Выбрать главу

À partir de là… Eh bien, elle espérait que ça suffirait à contrôler la majorité de ces hommes. Par la Lumière, quel drame ! Des mâles capables de canaliser allant et venant sans complexe !

Lyrelle ne croyait pas une minute que la Source avait été purifiée. Mais bien entendu, ces Asha’man le répéteraient en boucle.

— Parfois, je voudrais revenir en arrière et me gifler pour me punir d’avoir accepté cette mission.

Myrelle sourit de cette déclaration de Lyrelle. Comme d’habitude, elle ne prenait pas les événements au sérieux.

Lyrelle, pour sa part, se désolait d’avoir été absente de la Tour Blanche si longtemps. La réunification, le combat contre les Seanchaniens… Dans des circonstances pareilles, une femme pouvait démontrer qu’elle était faite pour commander.

Les occasions se présentaient en des temps troublés, c’était bien connu. Et elle en avait laissé filer beaucoup. Lumière ! Cette idée la rendait malade.

— Nous allons entrer ! lança-t-elle à l’intention des hommes postés derrière le portail du complexe.

Baissant le ton, elle continua à la seule intention de ses sœurs.

— Unissez-vous à la Source et soyez prudentes. Nous ne savons pas ce qui peut se passer…

Si on en venait là, les sœurs feraient le poids face à un grand nombre d’Asha’man mal entraînés. Mais en principe, il ne devrait pas y avoir d’affrontement. Sauf qu’il fallait s’attendre à tout, avec des fous. Penser qu’ils se comporteraient logiquement était un pari très risqué.

Le grand portail s’ouvrit pour laisser passer les sœurs.

Avant même d’avoir construit leur tour, ces hommes en noir avaient pris soin d’ériger un mur d’enceinte. Selon Lyrelle, ça en disait long sur leur délabrement mental.

Elle talonna son cheval, Myrelle et les autres la suivant dans un martèlement de sabots. Unie à la Source, Lyrelle recourut au nouveau tissage qui permettait de savoir si un mâle était en train de canaliser dans les environs.

Quelqu’un vint les accueillir, mais ce ne fut pas le jeune homme qu’elles avaient vu un peu plus tôt.

— Qu’est-ce que ça signifie ? demanda Lyrelle quand elle reconnut Pevara Tazanovni.

Elle connaissait très vaguement cette représentante rouge.

— On m’a demandé de vous accompagner, dit Pevara, très détendue. Logain a pensé qu’un visage familier vous mettrait à l’aise.

Lyrelle se retint de grogner. Une Aes Sedai ne devait pas se montrer… guillerette ainsi. Son devoir était d’être calme, sur la retenue et – au minimum – austère. Dès qu’il posait les yeux sur elle, tout homme devait se demander ce qu’il avait fait de mal et comment il pouvait s’amender.

Pevara vint chevaucher à côté de Lyrelle pendant la traversée du terrain de la Tour Noire.

— Logain te salue bien bas, dit Pevara. C’est lui, le chef, à présent. Grièvement blessé pendant l’attaque, il n’est pas encore rétabli.

— Il s’en remettra ?

— Certainement, oui ! Il devrait aller bien d’ici un jour ou deux. Quand ils se joindront à l’Ultime Bataille, les Asha’man auront besoin d’un chef.

Dommage, pensa Lyrelle.

La Tour Noire aurait été plus facile à contrôler si elle n’avait pas eu un faux Dragon à sa tête. Hélas, Logain n’était pas mort…

— Je suis sûre que son aide sera précieuse, dit Lyrelle. Son autorité, en revanche… Eh bien, nous verrons… Explique-moi un peu, Pevara. J’ai entendu dire que lier un homme capable de canaliser et établir le lien avec un mâle normal était différent. Tu as fait cette expérience ?

— Oui.

— Et c’est vrai ? Un homme ordinaire, on peut le faire obéir via le lien, mais pas un Asha’man ?

Pevara eut un sourire presque mélancolique.

— Ah, ce serait bien pratique, mais c’est non : le lien ne peut pas contraindre un Asha’man à obéir. Il faut recourir à des moyens plus inventifs.

Très mauvais, ça, pensa Lyrelle.

— Et quand on y arrive, demanda Aledrin, qui chevauchait sur l’autre flanc de Lyrelle, jusqu’à quel point sont-ils dociles ?

— Ça dépend de chaque individu, je crois…

— Si on ne peut pas les contraindre, insista Lyrelle, est-ce qu’ils obéissent au moins à leur Aes Sedai pendant une bataille ?

— Probablement, répondit Pevara.

Un choix de mot plutôt ambigu, trouva Lyrelle.

— Mais je dois vous dire quelque chose à toutes, continua Pevara. La mission qu’on m’a confiée, comme à vous, est d’une parfaite stupidité.

— Vraiment ? demanda Lyrelle, très calme. Pourquoi donc ?

Après ce que les sœurs rouges avaient infligé à Siuan, elle n’était pas disposée à leur faire confiance.

— Naguère, j’étais comme vous, anxieuse de lier tous les Asha’man afin de les contrôler. Mais iriez-vous dans une ville inconnue pour y sélectionner cinquante hommes – au doigt mouillé – et les prendre pour Champions ? Lier les Asha’man pour le simple plaisir de les lier est ridicule. En tout cas, ça ne les rendra pas plus contrôlables. Je suis persuadé que certains d’entre eux feront d’excellents Champions. Mais comme avec tous les hommes, d’autres seraient terriblement mauvais. Je vous suggère de renoncer à votre plan – en prendre très exactement quarante-sept – et de choisir ceux qui sont désireux d’être liés. Vous y gagnerez de bien meilleurs Champions.

— Un conseil intéressant, dit Lyrelle. Mais comme tu l’as mentionné, nous aurons besoin des Asha’man sur tous les champs de bataille. Le temps manque pour finasser. Nous prendrons les quarante-sept plus puissants.

Pevara soupira mais ne fit aucun commentaire alors qu’elles dépassaient plusieurs hommes qui arboraient deux insignes sur le col de leur veste noire.

Lyrelle en eut des fourmis dans les bras – comme si de vrais insectes grouillaient sous sa peau. Des hommes capables de canaliser !

Selon Lelaine, la Tour Noire était vitale pour les plans de la Blanche. Certes, mais Lyrelle n’était pas la marionnette de Lelaine. Elle était une femme libre, et une représentante du même niveau que toutes les autres. Si elle trouvait un moyen de contrôler la Tour Noire, elle pourrait échapper enfin à la tutelle de Lelaine.

Pour une telle récompense, lier des Asha’man valait la peine. D’accord, mais ça ne voulait pas dire qu’elle aimerait ça. Cela posé, il faudrait que tous ces hommes soient sous contrôle, d’une façon ou d’une autre.

Rendu fou par la souillure, le Dragon serait incontrôlable. Mais ne pourrait-on pas le manipuler pour qu’il autorise que tous les Asha’man soient liés ?

Mais ne pas pouvoir contraindre via le lien serait dangereux.

En revanche, Lyrelle se voyait très bien aller au combat avec vingt ou trente Asha’man, tous liés et soumis à sa volonté. Comment pourrait-elle réussir ça ?

Les cavalières arrivèrent devant une rangée d’hommes en veste noire qui les attendaient à la lisière du village.

Lyrelle les compta rapidement pendant qu’elle approchait. Quarante-sept, en incluant celui qui se tenait devant les autres. Quel tour voulaient leur jouer ces hommes ?

Le premier d’entre eux avança. D’âge mûr, de constitution robuste, il semblait avoir très récemment traversé une rude épreuve. Des poches sous les yeux, le teint pâle, il marchait cependant d’un pas assuré et son regard, quand il croisa celui de Lyrelle, exprimait une détermination d’acier.

Ensuite, il s’inclina devant elle.

— Bienvenue, Aes Sedai, dit-il.

— À qui ai-je l’honneur ?

— Androl Genhald. Je suis à la tête de tes quarante-sept, jusqu’à ce qu’ils aient été liés.

— Mes quarante-sept ? Je vois que tu as oublié les termes du contrat. On doit nous permettre de sélectionner tout Soldat ou dédié qui nous intéresse, et il n’aura pas le droit de refuser.