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– Diane! répondit de Courveille, qui survint. Vous désirez savoir où elle est? Elle vient de monter dans son boudoir.

Le prince remercia et s’en alla.

– Mais qu’as-tu donc? demanda de Courveille à Lawrence. Te voilà tout pensif.

– Moi, Raoul? Mais, rien mon ami, rien du tout. Je t’affirme…

– Des idées noires? Encore? demanda Raoul.

– Non, mon ami, fit Lawrence avec un triste sourire. Des idées roses! Elles sont roses!…

– Mes compliments. Ça ne t’arrive pas si souvent. Ohé! ohé!

Et de Courveille entraîna Lawrence vers le buffet.

Le prince pénétrait quelques minutes plus tard dans le boudoir où se tenait Diane. Elle alla vers lui et, impatiente:

– Dites-moi que vous m’aimez un peu, fit-elle.

Il ne dit point cela, mais:

– Savez-vous, madame, le nom du jeune homme qui reçut une si douce hospitalité chez vous?

Diane ne comprenait point qu’il revînt sur ce sujet. Elle lui dit, négligente:

– Je crois qu’il m’a raconté qu’il s’appelait Pold… Il m’avait dit de lui écrire sous ce nom à un bureau de poste restante. Pierre… Pold ou Jacques… que voulez-vous que cela me fasse?

– Pold… Et puis après?

– Sais pas.

– Je le sais. Il s’appelle Pold Lawrence.

Diane ouvrit de grands yeux étonnés:

– Pold Lawrence? Mais alors, c’est le fils de Lawrence?

– Parfaitement. Et vous savez que le père est sur le point d’éprouver pour vous les mêmes sentiments que le fils.

Diane partit d’un franc rire:

– Ah! bien, le père ou le fils! J’ai chassé le fils, vous plaît-il que je chasse le père?…

Agra répondit:

– Non!

Puis il se leva, alluma à une bougie une cigarette d’Orient et répéta, en regardant vaguement monter vers le plafond la fumée odorante:

– Non!

Et il ajouta, pendant que Diane le considérait, essayant de le comprendre:

– Il me plaît, au contraire, qu’il reste.

– Que voulez-vous dire?

– Je veux dire que si je réprouve l’amour du fils pour Diane, je ne défends pas à Diane d’être aimée du père!

Diane se leva:

– Mais, prince, vous parlez par énigmes! Je vous demande si vous m’aimez un peu… et vous répondez en me conseillant d’en aimer un autre!…

Elle se laissa retomber sur le divan. Elle tendit les mains vers lui:

– Ne me faites pas souffrir ainsi!… Ne jouez pas avec moi de façon si cruelle…

– Je ne joue jamais…

Diane se prit la tête dans les mains, et, rageusement, fit:

– Alors, dites! dites! Que voulez-vous de moi?

– Peu de chose… Que vous soyez aimable pour un de vos invités… pour Lawrence.

– Et c’est tout ce que vous désirez de moi?…

Le prince Agra eut un sourire plein de mystère:

– Vous trouvez que ce n’est pas suffisant?

Diane le regardait. Le prince lui faisait peur, maintenant. Elle cria:

– Est-ce que je sais, moi? Est-ce que je sais? Je ne suis qu’une pauvre femme qui essaie de vous comprendre et qui ne vous comprend pas!

– N’essayez pas de me comprendre.

– Alors, quoi?

– Obéissez-moi, Diane, c’est tout ce que je vous demande.

– Quels sont vos ordres?

– Pour la troisième fois, je vous le dis, Diane: il faut que Lawrence vous aime!

Elle bondit, fut auprès de lui, ses mains allèrent chercher ses épaules, elle le pencha vers lui et lui dit avec un incroyable accent de passion:

– Écoute! écoute! Demande-moi tout ce que tu voudras! Tout! Mais ne me demande pas d’en aimer un autre que toi!… Pas cela!…

Elle voulut prendre ses lèvres, mais il l’éloigna encore, la fit asseoir sur le divan, se plaça près d’elle, retint sa main dans la sienne, et, très doucement, lui demanda:

– Vous m’aimez donc, Diane?

– Si je vous aime! puisque j’ai l’horrible malheur que vous en doutiez encore, mettez-moi à l’épreuve, ordonnez…

Il l’interrompit et, de la même voix douce:

– Le jour où nous serons l’un à l’autre, Diane…

– Ce jour-là, s’écria-t-elle douloureusement, ce jour-là je ne sais plus si je dois l’espérer, car je l’attends depuis longtemps déjà, et peut-être ne luira-t-il jamais!

– Il luira, Diane.

– Si ce que vous dites est vrai, prince, je n’oserai point demander au ciel de donner à ce jour-là un lendemain! Mais la mort seule pourra me délivrer de l’immense douleur de vous perdre après avoir eu la joie immense de vous posséder. Qu’importe? Je bénirai la morte, puisque j’aurai, dans vos bras, chéri la vie!…

Et les yeux de Diane se remplirent de larmes. Le prince reprit, après un court silence:

– Vous m’aimez donc assez pour mourir s’il fallait mourir pour moi, Diane?

– Oui, fit Diane, d’un accent farouche. Je vous aimerai jusque dans la mort.

Le prince dit:

– C’est bien!

Il se leva, parcourut à pas lents le boudoir, pendant que Diane, allongée sur le divan, tamponnait de son minuscule mouchoir, quelques larmes.

Agra, sans arrêter sa marche monotone, dit:

– Mais il faut m’obéir aveuglément. Avant que d’être votre amant, je vous l’avoue aujourd’hui, Diane, il faut que je sois votre maître.

Diane baissa la tête sous la rude parole d’Agra. Celui-ci continua, sur un ton de plus en plus dur:

– Je ne vous ordonne pas d’aimer Lawrence! Entendez-moi bien. Mais je veux… je veux que Lawrence vous aime! Comment vous y prendrez-vous? C’est votre affaire! Le bruit est venu jusqu’à moi que vous aviez affolé un amant, pendant des mois, sans lui avoir rien accordé… Ce n’est donc qu’une seconde expérience à tenter. Mais celle-ci, je la veux complète, je la veux absolue. Il me faut, Diane… comprenez bien ce qu’il me faut… il me faut un homme à vos pieds, un homme qui souffre comme vous souffririez vous-même si je vous disais à cette heure: «Je m’en vais, Diane, et vous ne me reverrez plus!»

Diane cria:

– Ah! le malheureux!

– Oui, n’est-ce pas? fit Agra. Le malheureux qui souffrirait ainsi! Eh bien, cet homme qui vous aimera assez pour ne plus vivre que par vous et pour vous, cet homme que votre amour aura suffisamment détaché des choses de ce monde pour qu’il ne songe plus à sa femme et pour qu’il oublie ses enfants…

Diane se cacha la tête dans les mains.

– … Cet homme, il faut que ce soit Lawrence!…

Agra se tut un instant. Il reprit bientôt, d’une voix éclatante:

– Et ne me demandez pas pourquoi!… N’essayez pas de chercher le mobile de mes actions… ne bâtissez pas d’inutiles hypothèses… Que vous importe la raison de ces choses?… Il faut qu’elles soient!… Ne dites point que j’ai à exercer une vengeance… Un homme comme moi ne se venge point! Mais dites-vous plutôt, si vous avez besoin de vous expliquer des choses inexplicables, que je suis peut-être le formidable instrument de la justice divine!…