Выбрать главу
LE CHŒUR DES KHOÈPHORES.

Strophe I.

La terre nourrit d'innombrables terreurs et de grands maux; les gouffres de la mer abondent de monstres terribles à l'homme; des feux flamboyants tombent des hautes nuées, et nous pouvons nous rappeler tout ce qui vole et rampe, aussi bien que la fureur qui jaillit de la tempête.

Antistrophe I.

Mais qui dira l'aveugle audace de l'homme et de la femme, ce qu'ils osent tenter, et les amours sans frein qui amènent la ruine inévitable des mortels? Quand il possède le cœur de la femme, cet amour qui n'est pas l'amour, il dompte les hommes comme il fait des bêtes féroces.

Strophe II.

Qu'il se rappelle, celui qui n'oublie pas, dans son esprit léger, comment la misérable Thestiade, funeste à son fils, conçut le dessein de brûler le tison qui devait durer autant que son enfant, depuis qu'ayant été mis au monde par sa mère, il poussa son premier vagissement, jusqu'à son jour fatal.

Antistrophe II.

Qu'on se souvienne aussi de la cruelle et abominable Skylla qui, pour des ennemis, perdit l'homme qui devait lui être cher. Séduite par les bracelets d'or Krètois, dons de Minôs, elle coupa sur la tête de Nisos, profitant de son sommeil, le cheveu immortel, la chienne! et Hermès se saisit d'elle.

Strophe III.

Ayant parlé de ces aventures lamentables, ne dois-je point rappeler le détestable mariage, funeste à ces demeures, et les embûches perfides de la femme ourdies contre l'homme belliqueux que ses ennemis eux-mêmes admiraient pour son courage? Il faut mépriser le foyer sans feu et la honteuse domination d'une femme.

Antistrophe III.

De tous ces crimes horribles le plus célèbre est le crime Lemnien. Il est certes, en abomination. Qui pourrait rien comparer aux meurtres Lemnien? Toute une race a péri, détestée des dieux et en exécration aux hommes. Personne ne peut honorer ce qui est détesté des dieux. Lequel de ces crimes ai-je rappelé sans raison?

Strophe IV.

L'épée aiguë que la justice enfonce dans la poitrine blesse terriblement. Il est défendu de fouler le chemin par lequel on s'éloigne, contre tout droit du respect dû à Zeus.

Antistrophe IV.

Mais la tige de la justice est toujours droite et Aisa qui forge les épées aiguise l'airain. Érinnys aux profondes pensées ramène l'enfant dans les demeures, pour y laver la souillure des anciens crimes.

ORESTÈS.

Esclave, esclave! entends les coups dont je heurte la porte! Encore une fois, esclave, esclave! y a-t-il quelqu'un, ici! J’appelle pour la troisième fois, afin qu'on me réponde, si, toutefois, Aigisthos connaît l'hospitalité.

LE PORTIER.

C'est bien, j'entends. Étranger, d'où es-tu? D'où viens-tu?

ORESTÈS.

Dis aux maîtres de ces demeures que je viens leur apporter une nouvelle. Hâte-toi. Voici que le sombre char de la nuit s'avance. Il est temps pour des voyageurs de jeter l'ancre dans une demeure qui les repose des fatigues du chemin. Que quelqu'un vienne, la maîtresse de cette maison elle-même, ou le maître, ainsi qu'il est plus convenable. Le respect, alors, ne rendrait point mes paroles obscures. L'homme parle plus franchement à l'homme et dit toute sa pensée.

KLYTAIMNESTRA.

Étrangers, parlez donc, que vous faut-il? Toutes choses se trouvent dans ces demeures, des bains chauds qui reposent de la fatigue, un lit et des visages bienveillants. Si vous avez un plus grave souci, c'est l'affaire du maître, et je le lui dirai.

ORESTÈS.

Je suis étranger, de Daulis, chez les Phokéens. J'allais, chargé de mon bagage, vers Argos où je viens de mettre le pied, lorsqu'un homme qui m'était inconnu et que je ne connaissais pas, m'a rencontré et m'a enseigné mon chemin. C'était Strophios le Phokéen. J'ai appris son nom en causant, et il m'a dit: – Étranger, puisque tu te rends à Argos pour quelque affaire, souviens-toi bien d'annoncer aux parents d'Orestès qu'il est mort. N'oublie pas. Tu me rapporteras leurs ordres, soit qu'ils redemandent sa cendre, soit qu'on l'ensevelisse dans la terre dont il a été l'hôte. Maintenant, en effet, les cendres du jeune homme convenablement pleuré sont enfermées dans une urne d'airain.’ – Ce que j'ai entendu, je l'ai dit. Je ne sais si je parle à ceux que cela concerne, à ses parents; mais il convient que le père le sache.

ÈLEKTRA .

Malheur à moi! Notre ruine est achevée par ce malheur. Ô invincible exécration de ces demeures, que de choses tu as vues qui se croyaient à l'abri et que, de loin, tu as atteintes de tes traits! Tu me prives, moi, très malheureuse, de ceux qui m'aimaient! Et, maintenant, Orestès, qui s'était bien gardé de mettre le pied dans ce bourbier funeste, qui était l'unique espérance de salut et de joie pour ces demeures, Orestès me laisse désespérée!

ORESTÈS.

Pour moi, j'aurais voulu apporter à des hôtes heureux une abondance de bonnes nouvelles, en retour de l'hospitalité et de l'accueil bienveillant. Quoi de meilleur, en effet, que d'être agréable à ses hôtes? Mais j'ai pensé, dans mon esprit, qu'il serait mal de ne point vous annoncer une chose d'un si grand intérêt, puisque je l'avais promis et que vous me donnez l'hospitalité.

KLYTAIMNESTRA.

Tu n'en seras ni moins bien reçu, ni moins traité en ami dans cette demeure. Un autre serait venu comme toi porter cette nouvelle. Mais il est temps que nos hôtes se reposent, après avoir marché pendant tout un jour et fait une longue route. Conduisez celui-ci dans la chambre des hommes, réservée aux hôtes en cette maison, puis vous songerez à son compagnon. Que tout ce que contient la demeure leur soit offert. Faites ce que j'ordonne. Moi, je vais tout apprendre à celui qui commande ici, et comme nous ne manquons pas d'amis, nous délibérerons avec eux sur ce qui arrive.

LE CHŒUR DES KHOÈPHORES.

Allons, servantes de cette demeure, quand ferons-nous des vœux, à haute voix et ardemment, pour le salut d'Orestès? Ô terre vénérable, et toi, tertre sacré du tombeau qui couvre le corps royal du chef de tant de nefs, maintenant exauce-nous, aide-nous! Le temps est venu de tendre l'embûche rusée. Qu'Hermès souterrain marche devant ceux-ci, dans leur sombre voie, pour ce combat où frappera l'épée.

LE PORTIER.

Cet étranger semble préparer quelque malheur. Je vois la nourrice d'Orestès tout en larmes. Pourquoi, Gilissa, sors-tu de la maison? Le chagrin est un serviteur qui t'accompagne sans que tu le payes.

LA NOURRICE GILISSA.

La reine veut qu' Aigisthos parle à ces étrangers, le plus promptement possible, afin d'apprendre sûrement par lui-même, la nouvelle qui vient d'arriver. En face des serviteurs, elle a caché la joie de son âme sous un visage attristé, à cause de l'heureux message de ces étrangers; mais la destinée de cette maison est rendue très misérable par cette nouvelle certaine qu'ont apportée nos hôtes. Certes, Aigisthos aura le cœur plein de joie quand il l'apprendra. Ô malheureuse! combien ces malheurs qui se sont rués autrefois sur la demeure d'Atreus ont déchiré mon cœur dans ma poitrine, mais jamais d'une aussi grande douleur qu'aujourd'hui! J'ai, autant que je l'ai pu, supporté les autres maux avec patience. Mais mon cher Orestès, le souci de mon âme, que j'ai nourri, l'ayant reçu de sa mère, qui de ses cris aigus me faisait lever pendant la nuit, et pour qui j'ai enduré tant de fatigues et de peines inutiles! Il faut bien, en effet, deviner celui qui n'a pas plus de raison qu'une bête. Comment faire autrement? Un enfant dans les langes ne parle pas, soit que la faim ou la soif, ou le besoin d'uriner le prenne, car le ventre d'un enfant n'attend rien. Je prévoyais cela, et souvent, je l'avoue, je me suis trompée. Puis, il fallait laver les langes de l'enfant, car la nourrice est aussi blanchisseuse. J'eus ce double devoir du jour où Orestès me fut donné à élever par son père. Et maintenant, malheureuse, j'apprends qu'il est mort! Mais je vais trouver cet homme qui est le malheur de cette maison. Sans doute il entendra cette nouvelle avec joie!