Выбрать главу

– Je ne dis plus un mot. Mais je suis bien content, monsieur, bien content…

– Vous avez dû remarquer que la loge du prince est restée vide ce soir et qu’il fut le seul des amis de Diane à ne pas assister à son triomphe. Diane en est particulièrement affligée, ou plutôt vexée, car il ne saurait plus être question de grands sentiments entre eux. Il y a un froid.

– Ah! ah! Il y a un froid?

– Parfaitement, et je dois même ajouter que la rupture sera proche.

– Bon, ça!

– Très proche.

– All right!

– Il n’y a qu’une chose qui retienne le prince.

– Et quoi donc?

– Ses lettres.

– Ses lettres?

– Oui. Il a écrit, au cours de cette liaison, à Diane des lettres fort compromettantes, qu’il voudrait avoir à tout prix. Mais Diane sait la valeur de ces lettres, et, puisqu’il faut appeler les choses par leur nom, elle fait chanter le prince.

– Pas possible!

– Ah! vous ne connaissez guère les femmes… N’écrivez jamais, jeune homme…

– Trop tard!

– Vous avez déjà écrit? Bah! vous, ça n’a aucune importance. Mais le prince Agra, c’est grave! Et les prétentions de Diane, qui sait le prince fort riche, sont exorbitantes.

– Tout cela ne m’explique pas en quoi le prince peut avoir besoin de moi.

– Patience! les lettres, il veut les reprendre et, trouvant qu’il a suffisamment subi le chantage de sa maîtresse, il veut les reprendre en les faisant voler.

– Oh! oh! voilà un gros mot!

– Un gros mot, en effet. Car, de vol, il ne saurait y en avoir.

«Les lettres appartiennent au prince. C’est une bonne action que de les lui remettre et de les soustraire à des mains que nous pouvons, en la circonstance, qualifier de criminelles.»

– Vous êtes bien dur, monsieur, pour d’aussi jolies mains.

– Soyez franc. N’êtes-vous point de mon avis? Et ne jugez-vous point la conduite de Diane fort condamnable?

– Oh! certes!

– C’est une conduite qui pourrait la mener loin, et il y a des lois en France qui condamnent ces choses.

– À quoi elle s’expose, tout de même! fit Pold, d’un air entendu.

– Si elle n’avait plus les lettres, elle ne s’exposerait plus à rien.

– C’est assez logique.

– C’est donc un service à lui rendre que de lui reprendre les lettres.

– Ceci me paraît bien déduit.

– Aussi le prince a songé à vous.

– Pour reprendre les lettres? s’écria Pold.

– Mais oui.

– Et comment veut-il que je les reprenne puisque je ne sais où elles sont et que je n’ai point le droit de pénétrer dans son hôtel?

– Je vous dirai cela tout à l’heure. Auparavant, je tiens à vous déclarer que le prince vous en sera fort reconnaissant. En même temps que vous servirez Diane, vous le servirez, lui aussi. Aussi m’a-t-il chargé de vous remettre dix mille francs aussitôt que vous m’aurez remis les lettres.

– Mais… c’est un rêve! s’écria Pold. Et comment avez-vous songé à moi?

– C’est bien la chose encore la plus simple du monde. Diane nous a conté votre escapade nocturne chez elle et la façon dont vous avez pénétré dans sa chambre en vous aidant de l’arbre de vigne qui monte le long du mur. Or, les lettres sont dans son secrétaire, et le secrétaire est dans sa chambre.

– Je vous arrête, monsieur. Lors de cette expédition, je passai par-dessus le mur. Or il y a maintenant une grille par-dessus ce mur, qui ne permet plus l’escalade.

– J’ai là une clef de la petite porte, que j’ai fait faire par un serrurier de mes amis.

– Cela, en effet, simplifierait la besogne. Mais le secrétaire aussi a une clef.

– Oui, mais j’ai fait faire une clef de ce secrétaire avec une empreinte de la serrure sur un cachet de cire.

– Vous êtes fort ingénieux. Malheureusement, cela ne servira de rien. Je veux bien escalader les murs de Diane pour de l’amour, pas pour de l’argent. Dites au prince, puisque vous avez les clefs, qu’il fasse les choses lui-même.

– Le prince ne peut plus remettre les pieds chez Diane. Quant à grimper le long de la vigne, il n’a point l’agilité de vingt ans. Si vous étiez raisonnable, vous n’hésiteriez pas une seconde à accepter des propositions qui nous servent tous et qui servent celle que vous aimez à un point que vous ne soupçonnez pas. Si nous n’avons pas ces lettres demain, nous déposons une plainte au parquet.

– Oh! oh!

– Oui. Et vous pouvez sauver Diane d’elle-même. Pour cela, que faut-il? Grimper à un mur et recevoir dix mille francs!

– Dix mille francs, c’est un chiffre!

– Et savez-vous ce que vous pourriez en faire, de ces dix mille francs? Comme Diane sera libérée du prince, qui n’attend pour partir que ces lettres, elle serait toute disposée à vous être propice si vous lui offriez un joli petit voyage de quelques jours, où vous l’aimeriez tant qu’elle en oublierait toutes ses peines. Quant à moi, qui ai beaucoup d’influence sur elle, je me charge de l’y décider.

– Vous feriez cela?

– Je vous le jure.

Il y eut un silence.

– Hésitez-vous encore? demanda l’Homme de la nuit. Nous voici arrivés. Et il faut vous presser. Il s’agit de la sécurité de Diane et de votre bonheur! Dites oui ou non!

Pold hésitait encore, très perplexe.

La voiture était arrivée au 4 de l’avenue Prudhon et stationnait. L’Homme de la nuit ouvrit la portière.

– Allons! si vous n’êtes pas dans la chambre de Diane ce soir, je serai au parquet demain!

Pold fit un grand geste.

– J’accepte, dit-il.

L’Homme de la nuit lui donna ses dernières recommandations.

– Faites vite. Il n’y a personne dans la villa, Apportez-moi les lettres au bois de Misère, demain, à la villa des Pavots, où je vous attendrai.

Il fit descendre Pold, lui donna deux clefs, referma la portière, et la voiture s’éloigna au grand trot, laissant le jeune homme sur le trottoir, dans l’obscurité la plus profonde.

X COMMENT POLD SIGNE UN REÇU À L’HOMME DE LA NUIT