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— Do you speak english ? demande le royco yankee.

Je préfère battre à niort.

— Non…

Notre interlocuteur se fend en deux dans le sens de la largeur, ce qui est sa façon de rigoler.

— Alors, je vais essayer mon français.

— Il me paraît correct…

Il hausse les épaules avec une modestie, peut-être feinte, mais qui l’honore.

— Votre chef s’est mis en rapport avec le mien pour l’affaire qui vous a fait monter sur le bateau…

— Alors ?

— Il dit que les plans volés en France venaient ici, mais que vous avez pu les intercepter avant débarquement, all right !

— Yes. Ils sont actuellement dans le coffre-fort du commandant !

— Bravo !

— Trop aimable.

— Seulement, mon chef est very curious de savoir à qui ils étaient destinés ici, you see ?

— O.K.

— Il demande au vôtre chef de vous permettre d’enquêter with nous parce que vous aviez débuté la chose… l’affaire, understand ?

— Tu parles, Charles !

Il acquiesce.

— Well. Il est possible que nous découvrions a big réseau d’espions, hm ?

— Hm, hm !

Béru me tire par la manche.

— Tu sais que je commence à entraver l’anglais ? me dit-il, épanoui.

Le gnace du F.B.I. sort de ses profondes une grosse enveloppe.

— Voilà trois séjours-permis d’un mois. And deux mille dollars…

J’enfouille le blot. Le cher Bérurier en glousse d’aise. Il va enfin pouvoir visiter Niève York.

— Now, my address, déclare l’autre en me tendant un rectangle de bistrol. Vous appelez mon service n’importe l’heure. All right ?

— Very well, thank you !

Je suis un peu commotionné par la tournure des événements. Pas mécontent du tout, je vous prie de le croire. Moi qui pensais me morfondre à bord encore plus d’une semaine.

Andy se lève.

— Good luck, boys !

Il me tend à nouveau son broyeur, mais je prends les devants cette fois et c’est moi qui lui fais un consommé de cartilages.

Il ne sourcille pas et quitte la cabine après avoir administré dans le dos de Pinaud une tape cordiale qui décroche le poumon gauche de mon estimable comparse.

Nous nous regardons.

— Ça se corse, lance Bérurier en se massant l’abdomen. On va pourvoir déhoter de ce barlu et visiter le patelin.

— Oui, mais dans quelles conditions, Gros ! Nous voilà chargés d’enquêter dans un pays immense dont nous ne parlons même pas la langue !

— T’inquiète pas, affirme le Mastodonte, très optimiste. On ne connaît pas l’anglais, mais on connaît le système D. C’est ce qui nous sauve toujours, nous autres, les boy-scouts de Bois-Colombes !

« Allez, caltons. je commence à avoir des fourmis dans les tiges !

« La mer qu’on voit danser, c’est très joli, mais faut pas qu’elle danse trop longtemps !

CHAPITRE TWO

DIX-HUITIÈME ÉTAGE : TOUT LE MONDE DESCEND !

Nous ne mettons pas longtemps à faire nos valises. D’autant plus que lorsque nous sommes partis du Havre, nous n’avions, pour tout bagage, qu’une limace de rechange et une brosse à dents, plus, en ce qui concerne Bérurier, un vieux numéro d’Ici Paris.

Vous avouerez que c’est peu pour entreprendre un voyage aux Etats-Unis.

Nous nous dirigeons d’une allure martiale vers la passerelle sommée d’un dais bleu lorsqu’une réflexion du Gros me fait stopper.

— Les Ricains ont eu raison de nous laisser poursuivre l’enquête icigo, déclare ce puissant échantillon de la race humaine ; du moment que nous avons une chaude piste, il faut la continuer.

— Minute ! meuglé-je.

Mes deux éminents collaborateurs se pétrifient.

— Dites, les bonshommes, je pense à quelque chose.

— Donc, tu es, renchérit Pinaud qui a des lettres à défaut de caractère.

Je ne relève pas ce trait d’esprit.

— Les documents que nous avons récupérés étaient planqués dans le collier d’un chien boxer…

— On le sait, affirme Béru-la-Ganache.

— Il est probable que les mecs qui attendent les documents le savent itou. Conclusion, à défaut de leur collaboratrice décédée en cours de route, ils doivent surveiller le débarquement du gaille !

Ayant proféré ceci, je confie ma valise en carton véritable à mes équipiers et je grimpe dare-dare[5] sur le pont supérieur, où se trouve le chenil du barlu.

Le boxer est toujours assis dans sa cage. Il frétille du moignon en m’apercevant. On commence à se connaître, nous deux…

— Viens, mon bijou, je susurre. Viens, mon amour…

Je délourde sa portelle et je chope sa laisse accrochée en face de la cage.

— On va faire un tour en Amérique comme deux bons petits camarades !

Faut voir s’il biche, le cador. Ça commençait à lui fendiller le caoutchouc des pa-pattes, cette traversée…

Il se met à baver comme douze escargots dans une boîte à sel.

Je rejoins le tandem Béru-Pinuche.

— Qu’est-ce qu’on va faire de lui ? interroge le révérend Pinaud.

— Rien, justement, rétorqué-je. C’est là l’astuce…

— Mais où qu’on va le cloquer, ce bestiau pendant notre séjour aux Etats ?

— Nous verrons !

— On pourrait l’enfermer dans les va-faire-causette de l’hôtel, tu crois pas ? Je me vois pas déambuler dans Niève York avec ça…

Faut toujours qu’il rouscaille, le Gros. D’une bourrade, je le propulse sur le toboggan de la passerelle. Celle-ci étant en pente roide, il perd l’équilibre et roule jusque dans les lattes des douaniers qui sont à quai. C’est une prise de contact avec l’Amérique assez peu ordinaire. Il se relève, furax, avec des ecchymoses sur la théière.

— T’es malade, non ! fulmine le Gros. C’était un sale coup à me faire casser l’arête principale.

L’intervention des douaniers qui nous demandent d’ouvrir nos bagages met un terme à ces protestations.

Il en faut beaucoup pour épater un Ricain, mais j’avoue que l’exploration de nos valises laisse les douaniers pantois.

Ils se regardent, examinent d’un air dégoûté la chemise sale que chacun de nous véhicule et font une grimace d’hépatiques.

Pourtant, comme ils ne connaissent que la consigne (et pas seulement celle de la gare centrale), ils apposent des vignettes violettes sur nos valises et nous font signe de calter.

Nous sommes dans un immense hall plein de bruit et de colis. Des gens vont et viennent, comme les choristes d’un opéra. Y a des porteurs nègres avec des casquettes en carton. Les dockers manipulent les bagages avec un mépris souverain. On dirait même qu’ils éprouvent un plaisir sadique à les torturer… Ils prennent les sacs de voyage pour des ballons de rugby et font des essais qui se transforment en calamité pour les malheureux colibards.

Pinaud est médusé.

— Ils sont drôlement féroces, ces gars…

— Penses-tu, proteste Béru. Ça vient de ce qu’ils ont l’habitude de jouer au Baise-Paul, ce sont des sportifs, quoi !

Nous descendons un escalier monumental qui conduit à la terre ferme. Il y a une cohorte de taxis multicolores qui attend en bas, le long du quai. Un gros docker qui a dû travailler comme sac de sable dans une salle d’entraînement, siffle dans ses doigts pour faire avancer les taxis au fur et à mesure des besoins.

Lorsque notre trio s’avance sur le trottoir, il hèle une magnifique Chevrolet jaune à toit rouge sur la portière de laquelle sont peints les tarifs des courses en lettres vertes. Le tout est joyeux comme un tableau de Picasso. Le bahut est piloté par un nègre à tronche désabusée. Il porte une casquette plate, une chemisette bleue et il rumine avec mélancolie.

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5

Comme dirait un de mes collègues.