Выбрать главу

– Oui, monsieur Pold Lawrence, répondit Harrison, il est ici et il vous attend, car il m’a prévenu de vous faire entrer immédiatement aussitôt que vous vous présenteriez.

– Eh bien, me voilà! fit Pold.

– Entrez donc, monsieur.

Harrison s’effaça devant Pold. Il lui désigna le perron de la villa et l’introduisit dans une sorte de cabinet où, derrière une table, Arnoldson, penché sur des papiers, semblait se livrer à une besogne qui l’intéressait fort.

L’Homme de la nuit leva les yeux vers Pold.

– Ah! c’est vous, mon petit ami, fit-il. C’est bien l’heure à laquelle je vous attendais. J’ai calculé l’heure du départ des trains et celle de leur arrivée et je pensais bien que je vous verrais ce soir. Ah! voyez-vous, c’est que l’affaire est importante et nous occupe beaucoup, le prince Agra et moi: le prince Agra parce qu’il y va de sa personne et d’une partie de sa fortune, et moi parce qu’il est mon ami. Dites-moi, vous avez réussi?

– Mais oui, monsieur, fit Pold, j’ai réussi et je vous apporte les lettres.

– Je craignais une dernière hésitation de votre part.

– J’ai, en effet, hésité, monsieur. Mais je me suis dit que j’agissais pour Diane et qu’elle ne manquerait point de m’en marquer de la reconnaissance plus tard, quand elle serait en mesure d’apprécier le service que je voulais lui rendre et que je lui ai rendu. Dans la chambre, j’étais fort ému, je ne vous le cache pas. Mais l’amour de Diane m’a encore donné du courage, et la perspective que vous aviez fait luire à mes yeux qu’elle en serait plus tôt à moi si je brisais ainsi les derniers liens qui l’attachaient au prince m’a tout à fait décidé.

– Vous avez agi sagement, mon ami.

– Aussi je vous apporte les lettres, comme j’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, fit Pold; les voici.

Et il tira de la poche de son veston le paquet de lettres qui était enfermé dans un pli cacheté.

L’Homme de la nuit avançait la main vers le paquet de lettres que lui tendait Pold et allait se l’approprier quand le jeune homme, semblant se raviser, reprit le paquet et dit:

– Pardon, monsieur, mais… vous n’avez pas oublié ce que vous m’avez promis?

– Les dix mille francs? demanda l’Homme de la nuit.

– Non, monsieur, l’engagement que vous avez pris de me faire revoir Diane, et même de me procurer un voyage avec elle.

Arnoldson sourit:

– Oui, jeune homme, je me souviens de ces choses. N’ayez crainte: vous aurez le voyage. Mais, pour avoir le voyage, il vous faut de l’argent, et j’ai l’argent.

Cela dit, Arnoldson sortit son portefeuille et, de ce portefeuille, il tira dix mille francs qu’il étala avec ostentation sur son bureau et qu’il compta lentement.

– Écoutez-moi, monsieur, fit Pold. Ce que j’ai fait là, je ne dirai pas que je le regrette, puisque, en le faisant, j’ai rendu service à Diane. Mais peu m’importe que vous me donniez dix mille francs si je ne puis les dépenser avec Diane.

– C’est entendu, mon petit ami, c’est entendu.

– Car je ne voudrais pas que vous puissiez croire un instant que c’est l’appât du gain qui m’a fait agir. Sachez donc une fois pour toutes, monsieur, que, si j’ai pris en considération les propositions assez scabreuses que vous m’avez faites, c’est par amour de Diane et pour rien autre chose. J’ai donc votre parole, monsieur, que je verrai Diane d’ici peu.

– D’ici très peu de temps, jeune homme, fit Arnoldson.

– C’est vrai, monsieur?

– Je vous en donne ma parole. Voici ce que vous allez faire: Vous resterez à la villa des Volubilis jusqu’à demain. Demain, quand sonneront six heures, vous partirez. Vous saurez bien trouver un prétexte?

– Oh! oui, monsieur!

– Vous partirez donc et vous vous dirigerez vers Esbly.

– C’est entendu.

– Vous prendrez le train là, et vous vous rendrez dans votre garçonnière.

– Dans ma garçonnière?

– D’où vient cet étonnement? Vous n’avez donc pas de garçonnière?

– J’en ai une, oui, monsieur. Mais d’où vient que je vous vois si bien renseigné?

Arnoldson sourit encore:

– C’est Mme Martinet qui a parlé jadis de ces choses à Joe, et, comme Joe est mon jardinier, il m’a dit, en vous voyant: «Ah! voilà le jeune homme qui a une garçonnière.»

– Et vous savez où elle se trouve?

– Sans doute… Rue de Moscou.

– Je vous admire, monsieur. Jamais je n’aurais cru que vous fussiez si bien renseigné.

– Je le suis, ne craignez rien, et quand je promets quelque chose, je m’arrange de telle sorte que je le tiens toujours. Comment voulez-vous que j’amène Diane dans votre garçonnière si je ne sais où elle se trouve?

Pold ne put retenir un cri d’allégresse:

– Vous amènerez Diane dans ma garçonnière?

– Mais oui, jeune homme. Nous avons intérêt à ce que Diane oublie le prince Agra, et c’est encore plus pour nous que pour vous que vos vœux seront comblés.

– Oh! monsieur!

– Que dites-vous?

– Je dis: «Oh! monsieur!»

– Quand vous aurez Diane dans votre garçonnière, vous saurez bien la décider à vous suivre et à passer avec vous une lune de miel qui nous arrangera tous. C’est encore un prétexte à trouver, auprès de vos parents, pour que vous puissiez vous absenter pendant quelque temps.

– Ceci ne m’occupe point, monsieur.

– Vous l’avez trouvé, ce prétexte?

– Je n’aurais garde. Je ne le chercherai même point. Je dirai ce qui me passera par la tête. On me croira ou l’on ne me croira pas. Mais jamais je ne manquerai l’occasion que vous m’offrez de redevenir l’ami de Diane, moi qui l’ai été si peu.

Pold semblait très enthousiaste et tout à fait «emballé». Il avait laissé les lettres sur la table.

– Voici vos lettres, dit-il. C’est le seul paquet qui se trouvait dans le secrétaire.

– Merci, jeune homme! C’est bien cela, et voici vos dix mille francs.

Arnoldson tendit les billets de banque, et Pold les prit. Arnoldson se mit à écrire.

– Je puis me retirer, monsieur? demanda Pold.

– Une seconde, mon enfant, une seconde, dit Arnoldson en continuant à écrire.

– Vous avez encore quelque chose à me dire?