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– Mais je n’en veux pas.

– Je ne comprends plus.

– Croyez-moi, madame, dans toute cette histoire, il vaut mieux que vous ne compreniez pas… Écoutez-moi donc… Voici ce que vous allez faire.

– Qu’est-ce encore, grands dieux?

– La chose la plus simple. Ces lettres sont dans le tiroir d’un secrétaire de votre chambre?

– Oui, monsieur. Comment savez-vous cela?

– C’est Jenny qui me l’a dit. N’est-ce pas, Jenny?

Jenny approuva d’un signe de tête.

– Je chasserai Jenny!

– Vous ne la chasserez pas, car, si vous la remplaciez, vous ne changeriez rien à la situation particulière dans laquelle vous a mise votre liaison avec Agra. On obéit au prince, et le prince ne veut pas que vous chassiez Jenny.

– Continuez, monsieur. Ces lettres sont dans mon secrétaire… Eh bien?

– Eh bien, vous les y laisserez! Seulement…

– Seulement?

– Seulement, ce secrétaire a une clef. Vous allez me la donner.

– Oui, monsieur.

– D’autre part, Jenny va me donner la clef de la petite porte qui donne sur l’avenue Prud’hon et grâce à laquelle elle peut introduire dans votre hôtel, presque tous les soirs, son amant, un jeune homme qui est apprenti tapissier dans une maison de la rue du Sentier et qui répond au doux nom de Victor.

– C’est vrai, Jenny? s’écria Diane.

– C’est vrai, madame, fit Jenny en baissant pudiquement les paupières.

– Donnez votre clef, fit Diane.

Jenny tendit la clef.

– Victor en sera quitte pour revenir une autre fois ou pour faire une autre clef, dit Arnoldson.

– Victor ne devait pas venir ce soir, monsieur, car il sait que nous rentrerons très tard.

– Oui, madame, fit Arnoldson, vous ne rentrerez pas avant deux heures ou trois heures du matin chez vous.

– Et pourquoi?

– Je crois que le prince Agra vous mènera souper ce soir, au sortir des Folies.

– Ah! si vous pouviez dire vrai!

– Je vous le promets.

– Merci, monsieur. Voici la clef de mon secrétaire. Et faites selon votre bon plaisir.

Arnoldson, qui avait déjà pris des mains de Jenny la clef de la petite porte, prit des mains de Diane la clef de son secrétaire.

– C’est tout de même bizarre, conclut Diane, que vous réclamiez la clef de la petite porte d’un hôtel quand vous pouvez y entrer par la grande à toute heure du jour et de la nuit, et la clef d’un secrétaire pour y prendre des lettres que je ne mets aucune difficulté à vous livrer.

– Madame, dit Arnoldson sur un dernier salut, la vie n’est faite que de contradictions…

Il allait partir, quand il sembla se raviser.

– Dites donc, madame, j’ai quelqu’un à vous présenter ce soir.

– Qui donc?

– Oh! quelqu’un que vous connaissez très bien… Un jeune homme qui viendra vous féliciter après votre succès… disons le mot: votre triomphe, tout à l’heure.

– Mais son nom?

– Il s’appelle Pold, et c’est presque un enfant.

Diane s’écria:

– Pold Lawrence! mais c’est le fils du malheureux que vous m’avez donné à torturer… Oui, une nuit, j’aimai cet enfant… C’est un brave enfant que le prince me fit chasser… pour son bonheur… car, lorsque je vois ce qu’il est advenu du père, je n’ose pas me demander ce qu’il adviendrait du fils. Enfin, que voulez-vous de lui?

– De lui? Rien madame. Mais, de vous, nous voulons que vous le receviez comme un de vos amis, qu’il fut, et comme un brave enfant qu’il est, dites-vous vous-même.

– Vos sentiments ou, du moins, ceux du prince à cet égard sont donc bien changés?

– Il paraît.

Diane se leva, effrayée:

– Vous n’allez pas me demander de martyriser le fils comme je martyrise le père… Oh! cela, ce serait trop affreux!

– Non, madame. Dites-lui quelques bonnes paroles ce soir… Et ce sera tout, madame… tout… Ce sera bien suffisant.

Sur ces mots, Arnoldson quitta la loge et descendit dans la salle.

Là, on attendait avec impatience le «numéro» de la danse du feu.

Et, cependant, il y avait bien d’autres numéros intéressants.

Pold, selon les recommandations d’Arnoldson, s’était dissimulé derrière une colonne du promenoir, et de là, au milieu des groupes qui se pressaient autour de lui, il assista au spectacle de la scène et à celui de la salle.

C’est ainsi qu’il vit son père, assis entre de Courveille et Grékoff.

Pold applaudissait, quand une voix, dont le timbre connu le fit se retourner sur-le-champ, lui dit:

– Je vois, jeune homme, que vous vous enthousiasmez facilement.

Pold reconnut l’Homme de la nuit, qui était parvenu à se glisser jusqu’à lui.

– Mais, monsieur, fit Pold, je serais bien exigeant si je n’applaudissais Jim, et la boxe est un sport qui me plaît.

– C’est sans doute cette sorte de spectacle qui vous a fait quitter aussi précipitamment la villa du bois de Misère? demanda Arnoldson d’un ton mielleux.

– Bah! monsieur, vous savez bien que non! Avez-vous déjà oublié ce que vous m’avez promis?

– Et quoi donc, jeune homme?

– Mais de me conduire chez Diane après la danse du feu…

– Oui-da! Nous en reparlerons tout à l’heure. En attendant, jeune homme, regardez!

Le théâtre venait d’être plongé dans l’obscurité la plus profonde.

Puis, dans une lueur éclatante, au sein de flammes rouges dont elle semblait être le foyer et qui semblaient rayonner de son corps, Diane apparut.

Elle dansa en agitant des voiles dont la couleur changeait à chaque instant.

Elle glissait plutôt qu’elle ne dansait, et la même lueur mouvante la suivait partout.

La grâce de sa danse semblait avoir vaincu le mystère du feu, qui se prêtait maintenant à tous ses caprices et qui lui faisait une robe mille fois plus subtile et plus idéale que les tissus rares dont elle voilait à peine sa silhouette.

Ce fut un triomphe sans précédent pour Diane. Des ténèbres de la salle, les bravos montèrent. Et, malgré sa fatigue, elle dut danser encore. Cette fatigue se traduisait alors en langueur, et cette langueur fut encore une des formes de son triomphe.