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— C’est vrai, concéda Androl. Hélas, à part ceux-là, tous les hommes présents à la Tour Noire sont des Asha’man accomplis. Les autres Soldats ou dédiés ont été amenés à s’absenter pour des raisons urgentes. S’ils avaient été là, ils auraient bien entendu obéi aux ordres du Dragon. Par bonheur, nous avons réussi à garder quarante-sept candidats ici. Quarante-six, en réalité, car je suis déjà lié à Pevara Sedai.

— Nous attendrons le retour des autres, lâcha froidement Lyrelle.

— Manque de chance, j’ai peur qu’ils ne reviennent pas avant longtemps. Si tu veux participer à l’Ultime Bataille, tu devras faire ton choix très vite.

Lyrelle plissa les yeux à l’intention d’Androl, puis elle regarda Pevara, qui haussa les épaules.

— C’est une arnaque, dit Lyrelle à l’Asha’man. Enfantine, qui plus est…

— Moi, je la trouve plutôt intelligente, répliqua Androl, glacial. Digne d’une Aes Sedai, si j’ose dire ! On vous a promis que tous les membres de la Tour Noire seraient à votre disposition, sauf les Asha’man accomplis. Et ce sera le cas. Pour tous les hommes présents, du moins.

— Sans nul doute, tu as choisi les plus faibles d’entre tous.

— En réalité, nous avons pris ceux qui se sont portés volontaires. Des hommes de qualité, du premier jusqu’au dernier. Ce sont ceux qui ambitionnent de devenir des Champions.

— Le Dragon Réincarné entendra parler de cette histoire.

— D’après ce que je sais, fit Androl, en ce moment même, il est en route pour le mont Shayol Ghul. Tu comptes l’y rejoindre pour te plaindre de nous ?

Lyrelle pinça les lèvres.

— Voici où en sont les choses, Aes Sedai. Aujourd’hui, le Dragon Réincarné nous a envoyé un message. Dedans, il nous demande d’apprendre une dernière leçon : nous ne devons pas penser à nous comme à des armes, mais comme à des hommes. Parce que les hommes peuvent choisir leur destin, à l’inverse des armes. Voici tes hommes, Aes Sedai. Respecte-les.

Androl s’inclina de nouveau et s’éloigna. Pevara hésita, puis elle le suivit. Alors que la sœur rouge regardait l’Asha’man, Lyrelle vit s’éclairer son visage.

C’est donc ça ? Pas meilleure qu’une sœur verte, Pevara ! J’espérais mieux d’une femme de ton âge.

Lyrelle fut tentée de ne pas entrer dans ce jeu. Elle pouvait retourner voir la Chaire d’Amyrlin et se plaindre. Sauf que… Eh bien, les nouvelles au sujet du front d’Egwene se révélaient inquiétantes. On parlait de l’apparition d’une armée inconnue. Aucun détail n’était disponible.

Dans cette situation, la dirigeante n’aurait sûrement pas envie d’écouter des récriminations. D’autant plus qu’il devait aussi lui tarder d’en avoir fini avec la Tour Noire.

— Deux Champions pour chacune, lança Lyrelle à ses compagnes. Sauf pour une poignée de sœurs. Faolain et Theodrin, vous serez dans ce petit groupe. Bon, on se dépêche, maintenant ! Je veux partir d’ici le plus vite possible.

Pevara rattrapa Androl au moment où il entrait dans une cabane.

— Lumière, soupira-t-elle. J’avais oublié à quel point certaines d’entre nous sont glaciales.

— Oh, je ne sais pas trop…, fit Androl. On dit que quelques sœurs ne sont pas si mal.

— Méfie-toi de ces femmes, dit Pevara en jetant un regard dehors. Beaucoup te verront comme une menace ou un outil à utiliser.

— Nous les convaincrons qu’elles se trompent, dit Androl en entrant dans une pièce où Canler, Jonneth et Emarin attendaient, une tasse d’infusion fumante à la main.

Tous les trois, ils commençaient à se remettre du combat. Jonneth était presque rétabli. Emarin, en revanche, arborait les plus graves cicatrices – émotionnelles, pour la plupart. Comme Logain, il avait subi le protocole de conversion.

Pevara avait remarqué qu’il regardait souvent dans le vide, les traits marqués par la peur. L’expérience n’avait pas dû être agréable.

— Vous ne devriez pas être là, dit Pevara aux trois hommes. Je sais que Logain vous a promis de l’avancement, mais pour l’instant, sur votre col, vous n’avez que l’épée. Si une de ces femmes vous voit, elle pourra vous lier.

— Elles ne nous verront pas ! assura Jonneth, très jovial. Androl nous ferait passer par un portail avant que nous ayons pu dire « ouf ».

— C’est bien beau, tout ça, dit Canler, mais qu’allons-nous faire ?

— Tout ce que Logain nous demandera, répondit Androl.

Depuis sa captivité, Logain avait changé. Androl affirmait même qu’il était plus sombre, désormais. Moins prolixe, aussi. S’il semblait toujours aussi déterminé à participer à l’Ultime Bataille, il se contentait pour le moment d’étudier tout ce qu’on avait trouvé dans les appartements de Taim.

Pevara n’excluait pas l’idée que la conversion l’ait brisé intérieurement.

— Il pense découvrir quelque chose dans les cartes qu’il a trouvées dans la chambre de Taim, dit Emarin.

— Nous irons là où Logain jugera bon que nous soyons, dit Androl histoire de clore le débat.

Une déclaration claire et nette, mais qui, en réalité, n’en disait pas très long.

— Et le seigneur Dragon, que devient-il là-dedans ? demanda Pevara d’un ton presque serein.

Elle sentit le doute germer dans l’esprit d’Androl. L’Asha’man Naeff venait d’entrer, apportant des nouvelles et des ordres – et en même temps, des… conséquences. Le Dragon savait-il que tout ne se passait pas bien à la Tour Noire ?

— Il nous a abandonnés délibérément, grommela Androl.

— S’il avait pu venir, objecta Jonneth, il aurait été là, je te le jure.

— Il nous a laissé le choix entre vaincre tout seuls, dit Emarin, ou crever ici tout aussi seuls. Il est devenu très dur. Insensible, peut-être même…

— Aucune importance ! fit Androl. La Tour Noire a appris à survivre sans lui. Lumière ! Elle a toujours vécu ainsi. C’est Logain qui nous a rendu l’espoir. Donc, c’est à lui qu’ira mon allégeance.

Les autres acquiescèrent. Soudain, Pevara sentit que quelque chose d’important se passait.

Ils n’auraient pas pu compter longtemps sur lui, de toute façon. Lors de l’Ultime Bataille, le Dragon Réincarné mourra.

Que ce soit volontaire ou non, il leur avait donné l’occasion d’être des hommes libres.

— Cependant, fit Androl, je respecterai à la lettre son dernier ordre. Pas question d’être des armes. La souillure n’existe plus et nous ne nous battons pas pour mourir, mais pour vivre. Car nous avons une raison d’exister. Qu’on fasse passer le mot à tous les autres combattants. Quant à nous, jurons de soutenir Logain, notre nouveau chef. Puis filons participer à l’Ultime Bataille. Pas en tant que sbires du Dragon, ni de pions entre les doigts de la Chaire d’Amyrlin, mais comme de fiers membres de la Tour Noire. Des hommes libres !

— Des hommes libres ! approuvèrent les trois autres Asha’man.

22

Le wylde

Quand Gawyn lui plaqua une main sur la bouche, Egwene se réveilla en sursaut. Elle se tendit, les souvenirs lui revenant comme les premières lueurs d’un lever de soleil.

Avec Gawyn, ils se cachaient toujours derrière la charrette renversée. Autour d’eux, le décor était noir comme du charbon et l’odeur du bois brûlé prenait à la gorge.

La nuit tombée, Egwene ne savait toujours pas quoi faire.

Elle regarda Gawyn et hocha la tête. S’était-elle vraiment endormie ? Ça semblait presque impossible, dans des circonstances pareilles.

— Je vais essayer de filer, souffla Gawyn, pour créer une diversion.