– Tu vas mourir, je vais te tuer comme une chienne!
– Écoute-moi! Écoute-moi, Lawrence!
Et elle hurla:
– Je ne veux pas mourir!…
Mais Lawrence avait levé sur elle son revolver. Pold ne faisait rien pour arrêter son père. Il le considérait sans un geste, sans un cri.
Il sentait bien que tout était inutile et que rien au monde ne pourrait empêcher Lawrence de frapper Diane.
Cette froide et terrible résolution se révélait tout entière dans l’âpreté de son regard et de ses paroles.
Pold regardait son père et Diane. Il vit la femme bondir du côté de la porte et tenter vainement d’échapper à Lawrence.
Il entendit Lawrence annoncer à Diane qu’elle allait mourir et il vit qu’il braquait son arme sur elle.
Il devina, plutôt qu’il ne l’entendit, qu’elle demandait grâce!
La minute était terrible.
Alors, simplement, au moment même où Lawrence tirait sur la malheureuse, au moment où le coup de feu retentissait sourdement dans la pièce, il alla se jeter entre Lawrence et Diane.
Et la balle qui était destinée à Diane, il la reçut en pleine poitrine!…
Il étendit les bras, tourna sur lui-même et s’abattit.
Puis, le pauvre Pold eut encore la force de dire à Diane:
– Tu vois bien que je t’aimais, puisque je meurs pour toi!
Une écume de sang s’échappait de sa bouche.
Ses yeux perdirent bientôt tout éclat, devinrent vitreux, tels les yeux d’un mort. Sa main, qui fouillait sa poitrine, n’eut plus un mouvement.
Ce fut, aux pieds de Lawrence, un cadavre. Le père regardait le corps de son fils. Dans sa main, son revolver fumait encore.
Il eut un hurlement.
Il avait tué son fils! Il avait tué son Pold!
Et il l’avait tué pour cette femme!…
Il releva sur Diane un visage d’outre-tombe. Il dit:
– Je voudrais te faire mourir deux fois!
Diane se releva, se glissa le long des murs, refit le tour de la pièce, arriva à la porte et sortit de la chambre avec un cri sauvage.
Mais Lawrence la suivit. Elle était abattue contre la porte de l’appartement, dans l’angle du mur. Elle se faisait toute petite et criait:
– Je ne veux pas!
Lawrence lui prit un bras, et brutalement la tira à lui.
Il eut un ricanement satanique:
– Tu ne veux pas mourir! Et Pold est mort!
Et il la traîna par les poignets.
Il la ramena près du corps de Pold.
Elle avait des hoquets effrayants. Et lui n’était point pressé de la voir mourir…
– je te dis que je vais te frapper… Je te dis que tu ne m’échapperas point… À cette heure, tu m’appartiens, Diane!… toi, qui n’as point voulu m’appartenir!… Toi, que j’ai tant priée, c’est toi qui me supplies!…
– Oui, oui, faisait-elle. Je te supplie… Écoute-moi…
– M’écoutais-tu, toi?
– Je t’écouterai, Lawrence.
– Tu ne trouves donc point qu’il est trop tard? répéta Lawrence.
Il jouait avec son arme, dont Diane ne pouvait plus détacher ses yeux.
– Si tu m’écoutais, continua-t-elle, tu verrais bien que rien de ce qui est arrivé n’est de ma faute… Je te jure que c’est Agra, que; c’est Arnoldson qui ont tout fait!… Tout!… tout!… tout!…
– Ce sont eux, sans doute, qui t’ont ordonné de me tant faire souffrir?…
– Oui, oui, Lawrence, ce sont eux!…
– Et pourquoi, dis-moi, pourquoi as-tu fait ce qu’ils t’ont dit?
– Parce que j’aimais le prince… Mais, aujourd’hui, je le hais!
– Mais, dis-moi, tu aimais aussi mon fils?…
– Lawrence! si tu voulais m’écouter, je te prouverais bien que je n’aimais pas ton fils…
– Oui, tu me prouverais cela… Tu es assez forte pour me prouver cela… Mais je ne t’écouterai point! C’est vraiment dommage… N’est-ce pas, Diane, que c’est vraiment dommage que je ne t’écoute pas?… Je t’ai trop écoutée, Diane… beaucoup trop…
Diane se traîna, elle écarta avec terreur le bras qui tenait l’arme…
Mais lui ne la regardait même plus: il fixait le cadavre de son fils…
Elle reprit:
– Voyons, il n’est pas possible que tu me tues comme cela!… Que feras-tu de moi quand je serai morte?
Elle vit qu’il ne répondait pas, qu’il ne l’entendait peut-être pas…
Et, se souvenant, dans une minute de lucidité suprême, que sa coquetterie avait été toujours, jusqu’au moment où elle connut le prince Agra, victorieuse des hommes, elle se glissa vers Lawrence, se dressa contre lui, l’enserra de ses bras, le pénétra de la chaleur de son corps et eut la force surnaturelle de lui sourire.
Elle plongea dans ses yeux son regard… Elle mit dans ce regard sa toute-puissance de courtisane. Elle le chargea de la promesse de mille joies infernales…
Mais Lawrence ne la voyait pas. Il ne voyait, par-dessus son épaule, que le cadavre de son fils.
– Lawrence! Lawrence! cria-t-elle.
Elle l’appela très haut et très fort, comme s’il avait été très loin.
Alors il dit:
– C’est assez!
Et, tandis qu’il la prenait, d’un geste de barbare, aux cheveux, son autre main lui appliqua sur la tempe le canon du revolver. Elle se rua en arrière. Il la ramena férocement à lui.
– Meurs, chienne! cria-t-il.
Il tira.
Le corps de Diane eut un long frisson…
Elle ne ferait plus souffrir les hommes…
Les gestes de Lawrence étaient en quelque sorte automatiques… Il semblait accomplir des gestes fatals où sa volonté n’avait plus rien à faire.
Puis, il fut debout, porta le revolver à son front. Il tira.
Mais entre le moment précis où il appliquait son arme sur sa tempe et celui, qui le suivit presque immédiatement, où il tira, il put voir, dans le cadre de la porte de la chambre, la silhouette sombre d’un homme…
La silhouette, qu’il connaissait bien, de l’Homme de la nuit…
L’Homme de la nuit s’avança vers Lawrence. Mais le coup de feu avait retenti.
Et Lawrence était tombé à la renverse, sur le lit.
Sa tempe laissait échapper quelques rares gouttelettes de sang.