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— Tu es prête ? demanda-t-il.

* * *

Fou à lier était l’expression juste.

Il la terrorisait pour qu’elle aille dans la chambre, et maintenant, il lui proposait une balade à cheval.

— Mes deux princesses ont besoin de se dégourdir les pattes, se justifia-t-il.

— Je ne sais pas si je vais y arriver, bafouilla la jeune femme.

— Toi qui n’as peur de rien ? railla Gabriel. Allons…

Il amena le cheval gris devant elle, fit descendre les étriers et joignit ses mains gantées de cuir.

— Pose ton pied là, ordonna-t-il. Et accroche-toi au pommeau.

Il la souleva comme si elle ne pesait rien et elle se retrouva assise sur le dos de la jument une seconde plus tard.

C’était haut. Beaucoup trop haut.

Gabriel se mit en selle à son tour et lui adressa l’un de ses énigmatiques sourires.

— La tienne s’appelle Gaïa. Et voici Maya.

— Enchantée, marmonna-t-elle.

Gabriel passa devant et Gaïa suivit sans que la jeune femme ait le moindre mouvement à faire. La jument se plaça à côté de sa congénère et les deux cavaliers avancèrent au pas sur la piste qui grimpait derrière la maison.

— Gaïa est très douce, indiqua Gabriel. C’est pour ça que je l’ai choisie pour toi. Maya est plus nerveuse, parfois…

— Je vais me casser la gueule, c’est sûr !

Malgré la peur, elle savoura cet instant étrange, ce moment où elle retrouvait une certaine liberté.

— C’est bizarre, dit-elle, j’ai l’impression d’avoir été cloîtrée pendant des mois…

— C’est peut-être le cas. Peut-être que tu as été séquestrée et que tu t’es enfuie.

Elle ressentit un pincement aux tripes.

— Fais confiance à tes émotions, reprit Gabriel. À tes sentiments. Si tu as l’impression d’avoir été enfermée longtemps, c’est sans doute le cas. Mais il y a mille façons d’être enfermé…

— Vous pensez à quoi ?

— J’en sais rien ! J’ai cassé ma boule de cristal, désolé…

— Très drôle ! bougonna la jeune femme.

— Et le cheval, ça te rappelle quelque chose ?

— Absolument rien, soupira-t-elle. Elle a quel âge, Gaïa ?

— Dix ans. Je l’avais offerte à Lana pour ses seize ans, ajouta-t-il comme s’il se parlait à lui-même.

La jeune femme en déduisit que Lana aurait dû avoir vingt-six ans aujourd’hui. Gabriel lui laissait monter le cheval de sa fille, lui laissait porter ses vêtements… Mais il refusait de parler d’elle. L’évoquer était quasiment interdit. Uniquement des bribes, des petits morceaux d’histoire. Les pièces minuscules d’un tragique puzzle.

— Lana l’adorait, reprit Gabriel. Et c’était réciproque.

Il ne semblait plus craindre la moindre tentative d’évasion de sa part. Ou peut-être voulait-il lui signifier qu’il avait le contrôle absolu de la situation.

Troisième hypothèse, il souhaitait qu’elle tente le coup pour partir en chasse. Mais comme elle ne savait pas diriger un cheval, ça ne risquait pas d’arriver.

Ils longèrent les pâturages abandonnés, les vieux barbelés, puis entrèrent dans la forêt. La jeune femme connaissait ce chemin.

C’était celui qui menait à sa tombe…

90

Greg se tient à carreau, désormais. Il se conduit bien envers moi, je commence même à l’apprécier. Progressivement, je me détends un peu.

Hier soir, il a allumé un feu dans la cheminée et nous avons longuement bavardé dans le salon. Il m’a raconté ses souvenirs d’enfance avec Izri, ça m’a fait du bien qu’il me parle de lui. Il a réussi à me faire pleurer et même à me faire rire, ce que je croyais impossible. Il faut dire que j’avais bu un peu d’alcool. Pas beaucoup, mais dès que j’avale une goutte de vin, j’ai tendance à baisser ma garde.

Alors, moi aussi, je me suis confiée. Sur Mejda, Sefana et sur ce qu’Izri a fait pour moi. Sur notre vie commune, notre amour. Greg sait qu’Izri peut se montrer violent et je le lui ai confirmé en omettant les détails. Je lui ai un peu raconté l’histoire de Tristan, sans toutefois lui révéler qu’Izri l’avait envoyé à l’hôpital.

Finalement, je ne suis plus aussi pressée d’avoir mon appartement. Je m’impatiente juste de pouvoir rendre visite à Izri.

* * *

Tarmoni passe en coup de vent à la maison. Je lui sers un verre de porto, il s’assoit dans le salon, en face de Greg.

— Tu nous apportes des glaçons, Tama ? me lance Greg.

— Bien sûr…

Je file dans la cuisine et j’entends les deux hommes parler à voix basse. Ça m’inquiète, alors je me hâte de revenir auprès d’eux. C’est moi qui ai demandé à Tarmoni de venir, car je veux qu’il m’obtienne un permis de visite de la part du juge.

— Alors, vous voulez vraiment qu’on tente le coup ? s’assure Tarmoni. Vous avez conscience des risques que vous prenez ? Ils sont immenses…

— Je me fous des risques. Je ne peux plus rester sans le voir, dis-je. C’est trop dur.

— OK, espérons qu’ils ne vont pas déclencher une enquête et découvrir que vous avez usurpé l’identité de quelqu’un… Toutefois, vous savez que le juge est libre de refuser. Pour les membres de la famille, il doit motiver son refus, mais pour les autres… D’ailleurs, la mère d’Izri a obtenu son laissez-passer.

Quand j’apprends que Mejda va pouvoir rendre visite à Iz alors que moi je ne peux plus l’approcher, mon cœur s’emplit de rage et de jalousie.

— Mais d’après ce que je sais, elle n’est pas encore allée le voir, ajoute l’avocat en voyant ma tête. On va donc essayer. Et pour ne pas vous mettre en danger, on ne va pas signaler que vous viviez avec Izri, seulement que vous êtes l’une de ses amies d’enfance. Je vais rédiger une demande dans laquelle j’expliquerai que votre présence sera bénéfique au prévenu… Pour le dossier, j’ai besoin de deux photos d’identité et de la copie de votre carte d’identité. Si vous voulez, vous me la confiez et je m’en charge.

— Je vais la chercher ! dis-je en me levant.

Dans la chambre, je récupère mon portefeuille. Comme je ne trouve pas ma carte, je vide le contenu de mon sac à main sur le lit. L’angoisse me serre la gorge. Je retourne dans le salon, interrompant de nouvelles messes basses.

— Je ne la trouve plus ! m’écrié-je.

— Comment ça ? s’étonne Greg.

— Elle était dans mon sac, pourtant !

J’ai les larmes aux yeux, Tarmoni me considère avec compassion.

— On va fouiller la chambre, propose Greg. Et quand on l’aura, on vous l’apportera, maître.

— Très bien, soupire l’avocat en finissant son verre. Il faut que je file.

Il s’en va et je retourne dans la chambre où je mets tout sens dessus dessous.

— Tu l’avais peut-être laissée à la maison, suggère Greg.

— Non ! Je suis sûre qu’elle était dans mon sac…

— Calme-toi. Demain, on ira à l’entrepôt et on essaiera de la retrouver dans les cartons…

— Mais si je l’avais oubliée à la maison, les flics l’auraient prise lors de la perquisition…

— Tu as raison, admet Greg.

Je tombe sur le lit et enfouis mon visage entre mes mains.

— Allez, te bile pas, Tama… Je vais me démerder pour te procurer d’autres papiers, d’accord ?