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Il alla vers Diane, lui prit brutalement les deux mains et, dardant sur elle deux yeux de flamme, il dit:

– Ma volonté sera faite, n’est-ce pas?

Diane répondit, très bas:

– Oui.

Et elle releva la tête; elle regardait Agra, dont le visage avait soudain repris la sérénité qu’elle lui connaissait. Elle se leva et lui dit:

– Oui, mais donnez-moi vos lèvres.

Agra ne les lui refusa point. Diane eut le baiser qu’elle demandait. Mais elle disait presque aussitôt, pleine d’effroi:

– Ah! vos lèvres! Comme vos lèvres sont glacées!

Agra répliqua:

– Songez à Lawrence.

Et il gagna la porte. Il s’arrêta sur le seuil.

– Je songerai à Lawrence, répondit-elle.

– Tout de suite, insista-t-iclass="underline" les heures qui s’écoulent me sont précieuses!

– Tout de suite.

Il la salua d’un sourire et disparut. Il n’était pas plus tôt parti qu’elle répétait, en se tordant les bras:

– Oui, je songerai à Lawrence! Ah! le malheureux!

Le prince était descendu dans le jardin. Un maître d’hôtel vint à lui et lui jeta un manteau sur les épaules.

– Faut-il faire avancer votre voiture, monseigneur?

– Faites, Jean. Mais, dites-moi, M. Lawrence est-il encore ici?

– Il vient de quitter M. de Courveille à l’instant et se dispose à partir… Tenez, le voici qui se dirige justement de ce côté.

– Laissez-nous.

Jean s’éloigna. Le prince salua Lawrence.

– Bonne nuit, monsieur, fit-il. Vous partez aussi?

– N’est-il point l’heure de rentrer chez soi, prince?

– C’est mon avis. Je viens de saluer Diane et je me sauve…

– Diane! reprit Lawrence. Je ne puis vraisemblablement m’en aller sans la remercier de ses gracieusetés… Où la trouverai-je?

– Chez elle, monsieur, dans son boudoir.

Le prince salua et monta dans sa voiture, qui partit au grand trot. Lawrence monta chez Diane…

Il en redescendait une heure plus tard. Il paraissait si profondément préoccupé qu’il ne répondit point aux questions qui lui furent posées par son cocher.

Celui-ci, après avoir refermé la portière sur son maître, fit prendre à son cheval le chemin de l’avenue Henri-Martin. La grille de l’hôtel fut ouverte par le concierge, le père Jules, qui attendait, une lanterne à la main.

Il referma la grille en bougonnant:

– Trois heures du matin! Nom de nom! on se dérange dans la maison!

Le père Jules paraissait un brave homme, fort dévoué à ses maîtres.

Il rentra dans sa maisonnette, en ferma soigneusement la porte, posa sa lanterne sur une table, prit une feuille de papier à lettre et une enveloppe, s’assit et écrivit, sur la feuille de papier à lettre d’abord:

«Le patron est rentré à l’hôtel à trois heures du matin. Quant au petit, on ne l’a pas vu de la journée. Probable qu’il ne rentrera pas de la nuit. Je ne l’attends plus.»

Il plia la feuille, la mit dans l’enveloppe, et, sur l’enveloppe, il écrivit ces mots:

Monsieur Joe, patron de l’auberge Rouge

Bois de Misère (près Montry)

Par Crécy-en-Brie

Il cacheta le tout, mit la missive dans sa poche et, content de lui, s’en fut se coucher.

XIII UN CAVALIER SUR LA ROUTE

Il était environ neuf heures du soir, et la nuit était fort obscure, quand une voiture, traînée par deux chevaux, sortit du petit bourg de Coupdevrou, sur la route qui va de Paris à Coulommiers en passant par Villiers-sur-Morin.

Elle prit cette dernière direction. Sur le siège, on pouvait distinguer, à la lueur des lanternes, deux personnages: l’un, fort imposant, le cocher; à côté de lui, un jeune homme qui remuait pour les deux, bavardait et gesticulait, se levait et s’amusait à faire claquer bruyamment un fouet.

Le cocher marquait de la mauvaise humeur.

– Tenez-vous tranquille, je vous en prie, monsieur Pold, disait le cocher. Vous allez effrayer mes bêtes.

– Tes bêtes! s’exclamait Pold, tes bêtes! Elles me connaissent mieux que toi!

Et Pold refit claquer son fouet.

Quand il fut fatigué de cet exercice, il posa le fouet et se mit à siffler.

Quand il eut fini de siffler, il dit:

– Il fait rien noir!

Et puis:

– Il fait rien chaud!

La chaleur était, en effet, accablante. Une lourde chaleur d’orage pesait sur cette nuit de printemps.

On était au 1er mai et la journée avait été radieuse. Au crépuscule, le ciel s’était mis à rouler de lourds nuages, chargés de pluie et que l’on sentait prêts à crever.

– On a bien fait de fermer le landau, fit Pold. Il va y avoir de la sauce tout à l’heure. Tu devrais presser tes biques, respectable serviteur!

– Nous arriverons avant l’orage, espérons-le.

– Aux premières gouttes, je «me carapatte» à l’intérieur, dit Pold. Est-ce qu’on en a encore pour longtemps?

– Trois quarts d’heure… Nous serons au bois de Misère vers dix heures.

– C’est que je commence à m’embêter, tu sais!

– Pourquoi n’êtes-vous pas venu à bicyclette?

– Ma bicyclette, il y a un omnibus dessus!

– Il vous est arrivé un accident, monsieur Pold?

– Oui, au coin de la rue du Sentier et des grands boulevards. Je sortais de chez une femme qui m’adore et je pensais à une femme qui ne m’aime pas. Vlan! Madeleine-Bastille m’a passé dessus.

– Et vous n’avez rien eu?

– Non, mon vieux, rien du tout. Au moment de la chute, j’ai attrapé un harnais, une crinière, et, hop! j’étais à cheval quand tout le monde me croyait déjà sous les roues! Eh bien, mon vieux, tu sais, j’en ai fait, une descente triomphale du boulevard Montmartre! On aurait dit l’entrée d’Henri IV à Paris.

– Vous me racontez des histoires, monsieur Pold!

Pold se retourna:

– Des histoires?… Il pleut: je te lâche!

Pold sauta sur la route sans attendre l’arrêt du landau, ouvrit en courant la portière et vint tomber sur les genoux de Lily, qui poussa des cris.

Pold referma vivement la portière, se retourna vers sa sœur et la fit taire en l’embrassant.

– Là! t’es calmée, maintenant.

– Tu finiras par te tuer, fit dans l’ombre une voix qui était celle de Mme Lawrence. Ton père devrait te gronder sérieusement.

– Papa, il me gronde tout le temps.

– Ça ne sert à rien, déclara Lawrence. Toutes mes observations sont inutiles.