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Lan fit signe aux braves du Shienar de frapper les premiers. Chevauchant au coude à coude, ces cavaliers laissaient à peine l’espace de trois pieds entre chaque équidé.

Un espace insuffisant pour que les monstres s’enfuient ou évitent la charge. Du coup, les cavaliers les piétinèrent, les embrochèrent avec leur lance ou les criblèrent de carreaux.

Puis ils dégainèrent leur épée longue.

Il semblait y avoir quelque chose de vicieux dans la façon d’attaquer de ces hommes en armure et en heaume ouvert sur le devant.

Lan lança la cavalerie du Malkier dans le sillage de sa force de frappe. L’idée, bien entendu, était d’achever tous les Trollocs qui auraient pu survivre au choc initial.

Leur mission accomplie, les cavaliers du Shienar s’écartèrent sur la droite afin de revenir sur leurs pas pour lancer un nouvel assaut. Mais les guerriers de l’Arafel déboulèrent, massacrant tous les Trollocs qui tentaient de se regrouper.

Les soldats du Saldaea chargèrent à leur tour alors que ceux du Kandor se préparaient déjà à les relayer.

Le front lustré de sueur et le bras en capilotade, Lan se prépara à un nouvel assaut. Tournant la tête, il vit que le prince Kaisel en personne portait l’étendard du Malkier. Ce garçon était jeune, mais son cœur se révélait vaillant. Cela dit, au sujet des femmes, il se montrait d’une rare stupidité.

Certes, mais sur ce point, ne sommes-nous pas tous idiots, d’une manière ou d’une autre ? se demanda Lan.

Les émotions très distantes de Nynaeve, dans le lien, lui redonnèrent du cœur au ventre. De si loin, il ne captait pas grand-chose, sinon l’inébranlable détermination de son épouse.

Alors que Lan chargeait pour la deuxième fois, le sol explosa au milieu de ses hommes. Ayant enfin compris ce qui se passait, les Seigneurs de la Terreur étaient revenus en première ligne.

Lan fit contourner à Mandarb un cratère qui venait juste de s’ouvrir devant eux.

L’arrivée des Seigneurs de la Terreur marquait la fin des charges alternées. Lan aurait aimé continuer, frapper dur puis se retirer. Mais pour combattre les Seigneurs, il aurait dû engager dans l’opération toutes ses forces « spéciales », et il ne voulait surtout pas en arriver là.

— Par le sang et les cendres ! jura Deepe alors que Lan contournait un nouveau cratère. Seigneur Mandragoran ?

Lan regarda derrière lui et vit que l’Asha’man unijambiste tirait sur les rênes de son cheval.

— Continue d’avancer, mon vieux ! lui cria Lan en tirant sur les rênes de Mandarb.

Il fit signe aux autres de continuer aussi. Pourtant, le prince Kaisel et ses gardes rapprochés s’arrêtèrent derrière lui.

— Par la Lumière ! grogna Deepe en se concentrant de nouveau.

Lan balaya la scène du regard. Autour d’eux, des Trollocs agonisaient en criant ou en gémissant et d’autres ne bougeaient plus. Sur la gauche, cependant, la horde de Créatures des Ténèbres se reformait. Bientôt, elle aurait constitué un front solide. Si Lan et les autres ne bougeaient pas, ils risquaient de se retrouver isolés sur le champ de bataille.

Près de Lan, Deepe rivait les yeux sur une silhouette debout en haut de ce qui semblait être un grand engin de siège. Posée sur un socle plat, la machine mesurait au bas mot six pieds de haut. Des Trollocs la poussaient, la faisant avancer sur des énormes roues.

Oui, il y avait bien quelqu’un là-haut. Et l’étrange engin de guerre n’était pas le seul dans son genre… Des boules de feu, partant de là, commencèrent à pleuvoir sur les Frontaliers et des éclairs s’abattirent du ciel. Soudain, Lan se sentit comme une cible sur un champ de tir à l’arc.

— Deepe !

— C’est le M’Hael ! s’écria l’Asha’man.

Taim n’avait pas été avec l’armée adverse depuis une bonne semaine. Mais voilà qu’il revenait, semblait-il. De si loin, c’était impossible à dire à coup sûr, mais les gestes rageurs de l’homme, qui expédiait tissage sur tissage, montraient qu’il était furieux à cause de… quelque chose.

— En avant ! cria Lan.

— Je peux l’avoir ! lança Deepe. Je…

Un éclair zébra l’air et Mandarb se cabra. Rageur, Lan cligna des yeux pour chasser les points lumineux qui y dansaient. En plus, quelque chose clochait avec ses oreilles…

Mandarb tremblait de terreur. Pour le mettre dans cet état, il en fallait beaucoup… Mais un éclair, si près, aurait déstabilisé n’importe quel cheval. Un deuxième fit basculer Lan de sa selle. Il se releva, titubant, et grogna. Pourtant, au plus profond de lui-même, quelque chose savait que faire. Quand il reprit ses esprits, il était déjà en position de combat, épée au poing.

Des mains le saisirent par les épaules et le hissèrent en selle. Le visage maculé de sang, le prince Kaisel avait pris les rênes de Mandarb. Le garde du corps de Lan s’assura qu’il tenait bien en selle avant de le laisser repartir.

Jetant un coup d’œil par-dessus son épaule, Lan aperçut le cadavre déchiqueté de Deepe.

17

En plus vieux et plus buriné

— … N’a pas porté ses fruits, Majesté, entendit Mat dans son demi-sommeil.

Quelque chose lui titillait la joue. Ce matelas était le pire sur lequel il avait jamais dormi. Le fichu aubergiste aurait intérêt à lui rendre son argent, s’il ne voulait pas qu’il lui en cuise.

— Le tueur est très difficile à pister, continua l’agaçante voix. Les gens qu’il croise ne se souviennent pas de lui. Si le Prince des Corbeaux sait comment on peut traquer une créature pareille, j’aurai plaisir à l’écouter.

Maudit aubergiste ! Pourquoi avait-il laissé n’importe qui entrer dans sa chambre ? Parti d’un adorable rêve où figurait Tuon – dans un monde où les soucis n’existaient pas –, le jeune flambeur revenait peu à peu à la conscience. Il ouvrit son œil unique et observa le ciel plombé. Rien à voir avec le plafond d’une chambre.

Fichu sang et maudites cendres !

Ils s’étaient endormis dans les jardins !

Mat s’assit et découvrit qu’il était nu comme un ver, à part le foulard, autour de son cou. Autour de lui, il avisa ses vêtements et ceux de Tuon. Quant à ce qui lui titillait la joue, c’était une ortie.

Assise près de lui, pas le moins du monde gênée par sa nudité, Tuon parlait avec Musenge. Le capitaine avait la tête baissée et les yeux rivés sur le sol, mais quand même !

— Lumière ! s’écria Mat en voulant saisir ses habits.

Mais Tuon était assise sur sa chemise, et elle ne manifesta pas l’intention de bouger d’un pouce.

— Très Honoré, je te salue, dit Musenge. Que ton réveil soit agréable.

— Tuon, pourquoi es-tu assise là ? demanda Mat avant d’extraire enfin sa chemise de sous cette délicieuse croupe.

— Étant mon consort, tu peux m’appeler Fortuona ou Majesté. Je détesterais devoir te faire exécuter avant que tu m’aies donné un enfant. D’autant plus que je m’attache à toi… Quant à Musenge, il appartient à la Garde de la Mort. En d’autres termes, il a pour mission de veiller sur moi en permanence. Souvent, l’un ou l’autre de ces hommes reste avec moi quand je prends un bain. Tu remarqueras cependant qu’il ne regarde pas.

Mat s’habilla à la hâte. Tuon l’imita, mais beaucoup trop lentement à son goût. Qu’un type reluque sa femme ne lui disait rien de bon.

L’endroit où ils avaient dormi était semé d’aiguilles de sapin – un arbre exotique, dans le Sud, peut-être choisi justement pour ça. Même si les aiguilles étaient ternies, une frondaison de ce genre offrait une certaine intimité. Au-delà, il y avait un cercle d’arbres plus classiques. Des pêchers, aurait parié Mat, même si c’était difficile à dire sans les feuilles.