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— La touche pas ! crache Izri.

— Quand j’aurai récupéré mon fric, je l’emmènerai avec moi, répond Théo. C’est vrai, quoi, j’suis pas un salaud… Qu’est-ce qu’elle va faire sans toi, cette petite ?

— Si vous tuez Izri, faudra me tuer aussi, dit alors Tama.

— Oh, mais c’est qu’elle t’aime, en plus ! sourit Théo.

Sa main descend dans son cou, puis se glisse sous la nuisette. Tama se relève d’un bond, mais Théo la rattrape par le poignet et la force à s’agenouiller devant lui.

— Reste calme, chérie… Sois bien sage.

— Laissez-moi ! hurle Tama.

Izri ferme les yeux, conscient qu’au moindre mouvement, il recevra une balle en pleine poitrine.

— Va me chercher un café, ordonne Théo. Bien serré.

Tama se relève et s’enfuit vers la cuisine.

— Et pas de connerie, hein, Tam Tam ? Sinon, je plombe ton mec, c’est compris ?

— Oui, monsieur.

— En plus elle est polie ! ricane Théo. Vraiment, c’est une bonne petite.

Il s’approche d’Izri, restant tout de même à une distance raisonnable.

— Tu sais, quand je t’aurai fumé, je vais me la faire, Iz…

Dans le regard du jeune homme, la douleur se mélange à l’impuissance. Théo arbore un sourire cruel puis va s’affaler à nouveau dans le canapé.

— Alors, ce café, ça vient ? gueule-t-il.

— Ça arrive, monsieur, répond Tama. Vous voulez du sucre ?

— Ouais, du sucre, poupée. Et puis après, tu me feras une petite pipe, OK ?

Derrière lui, Tama approche. Le bruit discret de ses pas est masqué par celui du percolateur.

Sa main droite serre éperdument un couteau de cuisine.

Arrivée à quelques centimètres du canapé, elle se fige. Ses doigts manquent de lâcher l’arme. Alors, elle lève les yeux sur Izri.

Comme pour se souvenir de ce qu’il est pour elle.

Se souvenir d’où elle vient.

Que sans lui, elle n’est rien.

Encore un pas, le percolateur s’arrête. Tama bloque sa respiration et fond sur Théo. Il ne l’entend pas, ne se méfie pas.

Ce n’est qu’une gamine apeurée, après tout.

Tama lui plante la lame en travers de la gorge avant de reculer précipitamment.

Théo se redresse d’un bond, le doigt sur la détente. Izri se jette au sol, la balle siffle au-dessus de sa tête et pulvérise la baie vitrée. Puis Théo lâche son arme et tombe à genoux. D’une main tremblante, il attrape le manche du couteau tandis qu’Izri se remet debout.

— Je t’ai pourtant appris à surveiller tes arrières, pauvre con…

Coup de pied en pleine tête, Théo finit de s’écrouler. Mais il n’est pas encore mort. Alors Izri retire le couteau et le sang jaillit de la carotide.

En relevant la tête, il voit Tama debout près du canapé, la bouche entrouverte, les yeux exorbités. Doucement, il s’approche d’elle et la prend dans ses bras. Il la serre aussi fort qu’il peut. Elle est raide comme la mort, Izri a l’impression d’enlacer un bloc de béton.

— C’est fini, Tama, murmure-t-il. Calme-toi…

Elle se met à trembler de la tête aux pieds. Un long sanglot s’échappe de sa poitrine.

— C’est fini, répète Izri.

Il récupère le revolver de Théo, vérifie qu’il reste des munitions dans le barillet. Puis il court jusqu’à la chambre, passe un jean avant de revenir auprès de Tama qui n’a pas bougé d’un centimètre, le regard fixe. Izri met l’arme à la ceinture de son jean et ouvre le placard de l’entrée. Il se saisit d’une batte de base-ball.

— L’autre salopard va pas tarder à revenir, explique-t-il. Je vais l’attendre dehors…

Il sélectionne un numéro dans son répertoire et met le portable dans la main de Tama.

— Appelle Manu, dis-lui de venir le plus vite possible, OK ?

Encore incapable du moindre mot, Tama se contente de hocher la tête. Izri la serre à nouveau dans ses bras.

— Tu as été incroyable, dit-il. Incroyable…

* * *

Je suis dans le canapé, une tasse de thé brûlant entre les mains.

Mes mains, qui tremblent encore.

Mes mains, que j’ai lavées une bonne dizaine de fois.

Il y a une heure, j’ai tué un homme en lui plantant un couteau dans la gorge. Puis, à travers la fenêtre, j’ai vu Izri massacrer son complice à coups de batte. C’était tellement dur que j’ai vomi mes tripes sur le tapis de la salle à manger.

Peu après, Manu est arrivé et, avec Izri, ils ont mis les cadavres sous une bâche, à l’arrière de son 4 × 4. Ensuite, ils ont nettoyé le sang qui maculait la pièce et les dalles du jardin.

Il est 5 h 30, Manu prend le volant de son Dodge, avec son encombrante cargaison. J’ignore ce qu’il va faire des corps et préfère ne pas le savoir. Izri revient à l’intérieur et se laisse tomber sur le canapé, juste à côté de moi. Longtemps, nous nous regardons droit dans les yeux, sans un mot. Conscients d’être des rescapés.

Des rescapés, des assassins.

Puis je vais dans la salle de bains récupérer du coton et de l’eau. Je reviens m’asseoir près d’Izri et nettoie doucement son visage, déjà méconnaissable. Une arcade et une lèvre explosées, le nez cassé. Je termine d’enlever le sang qui a coulé jusque sur son torse puis pose un pansement sur son arcade.

— Il faudrait des points, dis-je.

Il m’attire contre lui, me serre dans ses bras.

— Ça va aller, jure-t-il.

Manu revient à la maison alors qu’Izri sort de la douche. Ils s’assoient dans le salon et restent silencieux un moment.

— Tama, tu nous fais un café s’il te plaît ? demande Izri.

Je m’exécute et rapporte trois tasses sur un plateau. Je m’installe près d’Iz, prends sa main enflée dans la mienne.

— Tu te rends compte ? dit-il soudain. Ils voulaient me faire chez moi, ces enfoirés ! Chez moi…

— J’aurais jamais pensé que ce crétin oserait monter sur toi, avoue Manu. Comment t’as fait pour le planter ?

Je ne laisse pas à Izri le temps de répondre.

— Il était en train de me peloter et… Iz s’est jeté sur lui… Il l’a désarmé, ils se sont battus… Il y avait un couteau sur la table basse et Iz le lui a planté en travers de la gorge.

Izri baisse les yeux et serre ma main un peu plus fort.

Quand Manu s’en va, il est déjà 10 heures du matin. Malgré tout, nous allons nous coucher. Je ferme les volets et m’étends près de l’homme que j’aime. Mais ni lui ni moi ne trouvons le sommeil.

— Je suis désolé, dit-il à voix basse.

— Je ne laisserai personne te faire du mal. Parce que si on te tue, on me tue…

C’est alors qu’un violent désir me prend. Je me déshabille et m’allonge sur lui. Je le veux en moi, comme je ne l’ai jamais désiré auparavant. Comme si ma vie en dépendait.

Et, pour la première fois, je ressens un plaisir d’une force incroyable. Une sorte de fulgurance qui traverse mon corps avant d’aller dynamiter mon cerveau. Je m’effondre sur Iz et nous restons longtemps, serrés l’un contre l’autre.

La seconde d’après, nous plongeons ensemble dans un profond sommeil.

70

Ça fait un mois que ça s’est passé.

Il y a un mois, j’ai assassiné un homme.