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Mme Martinet avait revu Pold, une fois, au magasin, mais elle ne lui avait pas adressé la parole, ce qui lui valut une scène de son mari. Celui-ci lui déclara qu’il ne tolérerait pas qu’elle montrât une animosité plus prolongée envers un jeune homme de famille qui voulait bien l’honorer de son amitié.

Pold attendait toujours la réponse de Diane. Cette réponse ne vint pas. Il en fut stupéfait. Il attendit deux jours, trois jours. Rien. Il erra autour de l’hôtel de l’avenue Raphaël. Il n’aperçut point Diane. Il osa se risquer à aller sonner à sa porte. Il fut grossièrement éconduit par un larbin.

– Madame n’est pas là, lui déclara-t-on.

– Je sais qu’elle y est.

– Elle n’y est pas pour vous!

Et on lui avait claqué la porte sur le nez. Il s’était retrouvé sur l’avenue, dans un désarroi indescriptible. Il poussait des cris de rage.

– La misérable! La misérable! Elle me fait chasser! Et je croyais qu’elle m’aimait!

Il se donnait des coups de poing sur la tête.

– Je l’aurai de force! de force! comme l’autre jour! Je me ferai plutôt tuer, mais je la veux! Je reprendrai le même chemin…

Et il s’avança du côté du mur qu’il avait déjà escaladé. Quelle ne fut pas sa stupéfaction en apercevant, au-dessus de ce mur, une haute grille qu’on venait d’y poser!

Il fit: «Oh!»

Et il resta atterré.

– Elle ne veut plus de moi! C’est fini! Elle ne veut plus de moi!

Et il s’en était retourné effroyablement triste.

Non, elle ne voulait plus de lui. La scène d’amour de l’autre nuit avait été pour elle une surprise, comme la scène de terreur qui l’avait précédée. Elle ne s’était pas donnée. Elle s’était laissé prendre. Mais, aussitôt qu’elle se fut reconquise, elle comprit l’imprudence qu’elle venait de commettre en ne se défendant pas, et elle avait renvoyé tout de suite Pold, très vite, tremblant qu’il ne fût aperçu.

– Si le prince savait cela! se disait-elle.

Or le prince le sut, puisque, dès l’après-midi même, elle reçut une lettre dans laquelle il lui disait:

«Madame,

«Je vous serais reconnaissant de faire poser immédiatement une grille au-dessus du mur de votre jardin. Et surtout ne revoyez jamais plus, ne recevez jamais plus le jeune fou auquel vous avez permis si facilement, ce matin, de vous prouver son amour.

«Mettez cela, madame, sur le compte de la jalousie.»

C’était signé «Agra».

L’étonnement de Diane de ce que le prince fût si vite et si bien renseigné n’égala point sa rage. Elle maudit son aventure et proféra mille malédictions à l’adresse de celui qui avait failli être la cause d’une catastrophe. C’en eût été une qu’une rupture avec le prince, car, bien qu’aucun contrat ne fût intervenu entre eux, Diane considérait qu’elle lui appartenait tout entière depuis le don du collier.

– Heureusement, il me pardonne! se disait-elle. Il est aussi magnanime qu’il est beau. Il ne connaît point les rancunes des autres hommes…

Et il grandit encore dans son esprit et dans son cœur.

Quant à Pold, elle le chassa de son souvenir comme elle devait le faire chasser de son seuil. Si le prince n’avait rien su, elle lui eût peut-être pardonné, elle lui eût peut-être montré, un jour, de la pitié… Maintenant, Pold n’existait plus pour Diane, et, comme elle reçut une lettre dernière dans laquelle il lui annonçait des résolutions extrêmes, des actes de folie, où il lui servait le «coup du suicide» elle lui jeta à la poste ce mot: «Zut!»

Pold, dans le fumoir, mâchonnait son cigare, songeant toujours à ce «Zut!» qui tuait sa dernière espérance. À l’autre coin de la pièce, son père, et Raoul de Courveille tenaient conversation. Pold écouta. Raoul de Courveille disait:

– Nous y allons. C’est le 15. Je suis chargé par Diane de vous rappeler qu’elle vous a invité et qu’elle compte absolument sur vous. Vous n’avez pas vu le prince. Ce sera une occasion de faire connaissance avec lui. Vous savez que les «tableaux vivants» de Diane sont très courus. Cette fois, on s’arrache les invitations, non à cause des tableaux, mais à cause du prince. Il faut venir.

Lawrence hésita encore.

– Êtes-vous sûr que le prince y sera? demanda-t-il.

– Absolument sûr. C’est là qu’il doit faire sa seconde apparition. Ne lâchez pas une occasion pareille.

La curiosité l’emporta.

– C’est bien, décida Lawrence, j’irai…

Pold avait jeté son cigare:

– Le 15! Papa y va! Eh bien, moi aussi, j’irai! Seulement, si papa y va pour le prince, moi, j’irai pour Diane!…

Il se gratta l’oreille:

– Y aller! Mais comment? On va certainement me fiche à la porte… Bah! je trouverai bien!… Demain, j’irai demander conseil à Martinet.

IX OÙ LE LECTEUR COMPRENDRA QU’IL SE PRÉPARE QUELQUE CHOSE DE TRÈS GRAVE POUR LE CHAPITRE SUIVANT

Avril était d’une douceur admirable. Les jardins de Diane étaient tout en fleurs. Elle résolut que la fête serait donnée, en partie, dans les jardins. On dînerait sous les arbres, on danserait sur les pelouses et l’on n’entrerait dans le grand hall de l’hôtel qu’à l’heure des «tableaux vivants», spectacle qui devait mettre un terme à toutes les réjouissances.

Tout le «high life» voulut être de la fête.

Martinet fut particulièrement chargé de la scène, du grand hall, des décors et des changements de décors.

Ce jour-là, on devait admirer Diane et plusieurs de ses compagnes de fête, dans des costumes aussi légers que suggestifs.

C’étaient ses derniers «tableaux vivants» de la saison. Elle offrait quatre spectacles par an. Le monde de la grande fête avait particulièrement goûté cette nouvelle mode, qui lui permettait d’apprécier et de comparer les formes plus ou moins impeccables des plus fameuses pécheresses.

Il y avait déjà du monde dans les jardins. Une heure plus tard, un coupé de style très simple vint se joindre à la file des voitures. Le prince Agra en descendit. Il fut tout de suite mêlé au groupe de Diane. Celle-ci demandait au prince des histoires sur l’Inde et les Indiens.

Le prince lui disait qu’il avait quitté l’Hindoustan très jeune, à douze ans. Mais il se souvenait de ce merveilleux pays comme s’il l’eût habité la veille.