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– Eh bien, je vous dis: «Pold, demain vous serez chez vous.»

– Vrai de vrai?

– Vrai de vrai.

– Ah! Martinet, t’es un brave type!

Et Pold sauta sur les mains de Martinet, qu’il serra avec effusion.

– Ça me console de bien des peines, dit-il.

– Desquelles, monsieur Pold? Je vois bien que vous en avez. Si je puis faire quelque chose pour vous…

– Ça, ça me regarde. Il n’y a rien à faire, Martinet. J’essaierai de me consoler moi-même. Je connais le moyen.

L’œil de Pold brilla.

– De l’audace! cria-t-il, de l’audace! encore de l’audace!

– Vous parlez comme Robespierre, fit Martinet, qui connaissait approximativement son histoire.

– Monsieur Martinet, vous êtes un âne! Mais voilà du monde. Hop! au rideau! Ayons l’air de travailler.

Le dîner terminé, on se leva. Diane donna le signal. Elle fit entendre à ses amies qu’il était temps de gagner les loges.

– Allons nous préparer, fit-elle.

Tout le monde était debout. Derrière le prince se glissa Jean, le cocher de Diane, qui, ce soir-là, doublait le maître d’hôtel.

Il prononça ces mots à voix basse:

– Sur la scène du grand hall. Au rideau.

Le prince semblait n’avoir pas entendu.

– M’accompagnez-vous, prince? demanda Diane.

– Si tel est votre désir… répondit-il.

Et il lui donna le bras. Ils s’éloignèrent.

Sur les estrades, les musiciens se firent entendre. On allait danser, dans la douceur du soir.

– Quelle soirée exquise et quel printemps! s’exclama Raoul de Courveille, à côté de Lawrence.

– Aussi, vais-je quitter Paris bientôt.

– Vous?

– Moi. Nous allons partir pour notre maison des champs. J’y vais installer ma famille. Mes affaires me feront revenir souvent à Paris; mais ma femme et ma fille et mon fils vont rester là-bas jusqu’à l’automne.

– Et où c’est-il, là-bas?

– Mais là où il était l’année dernière: au bois de Misère, à Montry, un pays charmant, une vraie campagne. Vous viendrez nous y voir. Dans quinze jours, nous aurons abandonné l’avenue Henri-Martin.

Ils s’enfoncèrent sous les arbres en devisant de la soirée, du prince et de Diane, pour laquelle Lawrence semblait montrer de l’enthousiasme.

Le prince, Diane et ces demoiselles des «tableaux vivants» étaient entrés dans le grand hall. Ils le traversèrent, ils montèrent sur la scène. Pold n’avait d’yeux que pour Diane.

«Comme elle est belle!» se disait-il.

Il eût voulu pouvoir crier à tous que cette femme lui avait appartenu, qu’elle lui appartiendrait encore. Il souffrait de la voir se pencher sur l’épaule de son cavalier.

«C’est lui!» continuait en aparté Pold. «C’est lui! c’est le prince Agra!»

Et il commençait à haïr le prince Agra.

Quand tout le monde fut sur la scène, Diane dit:

– Permettez-moi de passer devant vous, mesdames; je vais vous désigner vos loges.

Elle quitta le bras du prince.

– Celle qui a parlé, c’est ma belle-sœur, fit Martinet à Pold.

– Je le sais bien!

– Comment le savez-vous? Où l’avez-vous vue?

– Dans des photographies… Silence!

Diane disparut par une porte du fond. Les jeunes femmes la suivirent. Le prince était le dernier. Il resta seul, un instant, sur la scène.

– Épatant! disait Martinet. Épatant!

– Qu’est-ce qu’il y a d’épatant? demanda Pold.

– Mais vous! On dirait que vous avez porté ce costume toute votre vie! Ah! je comprends que votre père ne vous ait pas reconnu. Votre mère elle-même…

Martinet fut interrompu par le prince Agra, qui s’approchait lentement. Il s’arrêta devant Pold et lui dit:

– Eh! quoi! monsieur Léopold Lawrence, vous voilà tapissier maintenant! Si votre père vous voyait dans cet accoutrement, croyez-vous qu’il rirait?

Et le prince, faisant demi-tour, disparut.

Pold et Martinet restaient ahuris et suffoqués. Ils ne trouvaient rien à dire, ils ne pouvaient rien dire.

Une soubrette qui vint vers eux les sortit, au bout de dix minutes, de leur extase.

– Madame vous prie de monter, dit la domestique à Pold.

– Moi? eut à peine la force de demander Pold.

– Vous-même.

Autant que Pold, Martinet était atterré. Il se demandait anxieusement ce qu’il allait advenir de cette aventure et redoutait, connaissant le caractère de Diane, les conséquences de la supercherie à laquelle il s’était prêté.

Pold suivit la soubrette.

X LUI!

Diane était montée dans sa chambre, suivie du prince. Celui-ci fit comprendre à la jeune femme qu’il lui fallait éloigner la soubrette.

– Mais il faut que je m’habille, prince!

Agra fronça les sourcils. La soubrette fut mise à la porte sur-le-champ.

Ils restèrent seuls. Diane alla vers le prince et lui prit les mains.

– Tout ce que vous voulez, dit-elle… Je suis votre esclave. Ordonnez, mon maître, et vous serez obéi…

Elle se glissa, infiniment câline, sur la poitrine du jeune homme. Ses bras firent un collier au prince. Elle voulut courber sa belle tête vers ses lèvres.

Agra dénoua, sans effort, les bras qui l’enlaçaient, écarta Diane, lui montra un siège, et dit:

– Madame, dans cette chambre, une heure à peine après m’avoir quitté, l’autre soir, il y avait là quelqu’un…

Elle se leva, effrayée du ton que prenait Agra, de sa parole glacée. Elle joignit les mains.

– Oh! prince, fit-elle, vous qui savez tout, vous pour qui il n’est point de mystère, ignorez-vous que ce jeune homme m’a surprise, qu’il s’est introduit chez moi par escalade, et qu’il m’a imposé son amour par l’épouvante?

– Madame, j’ai cru cela. Mais je fus un sot. Car si votre défaite a été telle que vous le dites, vous avez dû le chasser ensuite, votre… amoureux malgré vous!

– Oh! certes!

– Et si vous l’avez chassé, vous l’avez fait de telle sorte qu’il ne lui prît plus l’envie de revenir?

– Pouvez-vous en douter?

– Et cependant, madame, il est revenu!

– Jamais! jamais! Je vous le jure! Jamais! protesta Diane avec une force croissante.

Le prince s’assit et joua négligemment avec le gland d’un fauteuil.

– Moi qui sais tout, dit-il, je sais que cet adolescent est revenu. Il est si bien revenu, qu’il est là, à cette heure, dans votre hôtel. Oui, madame.

– Mais cela est impossible! Prince! prince! on vous a trompé!

Le prince répliqua, plus froid que jamais:

– Vous oubliez qu’on ne peut pas me tromper.

Diane se mit à ses genoux:

– Écoutez, prince, vous me dites qu’il est là, mais je vous jure que je n’en sais rien. Je vous jure que je n’ai rien fait pour qu’il fût là! Je vous jure que ce gamin n’a jamais existé pour moi, que je l’ignore, qu’à peine je sais son prénom: Pold, que je ne l’ai jamais aimé et que je le hais! Je le hais de ce qu’il écarte vos lèvres de mes lèvres!