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Il prenait une pause d’une heure à quinze heures et faisait des courses dans le quartier. Une bouteille de schnaps faisait partie de ses achats quotidiens. Il quittait l’hôtel vers vingt et une heures trente et rentrait chez lui.

Le mardi et le samedi soir, il retrouvait trois hommes de son âge dans un bar sur Augusta Platz. Ils jouaient aux cartes jusqu’à minuit, heure à laquelle les cafés étaient tenus de fermer.

Le mercredi était son jour de congé. Il sortait de chez lui vers dix heures, se promenait dans les parcs de la ville, prenait son déjeuner dans un restaurant italien, allait au cinéma et retournait à son domicile vers dix-neuf heures pour n’en ressortir que le lendemain matin.

Ce programme réglé comme du papier à musique se répéta durant les trois semaines. Gustav Sommer était ancré dans ses habitudes.

Nathan nota avec précision les horaires, les trajets et les activités de Sommer et fit parvenir le tout à Aaron.

Il leur restait à s’assurer que l’homme était bien Georg Sommerer. Hormis la dent en or, il ressemblait trait pour trait au SS. Les photos que Nathan avait en sa possession le démontraient, mais cela ne suffisait pas pour signer son arrêt de mort.

À plusieurs reprises, Nathan avait tenté de vérifier s’il portait la Kainsmal, la lettre tatouée que les SS portaient sur la face intérieure de leur biceps gauche pour indiquer leur groupe sanguin.

L’absence de ce tatouage ne signifiait pas pour autant que Sommer n’était pas l’homme qu’il recherchait. De nombreux SS se l’étaient fait enlever à la fin de la guerre et, contrairement à la rumeur, la Kainsmal n’avait pas été généralisée. Bon nombre de SS n’arboraient pas le signe de Caïn.

Au début de la quatrième semaine, Aaron lui fit parvenir un message.

Jeudi, entre 16 et 17, visite de l’appartement. Moshe viendra t’épauler. Rendez-vous chez toi à 15.

Moshe débarqua chez Nathan à l’heure fixée.

Ils furent heureux de se retrouver. Malgré cela, ils ne prirent pas le temps de discuter et entrèrent dans le vif du sujet. Dès son arrivée à Berlin, Moshe avait intégré une équipe de cambrioleurs et avait été formé aux différentes techniques d’effraction.

— Aucune serrure ne me résiste, j’entre où je veux en moins d’une minute. Le mois prochain, je m’attaque aux coffres-forts.

— On va voir ça, cher ami.

Ils avaient une heure pour pénétrer dans l’appartement de Sommer, trouver les preuves qu’il était à Auschwitz en 1944 et quitter les lieux sans laisser de trace.

Ils se rendirent à la Ludwig Wilhelm Platz par des chemins séparés et se retrouvèrent au bas de l’immeuble. Il ne fallut que dix secondes à Moshe pour ouvrir la porte d’entrée, à peine quelques-unes de plus pour fracturer celle de l’appartement.

Moshe freina l’empressement de Nathan qui se ruait dans le couloir.

— Attends, Nathan. Avant d’entrer dans une pièce, photographie l’emplacement de chaque meuble, de chaque tableau, de chaque objet, même les plus petits, tout doit être remis en place, au millimètre près. Si cet homme est Sommerer, il y a de fortes chances qu’il y ait des pièges dans l’appartement, des indices lui permettant de voir s’il a reçu de la visite. J’ai vérifié la porte, il n’y a ni cheveu ni allumette, mais ça ne veut pas dire qu’il ne se méfie pas.

— D’accord.

— Et fais attention où tu marches, c’est un vieux parquet et les locataires du dessous sont peut-être présents.

Ils entreprirent une fouille rapide du logement. Plus d’une fois, Nathan ressentit une montée d’adrénaline lorsqu’il entendait des pas dans l’escalier ou quand l’ascenseur se mettait en marche.

À force de tâtonnements, ils finirent par trouver une cache derrière l’un des meubles. Elle contenait une carte d’officier SS, un Lüger, une longue dague et des photos de Sommer inspectant un rang de prisonniers à Auschwitz.

Ils se serrèrent la main. Ils avaient la confirmation qu’ils étaient venus chercher.

Gustav Sommer était bien Georg Sommerer.

Le surlendemain, Nathan fit le chemin de retour vers Karlsruhe où un message d’Aaron l’attendait. Il le félicitait pour le travail accompli, l’informait que le Chat montait une opération contre Sommerer et qu’il serait amené à y participer, en tant que témoin dans un premier temps.

Quelques jours plus tard, il reçut un nouveau message. La capture et l’exécution de Georg Sommerer auraient lieu le dernier jour du mois de septembre.

27

Deux mois avant sa mort

J’ai l’impression de ne pas avoir fermé l’œil de la nuit. Pourtant, je me sens mieux.

Sébastien a appelé hier soir. L’infirmière de garde lui a annoncé que j’étais réveillé et que j’allais mieux. Il n’a pas voulu me parler. Ils ont retrouvé ma boîte métallique, elle se trouve en bonne place sur la table de nuit.

La photo du SS m’a hanté durant la nuit.

Qui est-ce ?

Les flics ne le savaient pas, ou ont fait semblant de ne pas le savoir. Il y a eu des milliers de SS durant la guerre. Ils ne le reconnaissaient pas.

Pour qu’ils me fichent la paix, j’ai raconté que j’écrivais des bouquins, que ces affaires faisaient partie de la documentation que je réunissais pour mon prochain opus. Comme ils insistaient, j’ai menacé de prendre contact avec le consulat de Belgique.

Finalement, ils m’ont lâché. Ils vont revenir cet après-midi pour me rendre le Mac.

D’où venait cette photo ?

Provenait-elle des affaires de mon père ou de celles de ma mère ?

Quel lien reliait cet homme à l’un de mes parents ?

Deux heures après le départ des flics, un journaliste du Augsburger Allgemeine m’a téléphoné dans un français poussif. Par un heureux hasard, il savait qui j’étais et ce que j’avais écrit. Il voulait connaître le sujet de mon prochain bouquin. J’ai raccroché.

Dans la foulée, j’ai appelé Clémence.

Roland lui avait appris que j’avais eu beaucoup de chance et que je serais bientôt de retour. Elle m’a souhaité un bon rétablissement.

Je lui ai demandé de m’envoyer une voiture avec chauffeur pour me ramener à Bruxelles. Je l’ai aussi chargée de contacter notre assureur et notre avocat pour avoir leurs conseils sur la marche à suivre avec les autorités du coin.

Pour terminer, je lui ai demandé de me commander une nouvelle voiture, même modèle, n’importe quelle couleur, sauf blanc ou noir, et un téléphone portable.

Elle n’a posé aucune question.

L’infirmière retire le plateau du petit-déjeuner.

— Sie haben fast nichts gegessen.

Elle agite un index sous mon nez comme si j’étais un gamin désobéissant.

C’est la première fois que je la vois. Grande, brune, le regard aguicheur. Un peu large de bassin, mais équipée d’une somptueuse paire de seins.

— Pas faim.

Elle sort en dodelinant du cul.

Dès qu’elle a refermé la porte, je m’assieds au bord du lit et pose les pieds au sol. Je fais lentement basculer le poids de mon corps.

Mes jambes vacillent, un rideau sombre passe devant mes yeux. J’agrippe le montant du lit. J’attends quelques secondes que le roulis se stabilise.

Je progresse ensuite pas à pas vers l’armoire. Je l’ouvre et tente de m’emparer de la caisse. Mes bras ne parviennent pas à la soulever. Je la pose sur le sol et la pousse à l’aide de mon pied. Je me rassieds sur le lit, épuisé.