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Mais la bonne éducation se perd ; de nos jours, comme disait l’admirable Coluche, on n’a plus droit aux bavures. Faut parler. Mon zob ! Ils s’en torchent de la bavasserie, les rétifs. Cause toujours, mon rabbit ! N’avant, d’une belle torgnole dans le museau tu calmais le jeu, rétablissais l’ordre. En deux taquets et un coup de pompe dans le train, tu prenais ta classe bien en main, l’instite. Une giroflée à cinq pétales et t’entendais voler les mouches avec les auxiliaires juqu’à l’heure de la récré. Maintenant, c’est la gabegie ! La révolution permanente, qu’ils disent. Et comme la courbe démographique grimpe, tu juges de la cata en perspective, Yves ? Y a juste pour les impôts qu’ils gardent la main de fer dans un gant de crin. Sauvez le pognon ! Les mœurs, on s’en torche. Faudrait les purger, tous ces débandeurs en débandade. L’homme qui s’autochie ne fait plus chier personne ! Un jour, par la force des choses, on reviendra au règne de l’huile de ricin ; sinon y aura plus mèche de s’en sortir !

Moi je dis.

Mais suis le seul. Tant pis. Chacun aura droit à sa ration de gadoue. Bon appétit.

Elle est troublée par ma gifle, la sœur.

— Je crois que tu n’as encore rien compris à mon personnage, ma chérie. Je suis décidé à aller jusqu’au fond des choses.

Pour ne pas m’être en reste, bien sûr, Sandre en rajoute. Il avance le canon de son arme diabolique jusqu’au visage de notre cliente, lui en place l’orifice sous les marines.

— Respire, connasse ! il gronde. T’as vu où j’ai mon indesque ? Su’ l’p’tit bistougnet qu’envoye l’potage ! Un accide est vite arrivevé. Qu’ j’biche la crampe d’l’écrivain et t’es aussi zinguée qu’ ta potesse d’l’escadrin. Joue pas av’c mes nerfes.

Il parle de nerfs, le Gros Lanturlu ? Voilà que je chope les miens ! Un cri me part des tréfonds. Style kamikazes japs quand ils fonçaient sur un cuirassé yankee à bord de leur torpille. Je te jure : habiter la seule planète potable et se sacrifier pour les beaux yeux bridés du Mikado ! Y a de quoi se pogner devant la photo de Mme Veil !

La gonzesse doit avoir un quatorzième sens qui lui indique jusqu’où elle peut aller trop loin. Je crois lire une brusque soumission sur sa frite.

— T’as déjà morflé un bourre-pif qui te fait ressembler à la frangine du cochon Babylas ? je reprends. Alors de deux choses l’une : tu racontes tout, très intelligiblement, moyennant quoi je te laisse te dépatouiller de ce merdier ; ou bien tu refuses de nous affranchir, et alors ton destin se met à ressembler au coucher de soleil sur Hiroshima le 6 août 45.

Elle acquiesce brièvement :

— O.K., je parle…

35

ÇA VIENT DE SORTIR

Comment pourrais-je me déclarer romancier de réputation locale internationale (l’un des plus universels qui se soient trouvés sur le tracé Lyon-Grenoble, entre La Verpillière et Les Abrets) si, à cette période finissante d’un ouvrage en tous points remarquable, je t’infligeais la fastidiosité d’un interrogatoire encombré de répétitions, coups blessants, invectives variées, menaces avec débuts d’exécution, injures grossières et autres imprécations ?

Voilà ce que j’apprends de ladite Malvina Stern, deux points, inutile d’ouvrir les guillemets :

Elle connaît la défunte dame Ballamerdsche depuis plusieurs années et a mis au point avec elle un bien étrange trafic qui consiste à faire venir clandestinement d’Afrique de jeunes Noirs des deux sexes qu’elles vendaient, oui, tu as bien lu : « vendaient » à des laboratoires « très spéciaux » aux fins d’expériences. Ces dolescents pouvaient disparaître sans laisser de trace puisque leur arrivée en Belgique s’opérait clandestinement. Leurs corps étaient incinérés après usage. Cet impensable négoce se montrait pécuniairement très juteux, la viande humaine qui, sur un champ de bataille ne vaut pas un maravédis, atteignant en temps de paix des cours vertigineux laissant loin derrière eux celui du bœuf de Kôbe.

Mais la dame du Bois de la Cambre agissait davantage pour assouvir une formidable vengeance que par esprit de lucre. Elle n’avait jamais pu endiguer la haine torride que lui inspiraient tous les Noirs qui avaient saccagé sa vie en massacrant son mari, en réduisant sa fille à l’état de légume et en la violant de terrible manière. Son étrange commerce l’aidait à assumer le temps qui passe. Elle continuait de conduire des bronzés à l’équarrissage sans jamais étancher son implacable rancune. Elle vivait depuis des lustres pour le seul plaisir d’en faire (qui vient de crier Rochereau ?) périr le plus possible.

Et puis, il y avait autre chose. Une chose que me livre Malvina, en veine de confidences brusquement. Depuis le viol collectif qu’elle avait subi en Afrique, cette femme, ô terrible ironie du sort, ne pouvait plus jouir qu’en se faisant embroquer par plusieurs blacks à la fois. Carrément la négussession avec goumis style elephant man. Elle s’en carrait dans tous ses centres d’hébergement : antérieur, postérieur, nord et sud. La sauvage goinfrade ! Paraît que sa babasse ressemblait à l’entrée du tunnel sous la Manche ! Ça la prenait par périodes. Quand elle avait essoré ses prisonniers, elle piquait une crise de démence, les frappait à coups de bâton, jusqu’au sang. Elle en aurait même émasculé un parce qu’il se traînait une chopine plus mastarde que ses potes, et lui avait déglingué la chaglatte, le pauvre biquet. Tu parles d’une duègne !

Ce récit nous abasourdit, Messire Gros-Lard et moi ! Jamais encore nous n’avions (à réaction) entendu plus noire histoire (sans jeux de mots ringardos). Tu parles d’une Vouivre, cette bonne dame ! Les centres d’expériences incriminés se trouvent en Allemagne. Le « matériel humain » y était acheminé par bateau, depuis Anvers jusqu’à Hambourg. La garce m’avoue que nous aurions dû y être conduits, le Gros et moi ; cette annonce me fait boucler les poils du nez. Je m’imagine chair à saucisse expérimentale, à jamais perdu pour la Rousse, pour Félicie et pour le millier (environ) de nanas qui se battent pour obtenir un peu de ma précieuse semence. Yayaille ! Le deuil national qui allait en consécuter, Dorothée !

— Ben, ma vacca ! soupire le Mongol fier, on n’est pas passés loin de la gagne !

Mais trêve (autre ville allemande) de frissons rétrospectifs. Il s’agit de la piloter au bout de sa confession, Malvina Stern. Et alors bon, le trafic de la chair négroïde, ça j’ai compris, mais ce que je veux entraver à présent, c’est le pourquoi la guerre a éclaté chez ces marchands de bidoche humaine. En somme, ce qui a foutu le bigntz, c’est indéniablement le chanoine Dubraque, de Saint-Locdu-le-Petit. Y a eu effervescence autour de sa personne. La sauvage Ballamerdsche voulait absolument le zinguer, alors que d’autres personnels (deux ou moins), s’attachaient à préserver sa chrétienne existence.

Je pose la question à notre affranchisseuse qui, curieusement, est surprise par cette annonce.

— Y avait des couacs dans votre charmante équipe ? je demande.

Cette simple question semble déchirer le voile de son incompréhesion, comme l’aurait dit une écrivaine que je sais, un jour qu’elle aurait été tourmentée par ses ragnagnas (ça aussi, que ça perturbe les bas-bleus). Y a pas que les vaisselles et les maternités qui chancetiquent leur carrière, les pauvres petites frangines. Tu crois qu’Alexandre Dumas aurait pu commettre ses Trois mousquetaires étourdissants avec des règles douloureuses ? Que tchi, mon z’ami ! La nature, tu peux rien faire contre elle ni sans elle, j’aimerais que tu le susses.