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Et l’ange, jetant sur le séducteur un regard sévère, agita ses ailes avec joie et disparut au milieu des cieux purs. Et le démon vaincu, maudissant ses rêves pleins de folie, comme autrefois resta seul dans l’univers, sans espérance et sans amour!…

Sur le penchant de la montagne, au-dessus de la vallée de Koïchaoursk s’élève encore une vieille ruine crénelée. Les traditions restent pleines de récits faits sur elle, avec lesquels on effraye les enfants. Ce monument muet qui fut le témoin de ces événements surnaturels se montre au milieu des arbres comme une sombre vision. En bas, s’éparpillent les maisons d’un village tartare; la terre y est verdoyante et couverte de fleurs, et le bruit discordant de mille voix se perd au milieu de celui des caravanes dont on entend de loin résonner les clochettes. La rivière ne précipite à travers les vapeurs, brille, écume; tandis que la nature, semblable à un enfant insoucieux, joue avec la vie éternellement jeune, la fraîcheur, le soleil et le printemps.

Mais le château est triste et a fini de servir à son tour, comme un pauvre vieillard qui survit à ses amis et à sa famille chérie. Ses habitants invisibles attendent le lever de la lune. Alors libres et joyeux, ils se mettent à fredonner et courent de tous côtés. L’araignée grisâtre, nouvelle ermite, file la trame de ses toiles et une famille de lézards verts court gaiement sur les toits; le serpent prudent sort de la fente obscure et vient ramper sur les dalles du vieux perron. Tantôt il s’enroule comme un triple anneau, tantôt il s’étend comme une longue raie et brille comme une épée d’acier, oubliée depuis longtemps sur un champ de bataille par un héros mourant à qui elle ne devait plus servir. Le tout est sauvage, et nulle part on ne retrouve la trace des années passées. La main des siècles s’est appliquée longtemps à les effacer et rien ne rappelle le nom de Gudal et celui de sa fille bien-aimée. Mais l’église, où leurs ossements sont ensevelis, protégée par une puissance sacrée se voit encore sur les rochers escarpés, à travers les nuages. Près de la porte s’élèvent comme des gardiens, des blocs de granit noir, couverts de neige; et sur leur poitrine, au lieu de cuirasse, miroitent des glaces qui ne fondent jamais. Des masses écroulées dorment sur les saillies du rocher et pendent tout autour, menaçantes comme des chutes d’eau saisies subitement par le froid. Là, le chasse-neige fait sa ronde et balaye la poudre des murailles grises; puis, faisant entendre ses longs sifflements, semble appeler les sentinelles. Les nuages seuls, apprenant qu’un temple nouveau et magnifique a été bâti dans cette contrée de l’Orient, s’y rendent en foule pour l’adoration; et sur les dalles du tombeau de famille, déjà depuis longtemps personne ne vient plus gémir. Le rocher sombre du Kazbek garde avidement sa proie et le murmure de l’homme ne trouble jamais leur éternel repos.