochant à la main d’Izri. Soudain, le bruit de la porte d’entrée. Le visage de Tama se pare d’un masque de terreur.

— Ramène-moi… dans la log… gia ! implore-t-elle en essayant de se lever.

Izri la plaque sur le matelas.

— Tu restes là. Ma mère, je m’en occupe.

Il ferme la porte de la chambre ; Tama tremble de peur, de froid, de douleur. Elle entend Mejda et son fils qui parlent. Très vite, le ton monte. Pour atteindre des sommets.

— Tu n’as pas le droit de la traiter comme ça ! explose Izri.

— Je l’ai achetée, elle m’appartient ! Je fais ce que je veux avec elle ! riposte sa mère.

— T’as vu dans quel état elle est ? T’es barge ou quoi ! Tu veux la tuer ?

— Mêle-toi de tes affaires !

La porte de la chambre s’ouvre sur le visage courroucé de Mejda.

— Qu’est-ce qu’elle fout là ?

Quand Mejda arrache la couverture, Tama se met à hurler. C’est alors qu’Izri s’interpose.

— Elle passe la nuit ici, décrète-t-il.

— Jamais de la vie !

Il empoigne sa mère pour la sortir de la pièce et l’engueulade reprend dans le couloir.

— Tama m’a dit des choses pour Marguerite… C’est vrai qu’elle est morte et que tu l’as laissée pourrir sur son fauteuil ?

— J’avais peur que la police me pose des questions ! se justifie Mejda en baissant la voix. Je me suis dit que quelqu’un allait très vite la trouver. De toute façon, elle était morte, alors…

— Et ce que tu lui as volé ?

— Volé ? De quoi tu parles ?

— Tama m’a tout raconté !

— Et tu vas croire cette petite garce plutôt que ta mère ? Elle me déteste tellement qu’elle dirait n’importe quoi sur moi !

— Ah ouais ? Je vois vraiment pas pourquoi elle te déteste autant ! ironise son fils.

— Izri, mon chéri, tu ne me penses pas capable de ça ? Elle ment, je t’assure. Elle invente pour me faire du mal…

— Peut-être, admet Izri.

Tama replie la couverture et pose un pied par terre. Aussitôt, elle s’écroule. À quatre pattes, elle parvient à rejoindre le couloir.

— Reste couchée ! lui ordonne Izri.

Tama pénètre dans la chambre d’en face, celle de Mejda.

— Où tu vas ? éructe la mégère.

Tama s’effondre sur le tapis et attrape une boîte en carton planquée sous le lit. Avant que Mejda ne puisse l’en empêcher, elle soulève le couvercle.

— Je mens pas ! Regarde…

Dans la boîte, des bijoux, quelques bibelots. Izri reconnaît les boucles d’oreilles dont Marguerite ne se séparait jamais. Il se plante face à sa mère.

— Tu dis quoi, là ?

— Je sais pas d’où ça sort ! se défend Mejda. C’est sans doute Tama qui a piqué tous ces trucs !

Izri lui assène une violente gifle qui l’envoie contre le mur.

— Espèce de salope…

Puis il prend Tama dans ses bras et la soutient jusqu’au lit.

— Me laisse pas ! supplie-t-elle. Elle va me tuer !

Il ferme la porte et Tama l’entend à nouveau hurler sur sa mère.

— Elle reste dans ma chambre, c’est bien clair ? Et si tu la touches encore, je te le ferai regretter !

Mejda pleure, implore. Peut-être est-elle tombée à genoux devant lui.

— T’as compris ?

— Oui, oui !

— Je reviens très vite et si jamais tu l’as encore frappée je te massacre !

Il s’éloigne, Mejda le suit jusque dans le hall.

— Mon chéri, attends ! Attends… Écoute-moi, attends !

La porte d’entrée claque violemment et Tama ferme les yeux. Elle ne sait pas si elle va survivre à cette journée, mais se sent terriblement soulagée.

Quand elle lève les paupières, Mejda s’avance vers elle.

— Écoute-moi bien, petite pute : tu vas me le payer. Et très cher… Tu peux même pas imaginer ce qui t’attend.

Après avoir proféré ces menaces, Mejda est contrainte de s’éloigner et Tama sourit.

Izri sait qu’elle n’est pas une menteuse. Izri l’a prise sous sa protection. Et, surtout, Mejda vient de perdre la confiance de son fils unique.

Tama sourit. Elle attendait ce moment depuis si longtemps. Le moment où l’injustice serait enfin terrassée par la vérité.

Le reste est vraiment sans importance. La mort, elle-même, est sans importance…

* * *

Grâce à l’aspirine, la douleur est un peu moins forte. Mais elle me cloue toujours sur le matelas. Chaque fois que je respire, j’ai l’impression qu’une bête malfaisante me dévore de l’intérieur.

Souvent, je repars dans le monde des rêves. Je retourne dans ce désert étrange, j’y retrouve Atek qui semble vouloir me montrer quelque chose, m’indiquer un chemin.