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— Rand, ça devient de plus en plus dangereux… L’attaque du Guet d’Imre visait peut-être les Aiels, même si je n’en crois rien, mais celle de ce soir… Eh bien, les Draghkars en avaient après toi.

— Je sais, répondit Rand.

Aussi calme que l’Aes Sedai, et encore plus glacial…

Moiraine serra les dents et ses mains s’immobilisèrent sur le devant de sa robe. Elle n’était pas du tout contente, et ça se voyait.

— Une prophétie est encore plus dangereuse quand on s’efforce de la réaliser… N’as-tu pas appris ça à Tear ? La Trame se tisse autour de toi, c’est vrai, mais si tu as la prétention de vouloir la tisser, tu n’y arriveras pas, crois-moi ! Si tu la soumets à une trop forte tension, elle finira par exploser dans tous les sens. Si ça arrive, nul ne peut dire quand elle se focalisera de nouveau sur toi, ni ce qui arrivera avant qu’elle le fasse.

— Une explication lumineuse, ironisa Rand, comme toujours. Que voulez-vous, Moiraine ? Il est tard et je suis fatigué.

— Je veux que tu me fasses confiance. Après avoir quitté ton village depuis un peu plus d’un an, tu imagines ne plus rien avoir à apprendre ?

— Au contraire, je suis sûr de n’avoir rien appris…

Et maintenant, voilà qu’il semblait amusé… Ayant rejoint le petit groupe depuis deux ou trois minutes, Mat se demanda si son ami avait toujours sa tête, ou s’il parvenait simplement à en donner l’impression.

— Vous voulez que je me fie à vous, Moiraine ? D’accord, jouons le jeu ! Les Trois Serments vous empêchent de mentir, pas vrai ? Alors, dites à voix haute et intelligible que je peux tout vous dire sans que vous tentiez de me mettre des bâtons dans les roues ni de me faire changer d’avis. Ajoutez que vous ne me manipulerez pas dans l’intérêt de la Tour Blanche. Allez, dites-le, et je saurai que c’est la vérité.

— Je ne ferai rien pour t’empêcher d’accomplir ta destinée. J’ai consacré ma vie à cet objectif. Mais je ne peux pas promettre de regarder sans rien faire si tu te mets de toi-même la tête sur le billot.

— Ça ne suffit pas, Moiraine ! Non, ça ne suffit pas… Et même si je pouvais vous parler, je ne le ferais pas ce soir, parce que la nuit a des oreilles…

Il y avait bien des gens qui allaient et venaient autour du petit groupe, mais pas assez près pour pouvoir entendre…

— De nos jours, même les rêves ont des oreilles.

Aviendha tira sur son châle pour se cacher le visage. Ainsi, une Aielle pouvait avoir froid ?

Son voile noir baissé, Rhuarc entra dans le cercle de lumière.

— Rand al’Thor, les Trollocs ont seulement créé une diversion pour faciliter l’assaut des Draghkars. Pour tout autre objectif, ils n’étaient pas assez nombreux. Le Père des Mensonges ne veut pas que tu vives.

— Le danger rôde…, souffla Moiraine.

Le chef des Taardad la regarda avant de déclarer :

— Moiraine Sedai a raison. Puisque les Draghkars ont échoué, je crains qu’on puisse s’attendre à une attaque des Sans-Âme, la prochaine fois – ceux que vous appelez les Hommes Gris. Rand, je veux te faire protéger en permanence. Pour une raison que j’ignore, les Promises se sont portées volontaires pour veiller sur toi.

De plus en plus gelée, Aviendha se recroquevillait sur elle-même, les mains glissées sous les aisselles.

— Si ça leur chante…, lâcha Rand.

Sous sa façade de marbre, il semblait mal à l’aise, trouva Mat. Et franchement, c’était compréhensible. Pour toute la soie du Peuple de la Mer, Mat ne se serait jamais mis ainsi entre les mains des Promises.

— Puisqu’elles ont demandé cette mission, dit Rhuarc, elles s’en acquitteront mieux que quiconque. Mais je ne me reposerai pas entièrement sur elles. Tout le monde sera vigilant dans la forteresse. Je parie que ce seront les Sans-Âme, la prochaine fois, mais je peux me tromper, et il faudra être sur nos gardes. Qui sait si les Trollocs n’attaqueront pas à dix mille au lieu d’être quelques centaines ?

— Et les Shaido ? demanda Mat.

Il regretta d’avoir ouvert la bouche dès que tous les regards se rivèrent sur lui. Jusque-là, peut-être que personne ne s’était avisé de sa présence… Mais puisqu’il avait commencé.

— Je sais que vous ne les aimez pas, mais s’il doit y avoir une attaque massive, ne seraient-ils pas plus utiles à l’intérieur, avec nous ?

Rhuarc grogna – l’équivalent d’un chapelet de jurons, chez n’importe qui d’autre.

— Je ne ferai pas entrer mille Shaido dans la forteresse, même si le Ténébreux en personne attaquait. De toute façon, ce n’est plus d’actualité. Couladin et ses guerriers ont levé le camp à la tombée de la nuit. Nous en sommes débarrassés ! J’ai envoyé des éclaireurs s’assurer qu’ils ne quitteraient pas le territoire des Taardad en emmenant des chèvres et des moutons avec eux – par inadvertance, bien sûr.

L’épée de Rand disparut, plongeant la scène dans les ténèbres. Mat ferma les yeux pour essayer de s’adapter au manque de lumière, mais quand il les rouvrit, les rayons de la lune eux-mêmes lui parurent sombres.

— Dans quelle direction sont-ils partis ? demanda Rand.

— Le nord, répondit Rhuarc. À coup sûr, Couladin veut rencontrer Sevanna sur le chemin d’Alcair Dal pour lui monter la tête contre toi. Hélas, il a une chance de réussir. Si elle a déposé sa couronne de mariage aux pieds de Suladric, pas à ceux de Couladin, c’est uniquement parce qu’elle voulait épouser un chef. Mais je t’ai prévenu qu’elle nous ferait sûrement des ennuis. C’est ce qu’elle préfère dans la vie ! Au fond, qu’importe ! Si les Shaido se détournent de toi, ce ne sera pas une grande perte.

— Je vais partir pour Alcair Dal, déclara Rand. Dès demain. Je m’excuserai auprès de tous les chefs qui se sentiront déshonorés d’arriver après moi, mais je ne peux pas laisser le terrain à Couladin pendant un mois. Il ne se contentera pas d’influencer Sevanna, Rhuarc. Je ne peux pas lui offrir tout ce temps sur un plateau.

— Tu as peut-être raison, convint Rhuarc après mûre réflexion. Avec toi, tout change, Rand al’Thor. Au lever du soleil, donc… Je choisirai dix Boucliers Rouges pour t’escorter, et les Promises seront ta garde personnelle.

— Je veux partir dès les premières lueurs de l’aube, Rhuarc, et avec tous les Aiels capables de brandir une lance ou d’armer un arc.

— Les coutumes…

— Elles ne me dominent pas, Rhuarc, lâcha Rand d’une voix qui aurait pu briser des pierres. Je vais en créer de nouvelles.

Rand éclata de rire. Aviendha ne cacha pas son trouble, et Rhuarc lui-même parut perplexe. En revanche, Moiraine ne broncha pas.

— Quelqu’un devrait aller informer les colporteurs, reprit Rand. Je suppose qu’ils ne voudront pas rater la kermesse, mais si les conducteurs continuent à boire, ils ne tiendront pas sur leur banc, dans quelques heures. Et toi, Mat, tu viens aussi ?

Les colporteurs étant sa meilleure chance de filer un jour de ce fichu désert, Mat n’avait aucune intention de s’en séparer.

— Tu sais bien que je te suis partout, Rand.

Étrangement, ce n’était pas un mensonge. Et ça, c’était inquiétant.

Le maudit lien des ta’veren !

Comment Perrin s’en était-il libéré ?

Je donnerais cher pour être avec lui, en ce moment !

— Et je te suivrai une fois de plus.

Sa lance sur l’épaule, Mat s’en fut en direction de sa paillasse. Il restait quelques heures pour dormir. Dans son dos, il entendit Rand glousser bêtement.

51

Révélations à Tanchico

Elayne se battait avec les deux baguettes laquées, mais les tenir correctement semblait au-delà de ses compétences.