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* * *

— Alors ? demande Tama.

Cette après-midi, Greg a eu son premier parloir avec Izri. Tama lui a confié mille choses. Mille messages d’amour à faire passer à son homme.

— Il va bien, assure Greg en virant son blouson.

Tama est rassurée. Ces trois mots sont déjà essentiels. Mais elle veut plus. Elle veut tout savoir.

— Qu’est-ce qu’il t’a dit ?

Greg hausse les épaules.

— On n’a pas eu beaucoup de temps !

— Je sais, mais… Tu as pu lui dire que…

— Oui, oui, ne t’en fais pas. Mais on a surtout parlé de sa situation, de la boîte, des affaires. Il est remonté contre celui qui les a balancés. Ça lui bouffe la tête !

Il se laisse tomber sur le canapé.

— Il m’a demandé de t’embrasser, ajoute-t-il.

— De m’embrasser ? répète-t-elle.

Tama tente de cacher sa déception. Elle avait espéré mille choses.

Mille messages d’amour.

— Il est perturbé, précise Greg. La taule, c’est pas le Club Med.

— Bien sûr, murmure la jeune femme. Comment est-il ? Il a maigri ?

— Un peu.

— Mais il va bien, hein ? Tu ne me caches rien ?

— Pourquoi tu veux que je te cache quelque chose, princesse ? Il tient le choc, c’est tout ce que je peux dire.

Comprenant qu’elle n’obtiendra rien de plus, Tama retourne dans la cuisine pour terminer la préparation du repas. Ça fait deux mois qu’elle vit avec Greg et cette situation lui pèse chaque jour un peu plus. Pourtant, prenant sur elle, Tama fait tout pour être la plus discrète possible.

L’automne est presque terminé, les températures restent cependant clémentes. Tama va parfois dehors, mais regrette son jardin où elle pouvait passer des heures à lire dans les bras du soleil. Ici, seulement une cour qui demeure constamment à l’ombre. Pas une fleur, pas un brin d’herbe, pas un arbuste. Du béton, du plastique. Un extérieur froid, aussi impersonnel que l’intérieur. Au fond de la cour, il y a le garage et, à côté, une sorte de remise où elle n’a jamais mis les pieds.

Elle n’aime pas cette maison, n’aime pas son propriétaire, n’aime plus sa vie.

Elle pourrait être logée dans un château, ça ne changerait rien.

Sans Izri, le monde entier ressemble à l’enfer.

— Ça sent bon… C’est quoi ? demande Greg en la rejoignant dans la cuisine.

— Un poulet curry coco.

— Hum… Tu es la meilleure cuisinière que je connaisse !

Il pose ses mains sur ses épaules, Tama se contracte. Elle ne supporte pas qu’il la touche. À chaque contact, une décharge électrique lui traverse le corps. C’est douloureux et répugnant sans qu’elle sache vraiment pourquoi. Si Manu était à la place de Greg, ça ne la dérangerait pas. Sans doute parce que dans les yeux de Manu, elle n’a jamais vu ce qu’elle a aperçu dans ceux de Greg.

Concupiscence, convoitise à peine dissimulée.

Elle se dégage doucement et il continue à la fixer avec son sourire énigmatique et patient. Elle attrape les assiettes et les verres dans le placard, les dispose sur la table. Quand elle repasse devant lui, il attrape son bras. Nouveau haut-le-cœur. Il l’attire vers lui, elle résiste, se faisant plus lourde qu’elle n’est.

— N’aie pas peur, murmure-t-il.

Dès qu’elle se retrouve collée à lui, elle a la preuve qu’elle ne rêve pas.

— Qu’est-ce qui te prend ?

— Iz n’en saura rien, dit-il.

Le visage de Tama se crispe. Ses yeux de lionne se transforment en armes à feu.

— Lâche-moi, Greg, demande-t-elle sans élever la voix.

— Allez, détends-toi ! prie-t-il en caressant son visage. Je te jure, je fais tout pour résister, mais c’est pas évident…

— C’est Izri que j’aime, rappelle Tama.

— Qui te parle d’amour ?

À nouveau, elle se dégage puis quitte la pièce pour aller s’enfermer dans la chambre. Son cœur bat à tout rompre lorsqu’elle s’assoit sur le lit. Elle appréhendait cet instant depuis des jours. Ce moment où il allait lui demander de payer sa dette.

Il ne prend pas la peine de frapper et entre dans la chambre à son tour. Bras croisés, il se plante sur le seuil, la dévisageant d’un air contrarié.

Jamais elle ne l’avait trouvé aussi laid. La frustration, sans doute.

— C’est comme ça que tu me remercies ?

— C’est comme ça que tu remercies Iz ? contre-attaque Tama.

— Je ne lui dois rien.

— Vraiment ? Ce n’est pas ce qu’il m’a dit.

— Il t’a menti…

— Izri ne ment pas.

— Tu ne le connais peut-être pas aussi bien que ça ! ricane Greg.

Tama se ferme comme une huître.

— Tu veux savoir combien de fois il t’a trompée ? Combien de nanas il a baisées pendant que tu l’attendais bien sagement à la maison ?

Elle garde toujours le silence, mais ses mains se mettent à trembler. Alors, elle les cache dans son dos.

— Tant de fois que j’ai pas assez de mes dix doigts pour compter ! assène Greg.

— Tu crois m’apprendre quelque chose ? le défie Tama. Je suis au courant, figure-toi !

Il vient s’asseoir près d’elle, pose une main sur sa cuisse. Elle se déplace vers la droite pour s’éloigner.

— Alors, pourquoi tant de manières ? ajoute Greg d’une voix doucereuse.

— J’ai pas envie de coucher avec toi. Et si jamais tu recommences, je m’en irai.

— Et tu iras où, hein ?

— Je me débrouillerai ! s’écrie Tama.

Elle se lève d’un bond, récupère son sac et son gilet avant de s’enfuir dans le couloir. Greg la rattrape dans la cour, la ramène à l’intérieur d’un geste un peu brusque.

— C’est bon, calme-toi ! Tu ne dois pas partir, Tama. Ce n’est pas ce qu’Izri voudrait…

Il referme la porte et lui confisque son sac.

— Je m’excuse, dit-il. Si tu veux pas, y a pas de problème… Alors, on oublie ce qui vient de se passer, d’accord ?

— D’accord, murmure-t-elle.

— Tu me pardonnes ? demande-t-il.

Elle n’a pas vraiment le choix.

* * *

Assis sur ma paillasse, je fixe le mur sombre qui me fait face.

Quinze jours de cachot pour avoir démoli un mec dans la cour de promenade. Un type qui me cherche depuis que je suis arrivé ici. Manu m’a filé un coup de main et doit moisir dans un enclos identique au mien.

Ces cages pour les fauves.

Heureusement qu’il est là, dans la même taule que moi. Heureusement que je peux le voir une ou deux heures par jour. Il partage sa cellule avec deux autres gars qui ont l’air clean. Moi, ils m’ont collé avec un timbré qui se parle à lui-même jusque dans son sommeil.

Mort de peur, sans doute.

J’ignore ce qu’il a commis pour atterrir ici et n’ai pas envie de le savoir.

Ça fait un bail qu’il est là et je me demande si je vais finir comme lui.

J’ai appris que ma mère avait sollicité de la part du juge une autorisation de visite. Pourtant, elle n’est pas venue.

Tant mieux. Qu’elle aille au Diable.

Par contre, la semaine dernière, Greg est passé. Mon premier parloir, mis à part ceux de l’avocat. Ça m’a fait plaisir de le voir, de l’entendre. Mais ce qui m’importait le plus, c’était qu’il me parle de Tama. Il m’assure qu’elle va bien, qu’elle a pris ses marques chez lui et qu’ils cohabitent sans difficulté. Qu’elle a pleuré les premiers jours mais que maintenant, ça va mieux et qu’elle a retrouvé le sourire.