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— C’était pour votre mère, comprenez-vous. Je l’ai beaucoup aimée, vous savez. Elle aussi, je pense…

Il baissa la tête, son teint s’était cuivré sous l’effet d’une confidence dont il semblait saisir la banalité un peu vulgaire.

— Ça va vous sembler ridicule d’un vieil homme comme moi, mais… c’était une grande passion.

Non, Antoine ne trouvait pas cela ridicule, il avait eu aussi une grande passion dans sa vie.

— Je n’ai jamais voulu dire ce que je faisais ce jour-là parce que… nous étions ensemble, elle et moi. Dans cette voiture justement. Je ne voulais pas la compromettre… Elle souhaitait que notre relation reste cachée… Ce sont des choses qui se respectent.

Pour éloigner les soupçons, Mme Courtin s’était toujours montrée distante, sévère, proférant sur M. Kowalski des jugements définitifs qui se révélaient rétrospectivement d’une grande cruauté.

Antoine recollait avec peine les morceaux de tout cela. M. Kowalski s’arrête. Que dit-il à Mme Courtin ?

Dans la voiture elle se retourne, ne voit rien, se demande ce qu’il est parti faire, elle ne veut pas rester là, arrêtée au bord de la route, elle ne veut pas être vue par les gens…

M. Kowalski est descendu, il cherche Antoine, qu’il vient d’apercevoir affolé en train de courir vers Beauval, il ne le trouve pas, il renonce, remonte en voiture et redémarre…

Que se disent-ils ?

— Je ne lui ai rien dit. C’était un peu par réflexe, j’avais l’impression que… comment dire… que ce n’était pas bien.

Cette relation entre sa mère et cet homme plongeait Antoine dans un malaise qu’il parvenait difficilement à maîtriser. Non qu’elle fût scandaleuse en soi, bien sûr, on est toujours surpris et choqué qu’un de ses parents puisse avoir une vie sexuelle même quand on est médecin, alors, il y avait de cela, bien sûr, mais aussi quelque chose de plus diffus, de plus complexe, qui aurait nécessité du temps, de la réflexion, et qui reposait sur cette question : quand s’étaient-ils connus ?

Mme Courtin avait commencé à travailler chez M. Kowalski bien avant la naissance d’Antoine… Deux ans ? trois ans avant ? Le père d’Antoine était parti quand ? Les dates, les années, les images se mélangeaient, le sol se dérobait.

Antoine fut pris d’une brusque nausée.

Il se tourna vers M. Kowalski et s’aperçut qu’il s’était levé, qu’il était déjà à la porte.

— Tout cela n’a plus d’importance, docteur. On se pose beaucoup de questions, vous savez… Moi-même… Et puis un jour, on arrête.

C’est cet homme qui avait dû lui aussi tant souffrir, qui cherchait à cet instant les mots pour le rassurer.

Antoine tremblait comme s’il était sorti sans manteau un jour de neige.

— Et surtout, docteur, ne vous inquiétez pas…

Antoine ouvrit la bouche, mais M. Kowalski était déjà parti.

Deux jours plus tard, il reçut un petit colis qu’il ouvrit sur la table de son cabinet, juste avant de commencer ses consultations.

C’était sa montre. Avec son bracelet fluo vert.

Évidemment, elle était arrêtée.

GRATITUDE

Ce roman n’aurait pas vu le jour sans l’indispensable présence de Pascaline.

Que l’ami Patrice Leconte [saint Martin] soit remercié d’avoir écrit la lettre qu’il fallait au moment où il le fallait. Puisqu’il est question des amis, comment oublier Jean-Daniel Baltassat [saint Bernard] et Gérald Aubert, l’ami fondamental…

S’il y a des erreurs ici et là, ni Daniel Wainblum, ni François Daoust, ni Samuel Tillie ne seront à blâmer, mais moi seul.

Eux, au contraire, je les remercie bien vivement de leur aide et de leurs conseils.

Je me reconnais volontiers dans le commentaire de H. G. Wells dans sa préface à Dolorès : « On prend un trait chez celui-ci, un trait chez cet autre ; on l’emprunte à un ami de toujours, ou à quelqu’un à peine entrevu sur le quai d’une gare, en attendant un train. On emprunte même parfois une phrase, une idée à un fait divers de journal. Voilà la manière d’écrire un roman ; il n’y en a pas d’autre. »

Ainsi, pendant l’écriture de ce roman, des images, des expressions me sont apparues dont je savais qu’elles venaient d’ailleurs. Pour celles que j’ai pu identifier, elles provenaient (pardon pour le désordre) de : Cynthia Fleury, Jean-Paul Sartre, Georges Simenon, Louis Guilloux, Virginie Despentes, Rosy & John, Thierry Dana, Henri Poincaré, David Vann, Nathaniel Hawthorne, William McIlvanney, Marcel Proust, Yann Moix, Umberto Eco, Marc Dugain, K.O. Knausgaard, William Gaddis, Nic Pizzolatto, Ludwig Lewisohn, Homère et sans doute quelques autres…