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Rand entreprit de se sécher lui aussi.

Aviendha avança vers lui.

— Aujourd’hui, dit-elle, je vais te demander une faveur.

Elle posa sur le bras du jeune homme sa paume calleuse, un souvenir de son appartenance aux Promises. Aviendha ne serait jamais une dame délicate et raffinée comme celles de la cour du Cairhien ou de Tear. Et Rand trouvait ça très bien. Des mains qui savaient travailler, c’était parfait pour lui.

— Quelle faveur ? Je doute de pouvoir te refuser quelque chose aujourd’hui…

— Je ne suis pas encore sûre de ce que je veux.

— Je ne comprends pas…

— Aucune importance ! Et je ne te demande pas de promettre. Je voulais te prévenir, parce qu’il n’est pas convenable de piéger son amoureux. Ma faveur t’obligera à changer tes plans – peut-être radicalement – et elle sera… considérable.

— D’accord…

Aviendha acquiesça, aussi mystérieuse que d’habitude, puis commença à s’habiller pour cette journée…

Dans son rêve, Egwene tournait autour d’une colonne de verre givrée. De fait, on aurait presque dit une flèche de lumière. Qu’est-ce que ça signifiait ? Elle n’en avait pas la moindre idée.

La vision changea, et elle découvrit une sphère. Le monde, devina-t-elle. Une sphère craquelée…

Affolée, elle la consolida avec des cordes, afin qu’elle ne se désintègre pas. Elle pouvait l’en empêcher, mais ça lui coûterait beaucoup d’efforts…

Elle se retira du rêve et se réveilla. S’unissant aussitôt à la Source, elle généra un globe lumineux. Où était-elle donc ?

En chemise de nuit, elle se trouvait dans son lit, à la Tour Blanche. Pas dans sa chambre habituelle, toujours en réfection après l’attaque des tueurs. Son bureau était muni d’une petite chambre à coucher attenante, et c’est là qu’elle avait trouvé refuge.

Sa tête lui faisait très mal. La nuit, elle se souvenait vaguement d’avoir attrapé une migraine en écoutant, sous sa tente du champ de Merrilor, le flot incessant de rapports sur la chute de Caemlyn. À un moment, très tard, Gawyn avait insisté pour que Nynaeve ouvre un portail vers la Tour Blanche, afin que la Chaire d’Amyrlin dorme dans un bon lit.

Non sans gémir, Egwene se leva. Son Champion avait sans doute parlé d’or, même si son ton, elle s’en souvenait très bien, lui avait tapé sur les nerfs. Mais personne n’avait repris Gawyn, pas même Nynaeve.

La jeune dirigeante se massa les tempes. Ce mal de tête n’avait rien à voir avec ceux qui la frappaient quand Halima la « soulageait », mais il restait douloureux. À l’évidence, son corps se révoltait contre le déficit de sommeil qu’elle lui imposait depuis des semaines.

Quelques minutes plus tard, propre, habillée et se sentant un peu mieux, la Chaire d’Amyrlin sortit de la pièce et trouva Gawyn assis au bureau de Silviana. Lisant un rapport, il ignorait la novice qui attendait dans l’encadrement de la porte.

— Elle te pendrait par les doigts de pied, dit Egwene, si elle te voyait faire ça.

Gawyn se leva d’un bond.

— Ce n’est pas un rapport appartenant à Silviana, se défendit-il. Ce sont les dernières nouvelles de Caemlyn, envoyées par ma sœur. Ce texte est arrivé par portail il y a quelques minutes, et il t’est adressé.

— Et tu te permets de le lire ?

Le jeune homme s’empourpra.

— Que la Lumière me brûle ! C’est ma ville natale, et il n’y avait pas de sceau. J’ai pensé…

— Aucun problème, Gawyn, soupira Egwene. Que dit-il, ce rapport ?

— Rien de bien nouveau…

Avec une grimace, Gawyn tendit le document à Egwene. Puis il fit un signe de tête à la novice, qui s’en fut au pas de course. Quelques minutes plus tard, elle revint avec un plateau où trônaient un pichet de lait, du pain et des fruits ratatinés.

Avec un certain sentiment de culpabilité, Egwene alla s’asseoir à son bureau pour prendre son petit déjeuner. Alors que la plupart des Aes Sedai et des soldats campaient dans le champ de Merrilor, voilà qu’elle se régalait de fruits – enfin, régalait… – après avoir dormi dans un lit confortable.

Cela dit, la démarche de Gawyn était sensée. Si tout le monde avait su qu’elle était sous sa tente, des tueurs auraient pu l’attaquer. Après avoir failli périr de la main des Seanchaniens, elle acceptait un minimum de précautions. Surtout quand ça lui permettait de bien dormir une nuit.

— Cette Seanchanienne, dit-elle, celle qu’un Illianien accompagnait. Tu as pu lui parler ?

Gawyn acquiesça.

— Des gardes surveillent ces deux-là en permanence. Mais Nynaeve s’est portée garante pour eux, en un sens.

— En un sens ?

— Elle a agoni la femme d’imprécations, mais affirmé qu’elle ne te ferait pas de mal – délibérément, en tout cas.

— Parfait.

Eh bien, Egwene pourrait effectivement tirer parti d’une Seanchanienne prête à dialoguer. Lumière ! Que se passerait-il si elle devait affronter en même temps l’Empire et les Trollocs ?

— Tu n’as pas suivi ton propre conseil au sujet du repos ? demanda-t-elle.

Alors qu’il s’asseyait en face d’elle, Egwene nota les yeux rouges de Gawyn. Lui aussi était épuisé.

— Il fallait bien que quelqu’un surveille ta porte. Faire venir des soldats aurait proclamé au monde entier que tu n’étais pas sous ta tente.

Egwene mordit dans le pain – de quoi était-il donc composé ? – puis elle parcourut le rapport. Une fois encore, Gawyn avait raison, mais elle détestait l’idée qu’il manque de sommeil un jour pareil. Le lien l’aiderait un peu, mais il avait ses limites.

— Donc, la ville est bien en ruine… Les murs effondrés, le palais conquis… Mais les Trollocs n’ont pas tout brûlé, dirait-on. Presque tout, seulement…

— Oui, mais Caemlyn est perdue.

À travers le lien, Egwene sentit la tension du jeune homme.

— Je suis désolée.

— Beaucoup de gens se sont enfuis, mais il est très difficile d’estimer la population, avant l’attaque. Il y avait tant de réfugiés… Je crains qu’on doive déplorer des centaines de milliers de morts.

Egwene en eut le souffle coupé. L’équivalent d’une immense armée, rayé de la surface du monde en une nuit. Et ce n’était qu’un début… Combien de pertes au Kandor, jusque-là ? On ne pouvait que deviner…

À Caemlyn, on gardait presque toutes les réserves de vivres de l’armée andorienne. En songeant aux fugitifs, lancés en pleine nuit dans la campagne, la Chaire d’Amyrlin eut l’estomac retourné. Pourtant, ce n’était rien comparé au risque de voir les soldats d’Elayne crever de faim.

Egwene rédigea à l’intention de Silviana une note ordonnant qu’elle envoie toutes les sœurs aptes à la guérison prendre soin des citadins puis ouvrir des portails pour les transférer à Pont-Blanc. Même si la Tour Blanche n’était plus très riche, on pourrait peut-être leur envoyer des vivres.

— Tu as vu la note au bas de la page ? demanda Gawyn.

Non, elle l’avait ratée. Front plissé, elle lut la phrase ajoutée par Silviana. Rand al’Thor exigeait de rencontrer tout le monde à…

Egwene regarda la vieille horloge de bois, sur la cheminée. La réunion était dans une demi-heure. Agacée, la jeune femme finit quand même d’avaler son petit déjeuner. Se goinfrer n’était pas protocolaire, mais que la Lumière la brûle si elle se présentait le ventre vide devant le Dragon Réincarné.

— Ce garçon, je vais le pulvériser ! dit-elle en s’essuyant la bouche. Bon, en route !

— Nous devrions être délibérément en retard, proposa Gawyn. Histoire de montrer que nous ne sommes pas à ses ordres.

— Pour qu’il intoxique tout son monde sans que je sois là pour le contredire ? Je déteste ça, mais c’est lui qui a la main, pour l’instant. Tous les dirigeants sont intrigués par ce qu’il proposera.