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Près de l’entrée, une grosse enflure, style Bérurier américain, vend des photos de filles à poil et fait de la monnaie aux usagers de sa crémerie. En outre, il mâche un cigare qui ressemble à une banane pourrie.

J’observe ce petit univers frelaté. J’ai beau me détrancher, je ne vois absolument personne de connaissance. Aucune de ces frimes ne m’est familière. Qu’avais-je donc espéré en venant ici ? Me casser le tarin sur l’un des malfrats d’hier ? Tout ça parce qu’au cours de la bataille rangée qui nous a opposés aux membres de la Truands’ Association Limited, un stylo-réclame a été paumé.

Pour ne pas me singulariser dans cette foule, en ayant l’air de jouer les observateurs, je m’approche du premier jeu venu et je glisse, comme le prescrit la notice, une dîme dans la fente. En face de moi un cadran s’éclaire. En couleurs violentes, se dessine un bateau de guerre voguant sur une mer d’huile.

Le jeu consiste à viser une cible située au niveau de la ligne de flottaison avec un pistolet électrique. Si on atteint l’objectif, le bateau coule sur le cadran. Sinon il continue sa route et vous avez paumé la partouse.

Je cramponne l’arme en acier nickelé. Elle est pourvue d’un tube de caoutchouc qui pend sous la crosse, gênant considérablement son maniement.

Néanmoins, comme dirait Cléopâtre (en égyptien et en trois mots), mon adresse au pistolet est telle que je mets dans le mille du premier coup.

Le navire coule. Maigre satisfaction…

Tandis que sa tourelle disparaît dans la profondeur bleue lessive de l’océan, un turbin maison se fait dans ma tronche.

Voyez-vous, les gnards, moi qui vous ai déjà dit tant de choses, donné tant de pertinents conseils dont au reste vous n’avez tenu aucun compte car vous êtes tous des endoffés du pardingue, je vais vous faire part (à toutes fins utiles) d’une constatation qu’il m’a été donné de faire. Rien n’est jamais inutile. Souvent, on croit agir sans préméditation, et on finit par s’apercevoir qu’en réalité on a suivi l’enchaînement implacable d’une obscure logique.

Ainsi, voyez : nous avons trouvé ce stylo-réclame. Il nous donnait l’adresse d’une salle de jeux. Je suis venu à cette salle de jeux. Pour ne pas m’y faire remarquer, j’ai joué ! Et en jouant, j’ai eu une idée… Une idée qui vaut son pesant de plutonium aux aromates !

Je la dois à ce bateau. C’est lui qui m’a donné le la !

Asseyez-vous, sortez vos mains des slips des dames, essuyez vos pieds sales après les rideaux et ouvrez en grand vos portes cochères.

Je viens de penser de la façon suivante, très exactement. Je ne change pas un cyclotron au grossium de mon curriculum afin de ne pas perturber le planétarium infrarouge de votre mégalomanie transcendantale ! Je suis pour la vérité, rien que la vérité, toute la vérité, tant il est vrai qu’on n’emporte pas la France à la semelle de ses souliers et que tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse.

Bon, vous y êtes ? Alors d’accord. Mais je vous préviens : le premier qui m’interrompt, je lui coupe la rate en tranches avec des ciseaux de brodeuse.

CHAPITRE TREIZE[33]

MAMAN, LES PETITS BATEAUX !

L’attentat dont j’ai été victime hier nous a prouvé que l’un de mes hommes (et peut-être les deux) n’a pu résister à la torture et a craché le morcif à l’homme aux tempes argentées[34].

Pour vérifier ses dires, le chef des pieds-nickelés new-yorkais m’a mis à l’épreuve.

Bien, ne perdez pas le fil, vous ne vous y reconnaîtriez plus. Je bois un glass et je poursuis.

Si Béru et Pinuchet ont flanché, ils ont fatalement tout dit. Quand on commence à se mettre à table, on ne peut plus s’arrêter. Or, s’ils ont tout dit, comme il est probable, les bandits savent maintenant que les plans qu’ils convoitent tellement se trouvent dans la cabine du commandant du Liberté.

Pas d’objections ? Si ? J’en vois un qui chahute avec son petit camarade ! Durand ! Sortez de ce livre tout de suite !

Là ! On va peut-être être peinard maintenant pour continuer l’exposé.

Ces salopards ayant prouvé qu’ils étaient prêts au pire pour s’approprier les documents, je suis prêt à vous parier un trombone d’enfant contre un pied à coulisse qu’ils vont risquer le paquet, si inouï que cela paraisse, pour essayer de récupérer les fameux plans où ils sont, c’est-à-dire à bord du plus grand barlu français.

Conclusion, et c’est là que se place l’apothéose de mon raisonnement : le seul endroit où j’ai une chance de retrouver ces messieurs, c’est à bord du Liberté ?

Dites, c’est pas magistral, ça ?

Comme quoi, les idées sont comme les éléphants de cirque : elles se tiennent toutes par la queue !

Fissa ! Je quitte la maison de jeux à la vitesse d’une soucoupe volante poursuivie par son percepteur. Un bahut passe, à vide ! Je l’emplis illico de ma personne. Les Dieux seraient-ils à mon côté, maintenant ?

— French Line ! dis-je au conducteur en me pinçant le nez pour que ça fasse plus américain.

La vitesse ne grise que celui qui la crée, prétendait un homme qui, je pense, craignait le vertige. Aussi je commence à virer au vert comme une asperge adulte lorsque le brave Fangio des pauvres stoppe devant le quai d’embarquement de la French Line. Il y a un trèpe de tous les Zeus et je me souviens que le barlu reprend la tisane sur les choses de midi.

Or n’importe quelle montrouse vous le dira, à condition qu’elle ait pris l’habitude d’indiquer l’heure exacte, il est dix plombes et demie. M’est avis que j’arrive comme un aphrodisiaque dans la vie d’un sexagénaire !

Je me catapulte dans l’ascenseur avec un tas de pégreleux qui vont photographier la France et bouffer du coq au vin en buvant du Coca-Cola.

Me voici dans l’immense hall bruyant où les dockers manipulent les colibars comme s’ils disputaient la coupe du monde de rugby.

Je me radine vers la douane. C’est alors que je m’aperçois qu’avec toutes ces périphéries (comme on dit à la R.A.T.P.) j’ai paumé mes fafs. De plus, même si j’avais un passeport en bonne et due forme il me faudrait un sailing permit[35] et même si j’avais ce sailing permit, il me serait rigoureusement impossible de monter à bord puisque je n’ai pas de billet.

J’essaie de parlementer, mais y a rien à chiquer. On m’envoie chez Plumeau avec perte, et même fracas, c’est vous dire.

Une seule solution : bigophoner à Andy. Seulement je gamberge que l’heure tourne. Le barlu va bientôt appareiller. En admettant que je puisse joindre Andy, le temps qu’il radine, qu’il discute, qu’il me fasse monter à bord, et les truands se seront goinfré les documents ; si ce n’est déjà fait.

Je frappe le sol à coups de tatanes, très grand gosse qui a ses nerfs ! Et puis comme il n’y a pratiquement aucune différence entre mon bol et un cerveau électronique à haute fréquence et frein à main, je me dis que la solution est là.

Il me suffit de reluquer les allées et venues pour avoir la belle idée. A peine ai-je pris la décision de penser qu’une idée frappe à la porte de service de mon déconatoire.

— Toc, toc !

— Qui est là ? questionne mon intellect.

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33

Cette fois je numérote ce chapitre en français. C’est le treizième et je tiens à ce qu’il me porte bonheur.

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34

Un fin renard, celui-là !

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35

Attestation délivrée par le Trésor américain comme quoi vous n’avez pas gagné d’artiche durant votre séjour sur la terre de Lincoln et sans laquelle vous pouvez vous l’arrondir pour décarrer.