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Le 15 avril, Birenbaum lui remit son rapport définitif. Nathan étudia les habitudes de Kallweit ainsi que les trajets qu’il effectuait. Il en conclut que le mercredi était le jour le plus favorable.

Ce soir-là, il empruntait un itinéraire qui l’obligeait à franchir un chemin étroit longeant la voie ferrée. De plus, l’endroit était désert et le trafic ferroviaire réduit à cette heure-là.

Il prit contact avec Aaron et fixa la date d’intervention au mercredi 3 mai. Aaron se chargea de sélectionner les membres du tribunal et d’enrôler les hommes qui épauleraient Nathan.

Une réunion eut lieu à Karlsruhe le dimanche 30 avril en vue d’élaborer le plan d’attaque. L’équipe que dirigerait Nathan était composée de Nicolas, de Maximilian et de Serge.

Nicolas était le géant barbu qui était intervenu à Baden-Baden et que Nathan connaissait déjà. Maximilian était un Berlinois d’une quarantaine d’années, affligé d’une profonde balafre à la joue. Il avait en outre perdu un œil dans une bagarre au couteau, un an après la guerre, alors qu’il réglait un compte personnel avec un ancien gardien d’Auschwitz.

Serge était le chauffeur, un homme corpulent d’une trentaine d’années qui venait de Munich.

Le mercredi 3 mai, à vingt heures, la Mercedes qui transportait les quatre hommes pénétra dans Neuhof, remonta la Hanauerstrasse à faible allure et se gara dans une allée qui jouxtait le terrain de football.

Nicolas et Maximilian sortirent du véhicule et prirent une direction différente. Nicolas se dirigea vers le centre tandis que Maximilian prit la Frankfurter Strasse qui menait à la gare.

Nathan ordonna à Serge de couper le moteur. Pour eux, l’attente commençait.

Vers vingt heures quarante-cinq, David Birenbaum apparut au bout de la rue, accompagné par son chiot qui faisait des bonds pour attraper la laisse. Il passa devant la Mercedes, fit un discret signe de la main et poursuivit sa balade.

Nathan sentit son cœur s’emballer. Le signal était donné, Kallweit était en route.

La Mercedes démarra et se dirigea vers la gare. Elle dépassa la station, sortit du village et parcourut trois cents mètres en rase campagne. Elle emprunta ensuite un chemin en pente et stoppa au milieu d’un étroit passage sous la voie ferrée.

Nathan descendit du véhicule et marcha sans bruit jusqu’à la sortie du souterrain.

Si le plan se déroulait comme prévu, Otto Kallweit apparaîtrait dans une dizaine de minutes. Nicolas serait sur ses pas pour lui couper toute retraite. Lorsqu’il arriverait à sa hauteur, Nathan sortirait du souterrain et Maximilian le prendrait à revers.

Il s’accroupit et consulta sa montre. Il était vingt et une heures passées. La crispation de ses muscles trahissait sa nervosité.

Après quelques minutes qui lui parurent interminables, des bruits de pas et la respiration saccadée d’un chien se rapprochèrent.

Nathan inspira et expira à plusieurs reprises. L’air était bloqué dans ses poumons. Son cœur battait à tout rompre.

Il sortit son arme.

Malgré l’entraînement qu’il avait suivi, la réalité lui semblait bien différente des simulations auxquelles il avait été confronté.

Lorsque Kallweit arriva à l’entrée du passage, il émergea et le mit en joue.

— Ne bougez pas ! Retenez votre chien !

Maximilian déboula par la droite, un pistolet à la main.

— Ne tentez rien ! Vous n’avez aucune chance.

Kallweit réagit à une vitesse surprenante.

D’un geste, il ôta la muselière de son chien et lui lança un ordre. Le chien se mit à grogner, retroussa les babines et se jeta sur Maximilian. Kallweit fit volte-face et tomba nez à nez avec Nicolas qui venait à sa rencontre. Le nazi glissa une main dans la poche de son manteau et en sortit un Lüger.

Nicolas fut plus rapide que lui. Il lui saisit le poignet, lui fit une clé de bras et le força à s’agenouiller. Il le saisit ensuite à bras le corps et fonça vers la Mercedes.

— À la voiture, Nathan, en vitesse !

Pendant que Nathan s’exécutait, Maximilian tentait de se débarrasser du chien.

Le doberman avait plongé ses crocs dans son avant-bras et ne lâchait pas prise. De sa main valide, il parvint à s’emparer d’un poignard et l’enfonça dans la poitrine de l’animal.

Il dut porter plusieurs coups pour que le chien desserre les mâchoires, lâche prise et retombe sur le dos.

Malgré le sang qui jaillissait de la plaie, l’animal se releva, tituba et se prépara à une nouvelle attaque. Maximilian prit les devants et lui enfonça le couteau dans la gorge.

Arrivé à la voiture, Nicolas jeta le nazi à l’arrière. Nathan entra du côté opposé et posa le canon de son arme sur sa tempe.

— Ne bougez pas ou je vous abats !

Nicolas s’engouffra à son tour, referma son bras autour de la nuque de l’homme et le plaqua contre sa poitrine. Maximilian les rejoignit en maugréant. La manche de sa veste était déchiquetée et du sang coulait le long de son bras.

Il s’assit à l’avant et grommela.

— Saleté de bestiole, il faudra me recoudre.

Serge enclencha la marche arrière et sortit à reculons du souterrain. Il prit le chemin en sens inverse et se dirigea vers Hanau.

Nathan transpirait malgré la fraîcheur nocturne. La première partie du plan ne s’était pas déroulée comme prévu. La capture de Kallweit avait failli mal tourner. Il avait évité de peu l’hécatombe. Il rentrait avec un blessé et s’en voulait de ne pas avoir anticipé l’incident. Il aurait dû prévoir que le chien de Kallweit était dressé au combat et programmer son élimination.

De même, le fait que Kallweit était armé l’avait pris de court.

La Mercedes parvint à la carrière après une dizaine de minutes. Les quatre hommes en sortirent et conduisirent Kallweit dans l’entrepôt. Une chaise l’attendait au milieu du hangar.

Les membres du tribunal accueillirent Nathan et son équipe d’un hochement de la tête. Ils se tenaient debout, en demi-cercle autour de la chaise. Des lampes-tempête étaient posées sur le sol, la lumière vacillante leur donnait une allure fantomatique.

Nathan reconnut dans la pénombre le visage de deux des hommes qu’il avait rencontrés lors de sa première intervention.

Il fit asseoir Kallweit et le menotta dans le dos. L’homme resta impassible, ne chercha pas à résister et ne prononça pas le moindre mot. Nathan se pencha sur lui et le dévisagea. Un rictus tordait sa bouche. Contrairement à Sommerer, son visage n’exprimait pas la peur, mais un profond dégoût.

L’un des membres du tribunal lui posa une question, mais il n’y répondit pas. L’homme qui présidait la séance entama la lecture de l’acte d’accusation. Kallweit ne semblait pas concerné par les faits qui lui étaient reprochés. Il fixait ses juges d’un air hautain, comme s’il toisait des gamins commettant une bêtise.

La lecture prit plus d’une demi-heure. À l’issue de celle-ci, l’un des juges l’interpella.

— Heinrich Müller, avez-vous des objections à formuler ?

Müller fit mine de n’avoir rien entendu.

L’homme haussa le ton.

— Heinrich Müller, avez-vous quelque chose à déclarer pour votre défense ?

Le nazi ne broncha pas.

— Dans ce cas, nous poursuivons.

L’homme prononça le verdict.

— Gestapo-Müller, vous êtes condamné à mort. Vous serez exécuté d’une balle dans la nuque. La sentence sera rendue séance tenante.

Müller détourna les yeux pendant que les membres du tribunal sortaient de la pièce.

Nathan prit le Lüger de Müller, s’assura qu’il était chargé et passa derrière la chaise. Il avança le canon et le posa sur la nuque du condamné.