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Elle durcit soudain le ton :

— Tu n’as rien écouté de mes leçons ! Lian aurait pu refuser la permission d’entrer à Rhuarc, et il aurait été obligé de repartir. Un tel événement marquerait la fin de l’unité des Taardad, mais Lian en a le pouvoir. Rand al’Thor, elle pourrait même rejeter Celui qui Vient avec l’Aube. Chez les Aiels, les femmes sont puissantes. Pas comme chez vous, où il leur faut être reine ou noble pour ne pas devoir danser devant un homme pour obtenir sa pitance.

Rand secoua légèrement la tête. Chaque fois qu’il envisageait de se fustiger parce qu’il avait appris trop peu de choses sur les Aiels, Aviendha lui rappelait qu’elle ne savait pratiquement rien du reste de l’univers.

— Un de ces jours, j’aimerais te présenter le Cercle des Femmes de Champ d’Emond. J’ai hâte de t’entendre leur dire à quel point elles sont sans pouvoir, selon toi.

Sentant que l’Aielle se tordait le cou pour essayer de voir son visage, Rand demeura parfaitement impassible.

— Je pense qu’elles t’expliqueront quelques petites choses en retour…

— Tu as l’autorisation d’entrer…, commença enfin Lian (Couladin sourit et bomba encore plus le torse)… sous mon toit. On y trouvera sans doute pour toi de l’eau et de l’ombre.

Des cris de surprise montèrent de l’assistance.

Couladin vacilla comme si on venait de le gifler. Rouge de colère, il semblait ne pas savoir que faire. Croisant les mains comme s’il voulait s’empêcher de saisir ses lances, il avança vers Amys et Lian, puis il se ravisa, se détourna et partit rejoindre ses hommes, son regard embrasé défiant quiconque d’oser une remarque. Finalement, il s’arrêta non loin de son point de départ, se tourna de nouveau et foudroya Rand des yeux.

— Comme un voyageur sans amis…, murmura Aviendha. Elle l’a accueilli comme un mendiant. Une terrible insulte pour lui, mais qui ne touche pas les Shaido. (Elle enfonça un index dans les côtes de Rand – si fort qu’il en lâcha un grognement.) C’est à toi, homme des terres mouillées ! Montre-toi digne de l’honneur dont je t’ai fait le dépositaire. Tout le monde saura que je t’ai appris à te comporter dignement. Avance !

Rand se laissa glisser de sa selle et alla rejoindre Rhuarc.

Je ne suis pas un Aiel… Je ne comprends pas ce peuple, et je ne peux pas me permettre de trop l’aimer. Je ne peux pas !

Contrairement aux trois autres hommes, Rand s’inclina devant Lian. Après tout, c’était ainsi qu’on lui avait enseigné la politesse.

— Maîtresse du Toit, je demande la permission d’entrer chez toi.

Rand entendit le petit cri d’Aviendha. Il était censé dire la même chose que Rhuarc.

Le chef des Taardad fronça les sourcils, les yeux rivés sur sa femme. Dans le dos de Rand, Couladin eut un sourire méprisant. Et la foule, de nouveau, en murmura de surprise.

L’air encore plus sévère que face à Couladin, la Maîtresse du Toit étudia Rand de la tête aux pieds, ses yeux s’attardant sur le shoufa puis sur la veste rouge que pas un Aiel au monde n’aurait accepté de porter. Enfin, elle consulta du regard Amys, qui hocha la tête.

— Une telle modestie est rare chez les hommes, dit Lian. Le plus souvent, ils ne savent même pas où la trouver…

Assez maladroitement, car ce n’était pas de mise chez les Aielles, Lian fit une révérence en réponse au salut de Rand.

— Le Car’a’carn a la permission d’entrer dans ma forteresse. Pour le chef de tous les chefs, il y a toujours de l’eau et de l’ombre aux Rocs Froids.

Les femmes présentes dans la foule crièrent de nouveau. En l’honneur de Rand, ou à cause de la cérémonie ? Toute la question était là.

Sur un dernier regard assassin, Couladin reprit son chemin, manquant bousculer Aviendha, qui venait de (péniblement) mettre pied à terre. Alors que la foule se dispersait, l’Aiel s’éloigna très rapidement.

En équilibre sur un étrier, Mat le regarda jusqu’à ce qu’il ait disparu.

— Méfie-toi de cet homme… Et ce ne sont pas des paroles en l’air.

— Tout le monde me dit ça…, répondit Rand.

Au milieu du canyon, les colporteurs avaient déjà installé leurs tréteaux. À l’entrée, Moiraine et le reste de la colonne des Matriarches venaient d’arriver sous les cris de quelques femmes et les « sonneries » de rares casseroles. Rien de commun avec l’enthousiasme qu’avait soulevé Rhuarc.

— Mais ce n’est pas lui qui m’inquiète, ajouta Rand.

Les Aiels n’étaient pas une menace pour lui.

Moiraine d’un côté et Lanfear de l’autre ! Qu’est-ce qui pourrait être plus périlleux que ça ?

Une question si stupide que le jeune homme faillit éclater de rire.

Amys et Lian descendirent enfin de leur rocher. Sous l’œil ébahi de Rand, Rhuarc les enlaça toutes les deux. Grandes comme toutes les Aielles, elles n’arrivaient pourtant pas à l’épaule de l’homme.

— Je t’ai présenté mon épouse Amys, dit Rhuarc à Rand, et maintenant, je te présente mon épouse Lian.

S’avisant qu’il était bouche bée, Rand la referma vivement. Après qu’Aviendha lui eut dit que la Maîtresse du Toit était l’épouse de Rhuarc, il avait pensé avoir mal compris tous les « ombre de mon cœur » échangés entre l’Aiel et Amys sur le mont Chaendaer. De toute façon, il avait d’autres soucis en tête. Mais là…

— Deux épouses ? s’écria Mat. Par la Lumière ! ce type est l’homme le plus heureux du monde, ou le plus grand crétin depuis le jour de la Création !

— Rand, fit Rhuarc, maussade, j’avais cru comprendre qu’Aviendha t’initiait à nos coutumes. Apparemment, elle est loin d’avoir tout abordé.

Après avoir regardé son mari – enfin, leur mari –, Lian interrogea du regard Amys, qui répondit sèchement :

— Elle semblait parfaite pour lui enseigner ce qu’il a besoin de savoir. Et c’était aussi un bon moyen de l’empêcher de courir rejoindre les Promises dès que nous avions le dos tourné. À présent, je pense que je vais devoir m’entretenir un long moment avec elle dans un endroit tranquille. Selon moi, elle a dû lui apprendre le langage par signes des Promises ou l’art de traire un gara.

Aviendha rosit un peu, mais secoua quand même la tête, faisant osciller ses cheveux désormais assez longs pour lui couvrir les oreilles.

— Il y avait des sujets plus importants que le mariage, se défendit-elle. Et de toute façon, cet homme ne m’a jamais écouté.

— Elle a été un très bon professeur, intervint Rand. Avec elle, j’ai appris bien des choses sur la Tierce Terre et sur vos coutumes.

Le langage des signes des Promises ?

— Quand je commets une erreur, c’est ma faute, pas la sienne.

Comment pouvait-on traire un lézard géant venimeux ? Et pour quoi faire ?

— Oui, c’est un très bon professeur, et je voudrais qu’elle continue à me former, si ça ne dérange personne.

Au nom de la Lumière ! pourquoi ai-je dit ça ?

Quand elle se détendait un peu, Aviendha pouvait être d’une compagnie agréable. La plupart du temps, elle se révélait plus urticante qu’une ortie. Au moins, tant qu’il la gardait, il saurait qui les Matriarches avaient désigné pour l’espionner.

Amys dévisagea Rand, ses yeux bleus aussi perçants que ceux d’une Aes Sedai. Quoi d’étonnant, puisqu’elle était capable de canaliser le Pouvoir ? Si elle ne paraissait pas sans âge, elle avait cependant l’air bien plus jeune qu’elle l’aurait dû. Au fond, quelle était la différence avec une Aes Sedai « estampillée » ?