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— On va découvrir, en fait d’indice, qu’il a été également loué à la journée par une dame blonde en tailleur blanc ! Ces salauds ont toutes les ruses !

— Allons-y tout de même. Par ailleurs, j’ai communiqué les signalements des gens qui vous ont kidnappés. On est en train de sélectionner d’après ceux-ci des photographies aux archives. Peut-être y retrouverez-vous certains de vos tortionnaires ?

Il croit au père Noël, Andy ! Enfin, il ne faut rien négliger.

— L’homme aux cheveux gris, continue-t-il, parlait français, m’avez-vous dit ?

— Parfaitement.

— Avait-il un accent quelconque ?…

— Je pense qu’il était méditerranéen : Grec ou peut-être bien Italien du Sud…

— Vous ne pouvez préciser ?

— Vous me prenez pour une encyclopédie ?

— Encyclopédie ? énonce péniblement Andy, qu’est-ce que c’est ?

— L’étude des cyclopes.

Ayant contribué à son éducation, je me lève.

— On les met ?

— Partons !

Vous voyez, comme à l’Opéra ! Les choristes se branlent les cloches pendant une plombe en piétinant la poussière du plancher. Ils gueulent sur tous les tons qu’ils s’en vont, et ils restent laga !

C’est comme la diva qui brame à pleine vibure qu’elle va caner ! En fait de dernier soupir, elle est pourvue ! Avec ce qui lui sort des soufflets, vous regonfleriez un corps expéditionnaire de mandoliniers !

Enfin, on s’en va.

Nous filons sur Central Park. Andy roule doucement afin de me permettre de bien repérer les lieux.

Pour ça, y a pas de mouron à se faire. Je suis une vraie caméra : j’enregistre tout ! Y compris la voix de Mlle Louise-Maria Naut, la célèbre cantatrice des arènes monumentales de Barcelone !

— Attendez, fais-je. Oui, nous sommes passés devant cet immeuble… Continuez… Je me souviens également de ce magasin…

Ça défile dans ma trombine comme un appareil de projection.

Je reconnais des rues, des stations de bus…

— Voilà ! bramé-je tout à coup en repérant une maison de briques à la façade noircie.

— Quoi ?

— Ça va être la prochaine rue, j’en suis absolument certain.

Docile, il oblique sur la droite.

J’aperçois, dans le fond, l’enseigne du garage.

— Et voici l’endroit !

Andy donne un coup d’accélérateur qui nous propulse pile devant le garage.

Avant de descendre de voiture, il ouvre la boîte à gants et y prend quelque chose. Mes yeux pétillent comme un feu de sarments.

L’objet qu’il me tend est un superbe pétard de calibre intimidant. Ce trac-là, c’est pas dans un drug’s qu’il l’a acheté.

— Ça peut servir, me dit-il.

— Je comprends ! C’est une bonne compagnie.

J’enfouis le pulvérisateur dans ma ceinture.

Maintenant, j’aimerais bien dire deux mots aux bonshommes qui s’amusaient à me soutirer du raisiné ! Moi aussi, je leur ferais un petit prélèvement. Et ça irait beaucoup plus vite !

Une grille ferme l’entrée du garage.

— C’est bien ce que je pensais, soupire mon collègue. Il s’agit d’un établissement fermé.

Il secoue la grille, en vain. Elle refuse de céder à cette sollicitation.

J’écarte Andy d’un geste calme et autoritaire.

— Vous n’auriez pas une lime à ongles, Andy ?

— Vous voulez manucurer vos mains ?

— Non. Donnez !

Il me tend l’objet demandé. Je m’accroupis pour examiner la serrure et j’introduis ma lime dans l’orifice prévu pour une honnête clé.

C’est chinois, une serrure ; pourtant, lorsqu’on examine son cas attentivement, on arrive à comprendre son fonctionnement.

Après quelques manœuvres infructueuses, j’arrive à mes fins.

D’une secousse, j’entrouvre la grille sur une longueur de cinquante centimètres ; ce qui est largement suffisant.

Andy a une mimique admirative.

— O.K. Vous êtes un champion !

Le champion et son petit copain pénètrent dans le garage.

Je le retrouve tel qu’hier. Vide, désaffecté. Il ne reste dans le hall que quelques tacots innommables, qu’aussi bien je me garderai de nommer !

Nous furetons partout sans rien trouver.

— Descendons, fais-je en montrant le petit escalier. En bas, il y a un entrepôt avec des bidons d’huile et des pneus… Nous nous sommes bigornés avec les malfrats. S’il n’y avait pas eu de renforts à la dernière minute, nous prenions l’avantage.

Nous descendons.

Après avoir donné la lumière, nous procédons à un inventaire scrupuleux du local. Nous le passons au peigne fin, comme dirait l’amant de Mme Bérurier qui est coiffeur de son état, comme chacun le sait. (Lui, c’est à la brosse, qu’il passe la digne épouse de mon malheureux collègue.)

Soudain, Andy se redresse. Il tient un stylo à bille et l’examine.

Je le rejoins.

— Ça n’appartient ni à vous ni à vos hommes, ça ? demande-t-il.

Je considère l’objet avec attention. C’est un stylo-réclame jaune. Il y a l’adresse d’un établissement gravée dessus.

Je demande à Andy ce qu’est cette maison ; il me répond que c’est une maison de jeux de la Huitième avenue. On y joue aux quilles et à un tas de machins électriques.

— On pourrait peut-être y faire un tour, non ?

Il hausse les épaules.

— Chaque établissement distribue des milliers de machins comme ça à Noël ! Vous ne pensez pas sérieusement que le patron de cette taule se souvient des gars à qui il a offert ça ?

L’argument est sans réplique. Comme nous ne trouvons rien d’autre, nous prenons le parti de mettre les adjas.

Nous avons la sensation déprimante de l’avoir dans le dos. In english : in the baba !

Nous regagnons le P.C. de mon collègue sans échanger un mot.

— Que faites-vous ? me demande-t-il, une fois sa voiture rangée dans le parking de la maison Poulopot. Vous restez avec moi ou bien vous vous promenez ?

Sachant que je ne puis pas lui être plus utile qu’une paire de patins à roulettes peut l’être à un escargot, je lui réponds que je vais aller respirer l’air tiède de cette matinée d’été.

Nous échangeons une poignée de pognes et je me propulse en direction de la Huitième avenue.

Je n’ai aucune peine à dégauchir la salle de jeux dont m’a parlé Andy. Elle est déjà en pleine activité et une foule interlope y mène grand tapage. C’est plein de bougnouls en blue-jeans, en black-jeans et en gin-fizz, de petits jeunes blêmes au regard cruel. On les devine prêts à tout pour enfouiller quelques dollars. Graine de violence ! Ils vous foutent votre grand-tante dans l’Hudson ; noient vos chats ; débouchent vos ouatères et se décalcifient devant le premier venu pour se laisser faire le coup de la fusée Atlas ! Nerveux avec ça, les chérubins. Ils prennent la mouche comme une toile d’araignée, pour un oui ou un non. Surtout pour un non.

Des drôles de petits gars en vérité !

Y a aussi des filles. Elles poussent des cris d’or frais dès qu’on les chatouille. Et puis y a des types entre deux âges, entre deux sexes, entre deux tout ! Ils regardent, ils imaginent, ils transposent, ils se font reluire la pensarde au milieu de cette jeunesse.

L’établissement est composé d’un immense hall en longueur. Au fond, y a les quilles électriques. De chaque côté, je vois des jeux de palets, des jeux de grenouille, des cabines dans lesquelles on peut se donner l’illusion de piloter un bolide à cent à l’heure dans les rues de New York ; des vélos branchés sur des cadrans indiquant la vitesse de pédalage et mille autres trucs depuis la plate-forme vibrante chargée de vous relaxer et qui vous colle la tremblote, jusqu’aux tires électriques, en passant par les appareils photographiques qui vous tirent le portrait instantanément et les cinémas individuels qui nous passent un Charlot de la belle époque[32].

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32

Celle où Charlot était le Molière du cinéma avant d’en devenir le Kar Marx brother !