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Et ce fut une scène effroyable que celle où l’Homme de la nuit, debout parmi tous ces cadavres, pressa sur sa poitrine ce corps de femme qu’il désirait depuis vingt ans!

Il lui salit les lèvres de son baiser immonde…

Puis, avec une force qu’on ne lui soupçonnait pas, il emporta cette femme dans ses bras et se précipita vers la porte de la chambre.

– Elle est à moi!… Elle est à moi!… Toute à moi!… Mary!… Mary!… Mary!…

Il était fou, fou de joie, fou d’amour… si l’on peut donner ce nom à la passion monstrueuse qui étreignait le cœur et les sens de cet homme.

Tout à coup, au moment où il surgissait dans le vestibule, emportant son précieux fardeau, une poussée inattendue le rejeta dans la chambre.

Et il dut lâcher Adrienne, sa «Mary», toujours évanouie.

L’Homme de la nuit relevait un front furieux contre son agresseur, mais, soudain, sa physionomie devint souriante.

Il avait reconnu M. Martinet.

C’était, en effet, M. Martinet qui arrivait, les mains en sang, les habits déchirés, haletant. Il était encore dans le vestibule et l’Homme de la nuit sur le seuil de la chambre.

– Oui, moi! cria-t-il. Moi, qui arrive pour sauver Pold! Mais j’arrive en retard, n’est-ce pas?… Moi qui ai dû me débarrasser par la ruse de votre domestique et qui viens peut-être de tuer l’homme qui se trouvait derrière cette porte et qui m’empêchait d’entrer!… Moi, qui vous surprends tenant dans vos bras Mme Lawrence!… Que se passe-t-il? Que s’est-il passé? Dites-le-moi! Dites-le-moi, ou je vous tue!

Arnoldson, plus souriant encore, s’effaça devant M. Martinet.

– Entrez donc, cher monsieur Martinet.

M. Martinet, de l’endroit où il se trouvait, vit Lawrence sur le lit, Diane et Pold sur le parquet, et Mme Lawrence à ses pieds.

Il s’arracha les cheveux et eut un rugissement.

Il courait déjà à Pold quand il vit qu’Arnoldson quittait la chambre.

Il le retint:

– Ah! vous ne sortirez pas!… Ne sortez pas!… Nous allons appeler la justice, Arnoldson! Je ne sais quel a été votre rôle dans tout ceci, mais il faut que nous le sachions! La justice entrera ici avant que vous n’en sortiez!

Arnoldson, toujours souriant, dit:

– La justice? Croyez-moi, si vous aimez les gens qui sont là, n’appelez pas la justice… Pas d’esclandre! Vous étiez sûrement au courant des amours de M. Lawrence, de Diane, votre belle-soeur, et de Pold. Sachez donc quelle en fut la conclusion: M. Lawrence a tué son fils et Diane et s’est tué ensuite. Inutile de crier ces choses sur les toits: cela serait fort désagréable à cette pauvre Mme Lawrence, qui est arrivée quand tout était fini, et cela causerait du tort à Mlle Lily, pour peu qu’un jour elle désire se marier… Les choses se sont passées ici… dans une maison dont les locataires ne pourront rien dire, attendu qu’il n’y a pas de locataires. Profitez-en… Soyez muet comme une carpe, monsieur Martinet!… Et, au lieu d’aller chercher la justice qui n’a rien à faire dans cette histoire, donnez donc vos soins à cette pauvre Mme Lawrence, qui est bien malade… Ensuite, vous verrez tous deux s’il faut appeler la justice… Vous voilà raisonnable… J’ai bien l’honneur de vous saluer…

Et Arnoldson s’en alla.

Ses paroles semblaient avoir enlevé toute volonté à Martinet. Celui-ci, après le départ de l’Homme, se ressaisit, bondit vers Pold, et, arrachant son veston, son gilet, sa chemise, il mit la poitrine du jeune homme à nu.

Une plaie s’ouvrait au sternum…

Martinet appuya son oreille sur la poitrine de Pold.

Et Martinet se releva, radieux, avec un grand cri de joie:

– Il vit! Il vit!…

TROISIÈME PARTIE LA FOLIE DU CRIME

I CONVALESCENCE

Le soir tombait. Dans une chambre de l’hôtel de l’avenue Henri-Martin, Adrienne écoutait dormir Pold. Elle considérait le pâle visage de son fils et l’agitation de son sommeil.

Une femme de chambre apporta une lampe.

– Madame, il y a quelqu’un ici qui voudrait vous parler.

– Je n’y suis pour personne.

– Il insiste, madame. Il m’a dit que, lorsque vous sauriez son nom, vous le recevriez immédiatement.

– Ce nom?

– Il m’a dit qu’il s’appelait Martinet.

– Martinet! Faites-le entrer ici, dit Adrienne.

La bonne s’en alla. Adrienne se leva et alla à la fenêtre.

Quand elle se retourna, elle vit, sur le seuil de la chambre, Martinet, qui attendait une parole d’elle pour entrer.

Elle s’avança vivement vers lui.

– Entrez, monsieur, entrez, il me tardait de vous voir… J’ai tant de choses à vous dire, une telle reconnaissance à vous exprimer!

Martinet paraissait tout honteux:

– Madame, il n’y a pas de quoi… Et M. Pold? Il va mieux? dites… On m’a dit qu’il allait mieux.

– Oui, oui, beaucoup mieux.

Cette conversation avait lieu à voix basse. Martinet regardait le lit où reposait Pold.

– Alors, dites, il est sauvé?

– Oui. Le médecin m’a dit qu’il était sauvé, que nous n’avions plus rien à craindre… Ce n’est plus qu’une question d’un mois et demi au plus. Il était bien malade…

– Oui, madame, je le sais. Mais vos soins l’ont sauvé.

– Avant que je ne le sauve, il vous a dû son salut, monsieur Martinet. Vous étiez son ami, soyez le mien… Je n’aurai plus que vous d’ami en ce monde…

– Oh! madame, je ne sais vraiment…

Et, très ému, il continuait:

– Ah! Il y a un mois que je voulais le voir, ce bon Pold… Mais vous avez su que j’étais malade, n’est-ce pas, madame?… Les émotions… C’est ça… Eh bien! je ne suis pas fort, moi, contre les émotions… Et je suis tombé malade. C’est la première fois que je sors… J’ai voulu venir ici tout de suite… Mais vous savez que, tous les jours, j’envoyais chercher des nouvelles, en bas, chez votre concierge…

– Oui, je sais cela. J’aurais voulu aller vous voir, car je sais tout ce que vous avez fait pour nous. Malheureusement, je n’ai pas quitté le chevet de mon fils… Qui envoyiez-vous chercher des nouvelles de Pold?

– Mais c’était Mme Martinet elle-même qui passait, madame.