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— Et tu en auras besoin.

Il remonta dans sa Ford, fit demi-tour et s’en alla.

La ferme appartenait à l’organisation. Elle se trouvait non loin du mont Hunter et leur servait de centre d’entraînement et de préparation.

Un couple de Juifs d’une soixantaine d’années accueillit Nathan.

La femme s’appelait Rachel. Son embonpoint trahissait son attirance pour les plaisirs de la table. Jozef, son mari, s’occupait de l’intendance. Il soignait les bêtes et servait d’homme à tout faire. Taiseux et d’allure chétive, il était endurant et travaillait plus de douze heures par jour.

En plus du couple, cinq personnes occupaient également la ferme : deux instructeurs et trois recrues. Comme Nathan, les trois pensionnaires venaient d’être engagés. Moshe avait une vingtaine d’années et venait de Cologne. Daniel avait l’âge de Nathan et arrivait en droite ligne d’Israël.

La troisième recrue était une jeune femme qui répondait au nom d’Éva. Elle venait du Canada et faisait partie d’une famille de rescapés originaires d’Allemagne.

Tommy, l’un des instructeurs, un géant roux d’une quarantaine d’années, était chargé de l’entraînement mental et physique des engagés. Le second instructeur, Jim, un homme sec aux allures de professeur d’université, s’occupait des aspects didactiques.

La formation commença dès le lendemain.

Les premiers jours furent éprouvants pour Nathan. Son moral était ébranlé ; il se sentait orphelin, déraciné, arraché aux dernières bribes du passé qui le liaient à sa famille. De plus, sa condition physique était loin de répondre aux exigences du programme qui leur était imposé.

Malgré cela, il ne revint à aucun moment sur la décision qu’il avait prise.

Le matin, avant le petit-déjeuner, Tommy les lançait dans une course à pied sur les sentiers de montagne. Jour après jour, il modifiait l’itinéraire et rallongeait la distance.

Dès leur retour, un parcours d’obstacles composé d’un mur du combattant, d’une reptation sous barbelés et d’une longue escalade de rochers les attendait.

Ce n’est que vers dix heures qu’une première collation leur était servie.

Venaient ensuite les cours spécifiques. Ils changeaient selon le jour de la semaine.

Nathan et ses alter ego apprirent à manier le couteau, à se battre au corps à corps, à se servir d’un canoë-kayak, à glisser le long d’un câble, à pratiquer la plongée sous-marine et à piloter une voiture et une moto.

En fin de matinée, ils s’entraînaient au tir.

Différentes disciplines étaient développées, depuis le tir en position couchée jusqu’à la technique permettant de tirer en action de défense, en pleine course, à vélo, en moto ou sur un bateau à moteur.

Ils se familiarisèrent également au maniement de certaines armes moins conventionnelles, comme l’arc, l’arbalète, l’épée ou une longue sarbacane qui lançait des flèches imbibées de chloroforme.

Malgré cet entraînement éprouvant et le fait qu’elle ne bénéficiait d’aucun régime de faveur, Éva ne déméritait pas.

Jim entrait en scène l’après-midi.

Durant les deux premières heures, il leur proposait de parcourir l’histoire du Troisième Reich, depuis la naissance d’Adolf Hitler jusqu’à sa mort, en analysant les étapes importantes qui avaient conduit à l’Holocauste.

Une longue partie du cours était consacrée aux camps ; depuis la création, en 1933, des premiers camps de concentration destinés à isoler les opposants au nazisme, jusqu’aux camps d’extermination comme Auschwitz, Belzec ou Treblinka dont l’objectif était l’exécution massive d’êtres humains.

Des documents et des photos passaient de main en main, dans le plus grand silence. La plupart des photos avaient été prises par des gardes SS. Certaines étaient insoutenables. En plus des images, de nombreux chiffres, effrayants, leur étaient assenés durant ce chapitre.

Plus d’une fois, Nathan se demanda comment un être humain pouvait en arriver à se livrer à de tels actes et immortaliser de telles scènes. Chaque photo, chaque chiffre, chaque document renforçait sa volonté de venger les victimes.

Les trois heures qui suivaient étaient consacrées à l’inventaire et à la biographie des bourreaux et des criminels.

Pour chacun d’eux, ils recevaient une fiche signalétique et un dossier complet qui contenait plusieurs photos. Le parcours de l’individu était détaillé depuis sa naissance jusqu’à l’endroit présumé où il se trouvait actuellement.

Nathan ne put qu’admirer le travail de recherche que le Chat avait réalisé. Pour certains, la biographie comportait une cinquantaine de pages et précisait le cheminement de la cible semaine après semaine.

Plusieurs catégories avaient été créées, depuis les hauts dignitaires du régime jusqu’aux simples gardes, en passant par les médecins et les fournisseurs, tels Topf und Söhne, Kori ou Huta qui avaient feint d’ignorer la finalité de leurs interventions et dont les dirigeants poursuivaient leur activité en toute impunité.

Au total, ils parcoururent plus de trois mille fiches.

Chaque fois, Jim leur demandait de mémoriser le visage de la cible, d’être capable de l’associer à son nom et de connaître les faits marquants le concernant.

Après le dîner, ils étaient soumis à un questionnaire. À cet exercice, Nathan et Éva rivalisaient de vitesse et de précision.

Au fil des jours, Jim punaisait certaines photos sur le mur de la salle d’études. Les hommes qui s’y trouvaient étaient les cibles prioritaires du Chat.

En tête de liste, on trouvait les hauts dirigeants nazis, Adolf Eichmann, Franz Stangl, Aloïs Brunner, Heinrich Müller ou Martin Bormann. Des médecins tels Aribert Heim ou Josef Mengele en faisaient également partie.

Ces hommes avaient pour la plupart disparu, mais certains avaient été localisés par l’organisation.

Ils vivaient en Amérique du Sud, en Argentine, au Chili, au Paraguay, au Brésil ou en Uruguay. Le Moyen-Orient était également une destination appréciée des Rats, l’Égypte et la Syrie ayant incorporé des nazis dans leurs services de propagande. D’autres cibles se trouvaient en Allemagne ou en Autriche.

Le Vatican était également impliqué dans l’affaire. Des documents prouvaient qu’ils avaient facilité l’obtention de visas pour certains officiers nazis. Un réseau que l’organisation avait baptisé Rat Line se chargeait de les aider dans leur fuite. François Genoud, le banquier suisse du Troisième Reich, finançait l’opération à l’aide de l’argent volé aux Juifs européens.

À vingt-deux heures, les cours se terminaient et les recrues allaient dormir.

L’extinction des feux avait lieu à vingt-deux heures trente.

Leur condition physique, leurs compétences et leur motivation se développèrent de jour en jour. Après quelques semaines de ce régime, Moshe, Daniel, Nathan et Éva devinrent les meilleurs amis de la terre.

Dans le même temps, Nathan et Éva tombèrent amoureux l’un de l’autre.

Dès leur première rencontre, Nathan avait ressenti une attirance pour elle. Il aimait son air rebelle, ses yeux clairs et son courage hors du commun. Il avait remarqué qu’elle l’observait à la dérobée et en avait conclu qu’elle n’était pas indifférente à son charme.

Au début du mois de février, ils furent réveillés en pleine nuit par Tommy.

Sans un mot d’explication, il leur intima l’ordre de s’habiller et de monter à l’arrière d’un camion. Ils roulèrent dans la nuit, sans la moindre idée de leur destination.

Après une bonne heure, le camion s’arrêta brusquement.

Tommy ordonna à Moshe et Daniel de descendre et de rentrer à la ferme au plus vite, par leurs propres moyens.