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— Mère, salua-t-il avant de venir embrasser la bague d’Egwene.

— La bataille se déroule toujours bien, annonça la Chaire d’Amyrlin avec un petit bonjour de la main pour Siuan. Nous tenons bien le choc. Tu as des plans d’attaque, paraît-il ?

— On ne peut pas rester ici pour l’éternité, mère. Elayne m’a demandé de réfléchir à une percée au Kandor, et je pense qu’elle a raison. Mais je redoute que les Trollocs se replient dans les collines et se réorganisent. Tu as remarqué qu’ils récupèrent chaque nuit de plus en plus de cadavres ?

— Oui.

Gawyn sentit le mécontentement de son Aes Sedai. Elle aurait aimé que les sœurs aient assez de ressources, le soir, pour carboniser toutes les charognes de monstres.

— Ils collectent de la nourriture, dit Bryne. Ils pourraient décider de partir vers l’est avec l’idée de nous contourner. Il faut que nous les gardions ici, ce qui implique peut-être une charge dans leurs collines. Dans des conditions normales, ce serait un quasi-suicide, mais là…

Bryne approcha de son portail et étudia le front.

— Tes Aes Sedai dominent nos ennemis, mère. Je n’ai jamais vu une chose pareille.

— Ce n’est pas pour rien que le Ténébreux a fait son possible pour détruire la Tour Blanche. Il savait. La tour est en mesure de gérer seule cette guerre.

— Il faut quand même se méfier des Seigneurs de la Terreur, dit Siuan en continuant de trier des documents.

Les rapports des éclaireurs, supposa Gawyn. Même s’il lui avait jadis laissé la vie sauve, il ne savait pas grand-chose sur Siuan Sanche. Mais Egwene la lui avait décrite comme une femme assoiffée d’informations.

— Oui, ils viendront tôt ou tard, approuva Egwene.

— Au sujet de la Tour Noire, demanda Bryne, te fies-tu aux propos de Lan Mandragoran ?

— Les yeux fermés, dit Elayne.

— Des Asha’man dans le camp adverse… Pourquoi le Dragon Réincarné n’aurait-il rien fait ? Si tous les hommes en noir se rallient aux Ténèbres…

Egwene secoua la tête.

— Bryne, je veux que tu envoies des cavaliers dans la zone, autour de la Tour Noire, où on peut encore ouvrir des portails. Qu’ils contactent les sœurs qui campent à l’extérieur du complexe.

— Tu veux qu’elles attaquent ?

— Non, qu’elles reculent assez loin pour pouvoir Voyager, et qu’elles nous rejoignent ici. On ne peut plus attendre. Il faut qu’elles soient là !

Egwene tapota la table du bout d’un index.

— Taim et ses Seigneurs de la Terreur viendront ici. Jusque-là, ils se sont concentrés sur le combat contre Lan Mandragoran. Du coup, ils dominent là-bas comme nous dominons ici. Je vais envoyer plus de sœurs aux Frontaliers. Un jour ou l’autre, nous devrons affronter Taim.

Gawyn ne dit rien mais il pinça les lèvres. Moins de sœurs ici, ça impliquait plus de travail pour Egwene et celles qui resteraient.

— Maintenant, dit la Chaire d’Amyrlin, j’ai besoin de… (Elle jeta un coup d’œil à Gawyn et marqua une pause.) J’ai besoin de repos. Si ma présence est requise, venez me chercher… Par la Lumière ! Je ne sais pas où je dormirai ce soir. Gawyn ?

— J’ai prévu la tente de Maerin Sedai. Elle est d’astreinte cette nuit, ce qui te permettra d’être en paix quelques heures.

— Sauf si on a besoin de moi, rappela Egwene à son mari.

Elle se dirigea vers le rabat du pavillon.

— Sauf si on a besoin de toi, répéta docilement Gawyn.

Mais il secoua la tête à l’intention de Bryne et de Siuan.

Le général lui répondit d’un sourire. Sur un champ de bataille, peu de choses exigeaient la présence de la Chaire d’Amyrlin. Pour ces détails-là, le Hall avait toute autorité.

Une fois hors du pavillon, Egwene soupira et secoua la tête. Gawyn la prit par la taille, lui permettant de s’appuyer contre lui. Elle céda à la tentation, mais s’écarta très vite, puis afficha le masque de marbre de la Chaire d’Amyrlin.

Elle est si jeune, et on lui en demande tant…

Cela dit, Egwene était à peine plus jeune qu’al’Thor…

Gawyn fut ravi – et un peu surpris – que penser à cet homme n’éveille plus sa colère. Al’Thor avait une bataille à livrer. Et ses actes ne regardaient pas le Champion de la Chaire d’Amyrlin.

Quand Gawyn eut guidé Egwene jusqu’au secteur « Ajah Vert » du camp, plusieurs Champions la saluèrent respectueusement.

Maerin bénéficiait d’une grande tente. Comme toutes les Aes Sedai, elle était autorisée à y faire venir tout ce qu’elle voulait, tant qu’elle ouvrait elle-même les portails et chargeait ses Champions de transporter le matériel, qu’il s’agisse de meubles ou d’autres choses.

Si l’armée devait bouger très vite, tout ça serait bien entendu abandonné. Du coup, beaucoup de sœurs s’étaient montrées très raisonnables… Mais d’autres, rétives à l’austérité, n’avaient pas lésiné. Maerin était du lot.

Leilwin et Bayle Domon attendaient devant la tente. Chargés d’informer Maerin Sedai que son fief lui était emprunté, ils lui avaient également précisé de ne surtout pas révéler par qui. Ce secret pouvait être découvert si quelqu’un se renseignait dans le coin – Egwene et Gawyn n’avaient rien fait pour se cacher pendant qu’ils venaient ici –, mais si une personne demandait partout où dormirait la Chaire d’Amyrlin, elle attirerait l’attention sur elle.

C’était la meilleure protection que Gawyn pouvait assurer, puisque sa femme ne voulait pas Voyager tous les soirs.

Dès qu’elle vit Leilwin, l’humeur d’Egwene se gâta, son Champion le sentit dans le lien.

— Tu disais vouloir la garder à l’œil, souffla Gawyn.

— Oui, mais je n’aime pas qu’elle sache où je dors. Si des tueurs viennent, elle risque d’être la première à les guider jusqu’à moi.

Gawyn résista à l’envie de polémiquer. Egwene était une femme intelligente et intuitive, mais dès qu’il s’agissait des Seanchaniens, elle perdait son sang-froid. Son mari, en revanche, se fiait à Leilwin. À ses yeux, elle était franche et directe.

— Je la surveillerai, promit-il.

Egwene inspira à fond, se calma et passa devant la Seanchanienne sans lui dire un mot. Gawyn ne la suivit pas sous la tente.

— La Chaire d’Amyrlin semble décidée à ne pas me laisser la servir, dit Leilwin avec son accent traînant typique.

— Elle ne te fait pas confiance, dit Gawyn sans tourner autour du pot.

— Les serments pèsent-ils si peu de ce côté de l’océan ? demanda Leilwin. Je lui ai juré fidélité – une parole que même un Muyami se sentirait obligé de tenir.

— Un Suppôt, lui, se fiche des serments.

Leilwin regarda froidement Gawyn.

— Pour la Chaire d’Amyrlin, tous les Seanchaniens sont des Suppôts, j’en ai peur…

Gawyn haussa les épaules.

— Vous l’avez battue, incarcérée puis traitée comme un animal en lui mettant un collier.

— Moi, je n’ai rien fait de tout ça. Si un boulanger te vent un pain infect, croiras-tu que tous les membres de cette profession désirent t’empoisonner ? Bon, oublions ça, c’est du temps perdu. Si je ne peux pas la servir, je me rabattrai sur toi. As-tu mangé aujourd’hui, Champion ?

Gawyn hésita. Quand avait-il avalé quelque chose pour la dernière fois ? Ce matin ? Non, il était trop pressé d’aller se battre. Comme un fait exprès, son estomac grommela.

— Je sais que tu ne la laisseras pas, surtout sous la surveillance d’une Seanchanienne. Viens, Bayle. Allons chercher de quoi dîner à ce fou, histoire qu’il ne tombe pas dans les pommes face à un tueur.

Leilwin s’éloigna, son colosse de mari à sa traîne. Par-dessus son épaule, le type jeta à Gawyn un regard qui aurait fait fondre de l’acier.