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Quand à Pold, il avait embrassé sa mère avec passion.

M. Martinet en était au «pousse-café» quand la porte de la salle à manger s’ouvrit soudain.

La bonne apparut:

– Madame! Il y a là des personnes qui veulent parler à Madame…

Mais on entendit tout de suite la voix de Pold qui criait:

– C’est nous, Martinet! C’est nous!

Et Pold fit une entrée sensationnelle dans la salle à manger, renversant une desserte et deux chaises.

M. et Mme Martinet étaient déjà debout.

L’entrée de Pold fut bientôt suivie de celle de Mme Lawrence et de Lily.

Tout le monde s’embrassa. On se demanda avec volubilité des nouvelles réciproques de sa santé.

Mme Martinet regardait Lily avec compassion.

– Comme elle est pâle! disait-elle.

De fait, Lily ne payait pas de mine. Elle regardait Mme Martinet avec un triste sourire. Pold dit:

– Elle vous sourit tristement, madame Martinet, mais elle vous sourit. Voilà un an que nous n’avons vu le sourire de Lily.

Adrienne fit comprendre aux Martinet qu’ils ne revenaient à Paris que sur des lettres pressantes du prince Agra, qui leur affirmait qu’il ne répondait plus de leur sécurité s’ils ne lui obéissaient point et s’ils tardaient à revenir dans la capitale.

Elle leur fit une peinture lamentable de leur existence depuis un an, des dangers auprès desquels ils étaient passés et dont ils n’avaient pas été les victimes grâce à la surveillance cachée du prince, surveillance continuelle, qui avait déjoué les sinistres projets de celui qui les poursuivait de sa haine implacable.

Mais, d’après la lettre même du prince, l’espoir leur était venu qu’ils touchaient enfin au terme de tant d’épreuves et qu’ils n’auraient bientôt plus rien à redouter.

Mme Martinet était, toutefois, de l’opinion d’Adrienne et trouvait qu’ils avaient commis une grave imprudence en revenant à Paris.

– Il fallait que nous fussions là pour la fête d’après-demain, dit Adrienne… Il paraît que notre présence est encore nécessaire dans une fête…

– Quelle fête?

– Celle du Bazar des fiancées…

– Mais c’est vrai! dit Mme Martinet. Vous êtes l’une des fondatrices de ce Bazar.

– Oui, fit Adrienne, c’est moi qui ai pensé la première à créer cette fondation.

– Il eût été vraiment dommage que la cérémonie se fût passée sans vous.

Mme Lawrence expliqua à Mme Martinet qu’elle eût désiré qu’il en fût ainsi. Toute la famille était encore en deuil, et ils eussent voulu se faire oublier.

Leur absence de la cérémonie du Bazar des fiancées aurait paru à tout le monde explicable après la mort encore récente du chef de la famille.

– Enfin, nous irons, conclut Adrienne, puisque le prince l’exige. La raison de cette exigence? Nous l’ignorons. Mais nous avons renoncé à comprendre bien des choses depuis un an et nous nous bornons à obéir aux ordres du prince.

– Vous avouerez, maman, fit Pold, que nous ne nous en sommes point mal trouvés jusqu’à ce jour.

– Oui. Il est vrai qu’il nous a rendu les services les plus signalés.

– Vous ne l’avez jamais revu? demanda Mme Martinet.

– Jamais, répondit Adrienne. Jamais depuis le jour où il a compris qu’il fallait qu’il s’éloignât de nous…

– Ce jour-là, mère, déclara Pold avec un grand accent de reconnaissance, ce jour-là, il nous a ramené ma sœur Lily!…

Adrienne ne répliqua point, et un grand silence se fit parmi tous les personnages de cette scène.

– Car enfin, reprit bientôt Pold, d’une voix plus forte, je ne saurais oublier que nous lui devons beaucoup de choses, à ce prince que nous avons chassé… comme on chasse un voleur… et que nous avons une étrange manière de lui prouver notre reconnaissance.

– Tu oublies, dit Adrienne, que nous ne devons aucune reconnaissance au prince Agra et que sa conduite actuelle n’est que le rachat de sa conduite passée. Tu oublies le rôle que joua cet homme dans le drame où périt ton malheureux père.

– Un rôle inconscient! Il ne fut qu’un instrument sans responsabilité entre les mains de l’Homme de la nuit. Il agissait sans savoir et croyait en cet homme. Et la preuve en est que, lorsqu’il a su quelque chose, il s’est tourné contre celui qui nous avait persécutés.

Adrienne se tut.

– Mère, continua Pold très exalté, je vous demande de ne plus songer aux disparus et de regarder autour de vous…

– Que veux-tu dire, Pold?

– Je veux dire que votre douleur vous aveugle à un point tel que vos yeux ne sauraient voir le désespoir des autres… Regardez Lily, comprenez sa peine.

Adrienne, inquiète, se tourna vers sa fille:

– Penserais-tu encore à ce prince?

– C’est vrai, mère, fit simplement Lily.

XII SUR LA PISTE

Au pas de son cheval, le prince Agra suivait la route bordée de palmiers qui contourne la baie des Anges. Il venait de passer le pont du Var et se dirigeait lentement vers la jetée-promenade, dont les feux apparaissaient dans la nuit comme des phares.

Il était tard déjà, et les lumières s’éteignaient aux fenêtres de la ville. Les hôtels somptueux au long de la promenade des Anglais présentaient des faces d’ombres. Nice s’endormait.

Une brise légère soufflait du large. On entendait, sur la grève, le remous monotone des vagues.

De la même allure lente, Kali atteignit le casino, jeté sur la mer, le dépassa. Cheval et cavalier s’éloignèrent, suivant toujours la rive.

Ils arrivèrent ainsi à la pointe du Château. La blancheur calcaire de la falaise éclatait dans la nuit. Agra doubla cette pointe.

Et ce fut le port.

Dans les eaux calmes, les masses sombres des navires, des yachts de plaisance, des bateaux de luxe se reflétaient parmi les zigzags verts et rouges des feux de bord.

Alors, Agra pressa les flancs de Kali. Il fit rapidement le tour du port. Puis il gravit une côte.

Il arriva au milieu de cette côte. Des villas bordaient la route. Les marbres des terrasses faisaient des lignes blanches dans l’ombre.

Sans que le prince en eût manifesté la volonté, Kali s’arrêta.

La porte d’une grille s’ouvrit alors à la droite du prince, et un homme vint à lui.

– Salut, monseigneur, fit-il. Voilà deux jours que je vous attends. J’avais tant de choses à vous dire que j’étais dans une grande anxiété de ne plus vous voir.