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Mais qu’il avait trouvé à la Tour Noire.

Il repoussa la peur. Que la Lumière brûle les ombres ! De nouveau connecté à la Source, il sentit le saidin déferler en lui. Se redressant, il soutint le regard de Coteren.

Le grand type sourit et se connecta lui aussi à la Source. Mezar fit de même, et Welyn restait campé dans le dos d’Androl.

Inquiet, Nalaam marmonnait entre ses dents. Bien que connecté à la Source, Canler avait l’air battu d’avance.

Tout le Pouvoir qu’Androl pouvait absorber se déversa en lui. Comparé au torrent qui submergeait les autres, c’était un mince filet. Dans l’auberge, il était l’homme le plus faible. Même le dernier des nouveaux venus pouvait faire mieux que lui.

— Alors, tu vas te décider, mon gars ? fit Coteren. Je leur ai dit de te laisser parce que je savais que tu tenterais quelque chose. Je voulais en profiter moi-même, petit laquais. Allez, frappe ! Voyons ça !

Androl tendit les mains avec l’idée d’ouvrir un portail – la seule chose qu’il savait faire. Dans son cas, c’était indépendant des tissages. Une affaire entre le Pouvoir et lui. Intime et instinctive.

Essayer d’ouvrir un portail, en cet instant, revenait à vouloir escalader une muraille de verre avec ses seuls ongles pour s’accrocher. Il lutta quand même, s’acharnant… Mais rien ne se passa. Pourtant, il se sentait si près de réussir. Un petit effort de plus, et…

Les ombres s’allongèrent et la panique revint. Les dents serrées, Androl saisit l’insigne, à son col, et l’arracha. Puis il le laissa tomber aux pieds de Coteren.

Dans la salle, personne n’osa dire un mot.

Alors, enfouissant sa honte sous une montagne de détermination, Androl se coupa de la Source et passa entre Mezar et Coteren. Nerveux, Nalaam, Canler et Pevara le suivirent.

La pluie ramena Androl à la réalité. La perte de cet insigne, il la ressentait comme celle d’une main…

— Androl, souffla Nalaam, je suis navré…

Le tonnerre gronda. Dans la rue non pavée, les quatre compagnons pataugeaient dans la gadoue.

— Aucune importance, lâcha Androl.

— Nous aurions peut-être dû nous battre, dit Nalaam. Certains jeunes gars de Deux-Rivières nous auraient soutenus. D’autres aussi… Tous ne sont pas dans la poche de Taim. Un jour, avec mon père, nous avons combattu six Chiens des Ténèbres. Que la Lumière brûle ma tombe si je mens ! Si nous avons survécu à ça, des caniches de Taim ne devraient pas nous faire peur.

— Ç’aurait été un massacre, souffla Androl.

— Mais…

— Un massacre ! insista Androl. Nalaam, pas question de leur laisser choisir le champ de bataille !

— Y aura-t-il seulement une bataille ? demanda Canler.

— Ils tiennent Logain, rappela Androl. Sinon, ils ne se vanteraient pas comme ça. Sans lui, tout s’écroule – notre dissidence et nos chances d’unifier la Tour Noire.

— Donc…

— Donc, nous allons sauver Logain, conclut Androl. Ce soir.

À la lueur tamisée d’un globe de saidin, Rand travaillait au cœur de la nuit. Avant sa visite au pic du Dragon, il évitait d’utiliser le Pouvoir pour des tâches quotidiennes. Se connecter le rendait malade et manier le Pouvoir le… révoltait de plus en plus.

Depuis, tout avait changé. Le saidin était une part de lui-même dont il n’avait rien à redouter, grâce à l’élimination de la souillure. Plus important encore, il devait cesser de penser à lui et au saidin comme à une arme. Car ils étaient tous deux bien plus que ça…

Dès qu’il le pouvait, il s’éclairait avec des globes lumineux. Et il avait l’intention d’apprendre l’art de guérir auprès de Flinn. Pour ça, il était médiocrement doué, mais un thérapeute, même moyen, pouvait sauver la vie d’un blessé.

Bien trop souvent, Rand avait utilisé ce miracle qu’était le Pouvoir – un merveilleux cadeau – pour détruire et pour tuer. Fallait-il s’étonner que les gens le regardent avec des yeux ronds de terreur ? Sur ce point, qu’aurait dit Tam ?

Je devrais le lui demander…, pensa Rand tout en rédigeant une courte note à sa propre intention.

Il était encore difficile d’assimiler que Tam était à ses côtés, à un camp de là. Un peu plus tôt, il avait dîné avec lui. Un moment un peu étrange, mais pas plus qu’il convenait quand un roi invitait son « solide paysan » de père à partager un repas. Les deux hommes en avaient ri ensemble – de quoi faire remonter en flèche le moral du Dragon Réincarné.

Rand avait laissé Tam retourner dans le camp de Perrin, où il bénéficiait d’un quasi-anonymat. Être couvert d’honneurs et de richesses parce qu’il était le père du Dragon n’intéressait pas Tam al’Thor. Sa volonté, c’était de rester ce qu’il était depuis toujours : un homme loyal et fiable, mais surtout pas un seigneur.

Rand s’intéressa de nouveau au document posé devant lui. Des fonctionnaires, à Tear, l’avaient conseillé sur le langage à utiliser. À part ça, le texte était de sa main, car il ne se serait fié à celle de personne d’autre.

Était-il trop prudent ? Eh bien, ce que ses ennemis ne connaissaient pas, ils ne pouvaient pas œuvrer à le saboter. Après que Semirhage l’eut presque capturé, il était devenu trop méfiant. À présent, il l’admettait. Mais quand on avait gardé tant de secrets par-devers soi, il était difficile de tout exposer au grand jour.

Il relut le texte depuis le début. Jadis, Tam l’avait chargé d’examiner une clôture en quête de points faibles. Il l’avait fait, mais à son retour, son père lui avait assigné la même mission.

Il avait fallu trois fois pour qu’il repère le poteau qu’on devait absolument remplacer. Aujourd’hui encore, il ignorait si Tam s’en était aperçu avant de lui confier la tâche ou s’il avait fait montre de sa prudence habituelle.

Ce document était bien plus important qu’une clôture. Du coup, Rand comptait passer la nuit à le relire, à l’affût de problèmes cachés.

Hélas, il avait du mal à se concentrer. Les femmes mijotaient quelque chose, il le sentait dans les nœuds d’émotions présents en permanence à l’arrière de son esprit.

Quatre nœuds, en comptant Alanna, qui était toujours là, quelque part au nord. Les trois autres femmes s’étaient côtoyées durant toute la nuit.

Et maintenant, elles approchaient de sa tente.

Que préparaient-elles ? C’était…

Minute ! Une des trois venait de se séparer des deux autres. Et elle serait bientôt là. Aviendha ?

Rand se leva, gagna l’entrée de sa tente et écarta le rabat.

Aviendha se pétrifia – comme si elle avait eu l’intention de se glisser en douce chez le Dragon Réincarné. Levant le menton, elle soutint son regard.

Soudain, des cris montèrent dans la nuit. Alors, Rand s’avisa que ses gardes du corps n’étaient nulle part en vue. Mais ces Promises rôdaient près de sa tente, et c’était lui qu’elles appelaient dans la nuit. Pas pour le couvrir de compliments, comme il s’y serait attendu, mais pour l’insulter.

Des injures terribles. Certaines allaient même jusqu’à préciser ce qu’elles feraient de ses attributs virils quand elles lui auraient mis la main dessus.

— Que se passe-t-il, Aviendha ?

— Oh, elles ne pensent pas ce qu’elles disent… Pour elles, c’est toi qui m’as arrachée à leurs rangs. Mais j’en étais déjà partie pour me joindre aux Matriarches. C’est… eh bien, un truc de Promises. En réalité, un signe de respect. Si elles ne t’appréciaient pas, elles ne feraient pas ça.