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– Des lettres de lui? des lettres du prince? s’écria Diane. Mais je n’en ai qu’une, et fort insignifiante…

– Des lettres avec lesquelles vous le faisiez chanter!…

Diane bondit:

– Je fais chanter le prince?

– Mais c’est ce qu’il m’a dit! Vous lui demandiez des sommes considérables en échange de ces lettres…

– Mais c’est un mensonge abominable!

– Arnoldson ajouta même, quand il me raconta cette histoire, reprit plus froidement Pold, que, s’il n’avait pas ces lettres dans les vingt-quatre heures, il vous faisait arrêter.

Diane avait des gestes inconscients. Elle sentait que sa raison s’enfuyait et qu’elle était suspendue au-dessus d’un abîme où peut-être elle allait sombrer avec Pold…

Celui-ci la supplia de se calmer et de l’entendre. Quand il l’eut plus calme en face de lui, il dit:

– Voyons, Diane, vous ne vous souvenez donc plus? Cela est tout à fait impossible… Vous dites que vous n’avez pas de lettres du prince… C’est exact à cette heure… mais, il y a quelques jours, vous les aviez…

– Mais c’est fantastique!… Où étaient-elles, ces lettres, que je n’ai jamais vues?…

Pold, qui avait reconquis tout son sang-froid, déclara:

– Dans le secrétaire de votre chambre.

– Malheureux! Mais ces lettres sont des lettres de votre père!…

Pold crut avoir mal entendu:

– De mon père?…

– Eh! oui! Des lettres d’amour de votre père, vous dis-je, car votre père m’aimait, comme vous m’aimez! Car j’ai cette fatalité dans ma vie d’être aimé de tous ceux que je n’aime pas!…

Pold avait poussé un cri sauvage:

– Des lettres d’amour de mon père!…

Il demanda d’une voix rauque et saccadée:

– Mais ces lettres… ces lettres… étaient bien dans votre secrétaire?…

– Je vous le jure!

– Et bien, fit Pold, terriblement sombre… elles n’y sont plus!…

– Parce que?

– Parce que je les ai volées!

– Vous?

– Moi! Par ordre d’Arnoldson, pour vous sauver de vous-même, pour que vous ne fussiez point dénoncée à la justice, j’ai livré à Arnoldson ces lettres, que je croyais du prince Agra, et qui étaient de mon père!

– Vous avez fait cela?

– Je l’ai fait!…

Il y eut un court silence.

– Oh! oh! reprit Diane, voilà qui est grave, très grave…

– Que pensez-vous qu’il en puisse résulter? demanda Pold en tremblant.

– Je ne sais, mon ami, et c’est cela qui fait que la situation est très grave…

– Vrai, fit Pold, elle m’épouvante! car cet homme avait un but… Ah! connaître le but de cet homme!

– Je ne sais qu’une chose, fit Diane; c’est que cet homme exerce sur toute votre famille une œuvre terrible de vengeance…

– Comment a-t-il à se venger de nous? Que lui avons-nous fait?

– Ne me demandez point autre chose que ce que je vous dis, Pold, car je ne sais rien de plus. Mais cela, je le sais bien. Il a voulu se venger sur votre père. Il y a réussi, croyez-moi… Je vois maintenant qu’il va se venger sur vous, et je vous en avertis. Je ne devrais pas vous en avertir, car il y va de ma sécurité! Car il faut être avec cet homme si l’on tient à la vie, Pold… Je vois, je sens qu’il est terrible et que rien ne saurait lui résister… Écoutez-moi, suivez mon conseil, le conseil que je vous donne et que me dicte la pitié que votre sort m’inspire, Pold. Fuyez! fuyez loin! Ne me revoyez jamais plus!… Et, surtout, ne vous retrouvez jamais sur le chemin de cet homme!

– Oh! oui! s’écria Pold… Fuyons! Fuyons!…

Diane l’arrêta et lui dit encore, très grave:

– Fuyez! Quittez la France, vous et toute votre famille… Fuyez avec votre père et votre sœur, votre mère!…

– Eh! quoi! après s’être attaqué à mon père et à moi, oserait-il s’attaquer à ma sœur?… Et que pourrait-il contre ma mère?

– Vous ne savez point l’idée qui m’est venue, Pold?

– Non. Mais dites-la… Nous sommes à une heure sinistre où toutes les idées sont précieuses…

– Il m’est venu cette idée que, s’il a voulu les lettres de votre père (et, vraiment, je ne vois point quel autre usage il eût pu en faire), c’était, sans doute, qu’il voulait les montrer à votre mère…

Le visage de Pold exprima une douleur tellement effrayante que Diane ne put retenir ses larmes. Il dit, d’une voix qui n’était qu’un souffle:

– Et c’est moi qui les lui ai données… qui les lui ai vendues, Diane!… J’ai trahi mon père et je vais tuer peut-être ma mère… pour dix mille francs!… Je lui en ai donné un reçu…

Diane se précipita sur Pold:

– Allons, va-t’en!… va-t’en!… fuis!… Et moi aussi, je veux fuir! Ah! j’ai peur! j’ai peur!… Il va nous arriver quelque chose d’effroyable… Ah! fuyons de cette maison de malheur!…

Et, sans chapeau, les cheveux dénoués, elle entraîna Pold dans le vestibule. Elle le poussa vers la porte de sortie.

– Mais ouvre donc cette porte! s’écria Diane, qui secouait la porte et qui ne parvenait point à l’ouvrir. Tu l’as donc refermée à clef quand tu es entré ici?

– Moi? Non… Je ne sais plus… Ah! les clefs… Tiens, laisse-moi… Je vais ouvrir…

Il introduisit la clef dans la serrure et la tourna deux fois. Puis il tira à lui la porte. Mais elle ne s’ouvrit point.

– Grands dieux, qu’y a-t-il?…

Il regardait la porte, et ses yeux s’agrandissaient de terreur. Diane encore se rua sur la porte et ne parvint point à l’ébranler.

– Alors… alors… fit-elle, elle est fermée à l’extérieur!

– Il faudrait qu’on eût mis à l’extérieur… des verrous! reprenait Pold… Des verrous que je n’ai point vus… qui ne s’y trouvaient point la dernière fois que je vins ici… Mais c’est affreux!

– Ah! ah! s’exclama Diane, on nous a enfermés! On nous a enfermés!… Pourquoi nous a-t-on enfermés?…

Pold regardait toujours la porte… Il poussa un cri:

– La porte!

– Eh bien?… Eh bien? La porte?

– Ce n’est point la porte ordinaire… Regarde cette lourde porte de chêne… Un bélier ne l’ébranlerait pas…

Diane poussait des cris aigus et s’arrachait les cheveux.