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Des bruits de circulation ainsi qu’un mugissement de sirène parasitent les propos de Kelkad et de son traducteur – sans doute les Tosoks font-ils route vers le lieu de l’attentat.

— Vous devriez pouvoir le retourner sur le ventre sans lui faire de mal, reprend Kelkad. La balle a-t-elle traversé le corps ?

Frank tend l’appareil à la femme flic, empoigne le haut de la jambe gauche de Hask (le squelette de l’alien affleure sous ses doigts, lui causant une impression bizarre) et lui fait faire un demi-tour. Puis il examine le dos de la tunique de Hask, sans y trouver le moindre trou.

— Dites-lui que rien n’indique que la balle soit ressortie, lance-t-il à la femme policier.

Celle-ci s’exécute puis reste un moment à écouter.

— Kelkad vous demande si le nombre atomique du plomb est bien le 82.

— Bordel, qu’est-ce que j’en sais ?

— Il dit que le plomb est hautement toxique pour les Tosoks. Dans ce cas, il faudrait extraire la balle de toute urgence.

— Qu’est-ce qu’elle fout, cette ambulance ? s’impatiente Frank.

— La voici, annonce le second flic qui vient de les rejoindre.

Frank regarde dans la direction qu’il indique et aperçoit un fourgon blanc avec un gyrophare sur le toit. Il se relève d’un bond, juste comme un troisième policier s’approche de lui.

— D’après les papiers trouvés sur lui, l’agresseur est un certain Donald Jensen. Il a déjà écopé de plusieurs condamnations, principalement pour des troubles à l’ordre public.

Frank dirige son regard vers l’homme qui se trouve à nouveau sur pieds, les mains menottées dans le dos. D’allure soignée, les cheveux blonds et courts, il porte une veste en tweed avec des pièces aux coudes. La partie gauche de son visage présente de nombreuses éraflures, causées par les pavés contre lesquels les policiers l’ont maintenu de force.

— Mort au démon ! vocifère-t-il en roulant des yeux bleus effarés. L’ambulance se range le long du trottoir et il en descend deux hommes de forte carrure. Ils ouvrent aussitôt les portes arrière du véhicule et approchent un brancard.

Les deux voitures transportant les autres Tosoks s’arrêtent juste derrière l’ambulance. Les portières s’ouvrent à la volée, les six Tosoks descendent et traversent la pelouse à pas de géants, suivis de loin par les policiers censés les escorter.

Redoutant le pire, Frank désigne le dénommé Jensen aux flics :

— Emmenez-le loin d’ici, ordonne-t-il. Vite.

Les types obtempèrent et poussent l’agresseur à l’intérieur d’une voiture. Pendant ce temps, les deux ambulanciers ont transféré Hask sur le brancard et le soulèvent du sol.

Quand les Tosoks parviennent près d’eux, leurs orifices respiratoires frémissent et ils gardent les bras éloignés du corps, peut-être pour s’éventer. Kelkad et Stant se penchent immédiatement vers Hask afin d’examiner sa blessure. Ils échangent quelques paroles, aussitôt relayées par le traducteur de Stant :

— Le temps manque pour le transporter à notre vaisseau. Vos microbes ne sont pas une menace pour nous, aussi n’y a-t-il pas besoin d’un endroit stérile pour opérer. Toutefois, il va nous falloir du matériel chirurgical.

— On l’emmène à l’USC Medical Center, indique un des ambulanciers. C’est un grand hôpital ; vous y trouverez tout ce qu’il vous faut.

— Je viens avec vous, déclare Frank.

Une fois le blessé chargé, Kelkad et un des deux ambulanciers montent à l’arrière. Le second s’installe au volant tandis que Frank grimpe à la place du passager. Puis l’ambulance démarre, escortée par la voiture de police où Stant a trouvé place.

— Frank, fait la voix de Kelkad à l’arrière. Qui a fait cela ?

— Nous le tenons, répond Frank en se retournant. Ça a tout l’air d’un fanatique religieux. Ne vous en faites pas, Kelkad. Il paiera pour ce qu’il a fait.

— Cette agression contre l’un de nous pourrait être interprétée comme un acte de guerre, remarque Kelkad.

— Je sais. Croyez-moi, on vous fera toutes les excuses possibles et je vous promets que l’agresseur sera puni.

— Vous avez dit, un fanatique ?

— Il a traité Hask de démon – une créature surnaturelle.

— Dans ce cas, son avocat va plaider la démence.

Les pneus de l’ambulance crissent comme son conducteur prend un virage à la corde.

— C’est possible, admet Frank avec un haussement d’épaules.

— Faites en sorte que ma confiance dans cette chose que vous appelez justice ne soit pas déçue, laisse tomber Kelkad.

L’ambulance poursuit sa course folle en direction de l’hôpital, toute sirène hurlante.

Chapitre 27

L’ambulance a débarqué Frank et Kelkad juste à l’entrée des urgences.

— De tous les membres de l’équipage, Stant paraît le plus qualifié pour pratiquer l’opération, indique le capitaine des aliens.

Stant est arrivé à bord d’une des voitures de police quelques minutes après l’ambulance. Il frictionne son bras dorsal qui a souffert d’être comprimé contre le dossier de la banquette, mais son toupet esquisse un signe d’assentiment.

— Je peux opérer, assure-t-il, mais j’aurai besoin d’un humain pour m’assister, moins pour la procédure elle-même qu’à cause du matériel.

Il considère les docteurs et infirmiers rassemblés dans le hall du service ainsi que les nombreux patients plus ou moins ensanglantés (pour la plupart, des Latinos indigents) qui attendent d’être pris en charge.

— Quelqu’un veut-il m’aider ?

— Certainement, fait un Noir d’une cinquantaine d’années.

— J’en serais ravi, renchérit un de ses collègues blancs.

Une femme aux cheveux poivre et sel coupés court se manifeste alors en toussotant :

— Navrée, messieurs, mais j’ai sur vous le privilège du rang. Carla Hernandez, chirurgien en chef de cet hôpital, se présente-t-elle à Stant. Ce sera un honneur pour moi que de vous assister.

— Dans ce cas, au travail. Avez-vous des instruments qui permettent de voir l’intérieur du corps ?

— Oui, des appareils à rayons X ou à ultrasons.

— Les rayons X feront l’affaire. Il nous faut prendre des clichés afin de déterminer à quelle profondeur a pénétré la balle.

— Je me charge d’emmener Hask en salle de radio, acquiesce Hernandez, puis je le préparerai pour l’opération. Paul, poursuit-elle en désignant le Noir qui s’était porté volontaire quelques secondes plus tôt, veuillez accompagner Stant à la réserve de matériel afin qu’il fasse son choix.

L’intervention elle-même sera vite expédiée. À l’évidence, Stant est un chirurgien chevronné – tellement chevronné que Frank, qui assiste à l’opération depuis la galerie d’observation au milieu d’un public nombreux, se fait la réflexion qu’il est très capable d’avoir disséqué le corps de Clete.

Très peu de sang a coulé, bien que Stant ait dû inciser profond. Les médecins qui entourent Frank s’amusent de sa manière de procéder : de sa main dorsale, il tient les radios devant sa deuxième paire d’yeux tout en maniant le scalpel de son autre main. Il lui faut à peine huit minutes pour extraire la balle. L’ayant saisie avec une pince, il la laisse tomber dans la cuvette en inox que lui tend le docteur Hernandez.

— Comment faites-vous pour refermer une incision ? demande Stant.

Frank a du mal à distinguer ses paroles, tant les haut-parleurs grésillent.

— À l’aide d’une suture, répond Hernandez. On recoud les bords de la plaie.

Stant reste silencieux durant quelques secondes, peut-être horrifié par la barbarie d’une telle pratique.