Выбрать главу

Devant cette péremptoirité, je suis bon gré mal gré gagné par ce trouble indéfinissable qui prépare aux bandaisons d’airain et de longue durée.

— Je vais faire le plus vite possible ! promets-je avant de déposer avec lenteur le combiné phallique sur sa fourche désuète.

Mes hommes braquent sur ma personne des regards d’ironie.

— Quand tu reçois des appels de ce type, observe Jérémie Blanc, tu pourrais arrêter le diffuseur. Qu’allons-nous faire à présent de nos sexes turgescents ?

— Pardon, murmuré-je. Nous devons revenir à l’affaire, cela détendra nos émois trop musclés.

Ils opinent comme ils peuvent.

— Messieurs, pontifié-je (on m’appelle, dans ces cas-là, le pontife souverain). Comme chaque fois que nous parvenons à la conclusion d’une affaire, sinon à sa solution, il est indispensable de résumer ce que nous en savons. Je vais donc m’y employer pour ce qui concerne la partie franchouillarde.

Je manœuvre discrètement afin de m’asseoir sur ma queue délictueuse, espérant la ramener aux bons usages par une forte pression autre que sanguine.

— Tout démarre par ce pauvre chanoine Dubraque, commencé-je. Nos services sont informés anonymement qu’il va être assassiné. Effectivement, l’ecclésiastique a été l’objet d’un attentat dont il a réchappé avec une blessure superficielle. Deux appels séparés, celui d’un homme puis celui d’une femme, annoncent qu’on le trucidera le 18. Nous prenons nos dispositions et découvrons qu’en effet une fausse pénitente est venue à confesse pour l’abattre. Seulement, la meurtrière en puissance est tuée avant d’avoir pu agir.

« Nous apprenons sans mal qui est cette femme ainsi que son passé dramatique. Avant tout, une évidence s’impose, la meurtrière virtuelle et sa victime désignée avaient un point commun : une partie de leur existence s’est déroulée en Afrique et a été dramatique. Se sont-elles connues là-bas ? Y eurent-elles des démêlés ? Un drame les opposa-t-il ? Mystère, mystère et re-mystère. Nous nous perdons en vous savez quoi ? »

— Conjectures ! disent d’une seule voix mes trois acolytes.

J’opine, malgré que mon sexe ait recouvré son élasticité et sa souplesse des moments de détente.

— À noter, souligné-je, que le pauvre chanoine prétendait tout ignorer de la femme Ballamerdsche. Question qui m’est personnelle : un ecclésiastique est-il capable de mentir ?

— Sûrement pas ! clame le Rouillé-cul-béni avec force.

— Faut voir ! dit prudemment Jérémie.

La Pine se réserve l’appréciation finale :

— Si c’est pour une juste cause…

Nous en restons là pour l’instant et je passe au second volet de l’étrange affaire que nous appellerons si tu le veux bien (et si tu ne veux pas je te compisse la raie médiane) la partie belge.

Sûrement la plus riche en péripéties, en périphéries également, notamment celle de Bruxelles, voire aussi en péripatéticiennes, car, dans ce second volet, elles ne manquent pas.

Mes copains se rapprochent de mon bureau, comme s’ils participaient à une séance de lévitation.

La partie parisienne, ils l’ont vécue, elle ne les fait plus mouiller.

Mais l’autre, hein ?

Alors tu penses si leurs glandes curieusales sécrètent à fond !

34

REGARDE DANS LE RÉTRO, SATANA !

Narrer est une chose aisée pour qui a le sens de la formule, de l’humour, et une bonne mémoire. Accouchement voluptueux dont les auditeurs constituent les obstétriciens passifs, qui n’aident à la naissance que par l’intensité de leur attention.

Mes potes chéris, faut voir comme je leur affûte la curieusance. La manière grand pro que je leur dévide mon récit, ménageant mes effets, dosant mes silences, soignant les passages épiques de la voix et de l’expression. Ils rebandent déjà, mais cérébralement cette fois, ce qui est plus durable. Une troussée jambonneuse, t’as beau la faire aller l’amble, elle dure moins longtemps qu’une crise de coliques néphrétiques. Tandis qu’un beau récit à coups de théâtre, riche en périodes haletantes, si tu as ton public bien en main, il peut te faire des heures.

Je leur débite notre aventure bruxelloise par le détail. Leur campe la grande maison de l’étrange trucideuse de chanoine. Cet antre où sont rassemblées ces médiévaleries. Le dortoir souterrain à l’issue secrète. Je leur décris les êtres qui l’habitaient : la fille à l’esprit fracassé, la jolie secrétaire dont la chatte devait sentir la violette, kif celle de Marie-Antoinette (avant son séjour au Temple, naturellement, car tu parles qu’elle devait fouetter de la chattoune, étant donné ses conditions d’internement !)

Descriptif rapide des personnages secondaires, parmi lesquels le valet de chambre dont Béru a ramoné la gueule. Je narre par le menu notre gazéification, notre enlèvement, notre séjour chez ce médecin marron d’Anvers. Surtout, je leur parle du couple de kidnappeurs de flics français. L’homme chauve et barbu (qui, d’après leur rapport, doit être celui qui rendit visite à la veuve), et Lola, la frénétique, celle qui a une cartouche de dynamite dans la babasse, violeuse inextinguible, mais garce invétérée, capable de te sucer la bitoune en totale volupté pour, quand elle le décide, te la sectionner avec ses canines et incisives comme Churchill coupait l’extrémité fermée de ses barreaux de chaise !

Captivés, les voilà, mes braves. Yeux ovalisés par l’intérêt, langues à demi sorties, filet de salive aux commissures. Alors, pute comme pas trois, je fignole. Lorsque Rudolph Valentino dégageait son braque pour perpétrer la félicité d’une dame, il ne pouvait être l’objet d’un plus grand intérêt. Je leur bonnis l’arrivée des faux ambulanciers chez l’ex-docteur De Bruyne. La manière qu’on a fait place nette, le Mafflu et Bibi.

Tu sais, faut pas croire, mais à raconter, c’est intéressant tout ça. Nos potes n’en cassent pas une et continuent de m’esgourder par tous les pores de leur peau. Je déballe notre entreprise culottée pour faire évader l’aventurière.

Les premières questions qu’ils risquent, c’est pour demander la manière que j’ai vergé la fille. Les turlutes forcenés qu’elle m’a pratiqués, à m’en décaper le panais avec les chailles de devant. Mais avec sa mâchoire déglinguée, c’était déjà beau ! T’as fait des pipes, toi, avec le tiroir esquinté ? Et puis mon enfourchage à la Tarass Boulba. La façon qu’elle me griffait en appelant sa mère dans une langue peu usitée, tout bien. Leur soif de savoir est exemplaire à ces bonzes amis.

Comme je n’ai pas de secrets (fussent-ils d’alcôve) pour eux, j’intensifie le descriptif. Ils s’y croient. Mon burlingue, je te jure, devient la vallée des soupirs ! Ce soir, leurs épouses vont avoir la bonne surprise : elles trouveront dans leur couche matrimoniale des hommes qu’on saura par quel bout attraper.

Mais foin d’une trop grande complaisance dans le scabreux. Je me dois avant tout à l’affaire. Alors je repars dans l’épique. Décris notre découverte du personnel assassiné dans le dortoir souterrain. Ensuite notre décarrade de la maison après une rapide visite à la fille demeurée, abandonnée parmi ses jouets et ses déjections. Mon souci d’avertir les autorités bruxelloises afin que la malheureuse soit secourue. La cabine téléphonique d’où je mate l’arrivée de la mère Lola. On rebrousse chemin. Revient chez la Ballamerdsche.