Выбрать главу

Sa main n’a pas lâché le couteau.

Pour Izri, pour elle. Pour eux.

Greg roule sur le côté, la lame se plante dans son épaule, lui arrachant un nouveau hurlement. Ils se relèvent en même temps, se font face.

Tama le fixe, du meurtre plein les yeux.

Ce n’est plus une enfant, plus une jeune fille. Pas encore une femme.

C’est une criminelle en puissance, une guerrière, une déesse de la vengeance.

Greg recule d’un pas, Tama avance de deux. De sa main valide, il saisit le dossier d’une chaise, la jette sur elle au moment où elle passe à l’attaque.

Sous le choc, Tama s’effondre. Cette fois, sa main a lâché le couteau.

Son tortionnaire la décolle du sol, la pousse contre le mur. Le front de Tama heurte violemment la cloison, elle perd connaissance.

Quand ses paupières se soulèvent, Tama est dans le placard.

Migraine atroce.

Poignets et chevilles entravés, scotch sur la bouche.

Après maintes contorsions, elle parvient à s’asseoir contre la porte de sa cellule et reprend son souffle.

Le couteau, la chaise, le mur. L’échec.

Ses yeux se crèvent tels des nuages et lâchent une averse acide sur son visage congestionné.

J’ai essayé, mon amour. J’ai essayé, je te le jure ! Au lieu de m’apprendre à conduire, tu aurais dû m’apprendre à me battre, à cogner, à tuer.

Elle entend soudain une voix qui lui rappelle quelque chose. En fouillant son cerveau endolori, elle réalise que c’est celle du médecin qui a soigné Izri après que Santiago lui a tiré dessus. Le médecin du milieu, bien sûr. Qui doit être en train de recoudre ce salopard de Greg.

Peut-être sa dernière chance.

Ne pouvant appeler au secours, elle tente d’attirer son attention en donnant des coups contre la porte avec l’arrière de son crâne. C’est terriblement douloureux, mais il faut qu’il sache qu’elle est là.

— C’est quoi ce bruit ? s’inquiète enfin le praticien.

— C’est rien, assure Greg. J’ai enfermé ma chienne dans le placard pour qu’elle ne vous saute pas dessus. Et ça ne lui plaît pas beaucoup ! Elle est très agressive en ce moment, mais c’est parce que son dressage n’est pas terminé…

Tama continue à heurter la porte en bois, de plus en plus fort, même si ça fait vibrer sa colonne vertébrale. Elle frappe à intervalles réguliers, pourtant cet abruti de médecin ne comprend pas. Quel chien serait capable de ça ?

À moins qu’il ne veuille pas comprendre.

— Voilà, c’est terminé, annonce-t-il. Je vous laisse des antibios à prendre trois fois par jour ainsi que du désinfectant. Il faudrait une infirmière pour vous refaire les pansements, mais…

— Pas de souci, j’en ai une, assure Greg. Merci, docteur.

Le toubib se hâte de quitter la maison et Tama rampe jusqu’au fond du placard. Quelques minutes plus tard, la porte s’ouvre. Greg la dévisage de longues secondes. Il est torse nu, le bras et l’épaule gauches bandés. Il se penche, saisit Tama par les cheveux et la plaque contre la porte avant de serrer une main autour de sa gorge.

— Visiblement, j’ai pas été assez clair, l’autre jour… Je t’avais dit que si tu n’étais pas sage, c’est Iz qui allait morfler. Tu te souviens ?

Le scotch empêche Tama de tenter la moindre réplique. Mais dans son crâne souffle un vent de panique. Greg la pousse jusque dans la chambre. Si fort qu’elle tombe à genoux sur la descente de lit. Il s’assoit sur le matelas, attrape son portable. Tama gémit, le supplie du regard. Greg sélectionne le contact et porte le téléphone à son oreille en adressant un petit sourire à sa prisonnière.

— Maître ? Je vous appelle parce que j’ai un problème. Un gros problème…

Tama ferme les yeux en imaginant ce que ce taré va encore pouvoir inventer.

— Tama est partie. Elle a quitté la maison hier soir… Je l’ai cherchée toute la nuit, mais je ne l’ai pas retrouvée !

Elle ne peut entendre ce que Tarmoni lui répond, mais imagine sans peine son étonnement.

— Vous voyez Iz demain ? Pouvez-vous lui dire que je continue à la chercher ?… Je suis allé voir chez Tristan et…

Et il raconte que Tama a eu une aventure avec cet homme, qu’elle est peut-être partie avec lui, qu’il n’en est pas sûr. Pendant qu’il ment comme un arracheur de dents, il continue à fixer Tama avec son ignoble sourire.

Comment ce sale type peut-il être le meilleur ami d’Izri ? Comment l’homme qu’elle aime a pu, des années durant, ignorer sa perfidie ? Sa sournoiserie ?

— Oui, maître. Je vous tiens au courant, bien sûr. Merci et à très vite.

Il raccroche et arrache le scotch des lèvres de Tama.

— J’aurais pas voulu que tu rates ça, ma petite Tama ! Demain, notre ami l’avocat va apporter la nouvelle à ton ex et je suis sûr qu’il va s’ouvrir les veines…

— Espèce de salaud ! hurle Tama.

Greg la saisit à nouveau par le cou et la jette sur le lit.

— Maintenant, on va finir ton dressage, tu veux bien ?

* * *

Greg n’est pas revenu.

Évidemment, c’est mauvais signe.

Je m’assois par terre, près du grillage et allume une cigarette. Cinq minutes plus tard, Manu sort à son tour et me rejoint.

— Si tu voyais ta tête, soupire-t-il.

— Lâche-moi !

— Du calme, fils…

— Comment veux-tu que je reste calme, alors que ma femme est en train de se faire tringler par un connard !

Manu s’assoit près de moi et pose une main sur mon épaule.

— Foutaises ! Oublie ce que ce petit tordu t’a dit, m’ordonne Manu. Tama ne te ferait jamais ça. Cette gamine est dingue de toi. Je l’ai vu au premier regard. Et elle l’a prouvé à maintes reprises, non ?

Ne sachant quoi lui répondre, je m’enferme dans le silence.

— Greg ment. C’est la seule explication plausible, poursuit Manu.

— Pourquoi ?

— Ça, je l’ignore. Mais je l’ai jamais senti, ce mec.

— Tu délires…

— Tama pourrait mourir pour toi. Elle a tué pour toi.

Je fronce les sourcils.

— Eh ouais, je suis au courant que c’est elle qui a refroidi Théo.

— Elle te l’a dit ?

— Tama ? Elle ne m’a rien dit du tout. J’ai compris dès que je suis arrivé chez vous… Je ne suis pas stupide, tu sais ! Donc, je répète, elle a tué pour toi. T’as oublié ?

J’ai l’impression que ma tête va exploser.

— J’en peux plus, Manu… Faut qu’on s’arrache d’ici.

— J’y travaille, fils. J’y travaille… Mais fais quelque chose pour moi, tu veux ? Arrête de te bouffer le cerveau. Tama ne t’a pas trahi, j’en suis certain… Est-ce que je me suis déjà trompé ?

Je dois bien admettre que non. Pourtant, aucune parole ne parvient à me rassurer.

— Il revient bientôt, Tarmoni ?

— Demain.

— Je suis sûr qu’il t’apportera de bonnes nouvelles au sujet de Tama.

— Si Greg m’a menti, je lui arrache les tripes quand je sors…

— Je me ferai une joie de te filer un coup de main, assure Manu avec un sourire terrifiant.

* * *

Je suis sûr qu’il va s’ouvrir les veines.

Cette phrase m’a poursuivie toute la nuit et résonne encore dans ma tête.

Iz, je t’en supplie, ne m’abandonne pas. C’est pour toi que je résiste. Que je survis. Que je supporte tout ce que ce malade me fait subir.