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— J’en suis ravie, dit Elayne. Plus de trente Ogiers nous seront d’une aide précieuse.

— Plus de trente, jeune dame ? fit Haman avec un éclat de rire… titanesque. La Grande Souche n’a pas eu lieu, avec des débats interminables, pour vous envoyer une trentaine d’Ogiers. Tous les Ogiers combattront aux côtés des humains. Tous ceux qui sont capables de manier une hache ou un long couteau.

— Merveilleux ! s’extasia Elayne. Je saurai vous utiliser judicieusement.

Une vieille Ogier secoua la tête.

— Si pressés. Si frustes… Tu dois savoir une chose, jeune fille. Parmi nous, certains vous auraient volontiers tourné le dos, abandonnant le monde entre les mains du Ténébreux.

Elayne en sursauta de surprise.

— Vous auriez fait ça ? Nous laisser combattre seuls…

— Certains étaient pour cette solution, confirma Haman.

— Dont moi, dit la femme. J’ai défendu cette position, même si je doutais secrètement de sa pertinence.

— Quoi ? fit Loial en avançant, visiblement surpris. Tu n’étais pas sûre ?

La femme ne broncha pas.

— Si le Ténébreux conquiert ce monde, les arbres ne pousseront plus.

Loial parut ébahi.

— Mais pourquoi as-tu… ?

— Mon fils, pour qu’on puisse démontrer qu’une thèse est juste, il faut qu’elle ait un contradicteur. Dans une polémique, on découvre la profondeur de son engagement envers une cause. Ignores-tu que les arbres développent des racines plus fortes quand le vent risque de les abattre ? (La femme secoua tendrement la tête.) Attention, ça ne veut pas dire que tu aurais quitter le Sanctuaire au moment où tu l’as fait. Pas seul. Par bonheur, cette affaire est réglée.

— Réglée ? répéta Perrin.

Loial s’empourpra.

— Eh bien, vois-tu, je suis marié, à présent…

— Première nouvelle !

— Tout a été si vite. Mais j’ai épousé Erith. Elle n’est pas très loin d’ici. L’as-tu entendue chanter ? Sa voix est magnifique. Le mariage, ce n’est pas si mal que ça, Perrin. Pourquoi ne me l’as-tu pas dit ? Moi, je trouve même ça très bien.

— J’en suis ravie pour toi, Loial, intervint Elayne.

Si on laissait faire, les Ogiers pouvaient se lancer dans de très longues digressions.

— Ravie, vraiment. Et merci à vous tous d’être venus.

— Ça valait la peine, dit Haman, ne serait-ce que pour admirer ces arbres. Toute ma vie, j’ai vu des humains couper les Grands Arbres. Alors, en découvrir un qui les fait pousser… Nous avons pris la bonne décision, c’est sûr. Il faut que les autres voient ça.

Loial fit un signe à Perrin, probablement pour lui parler en privé.

— Loial, dit Elayne, permets-moi de te l’emprunter un instant.

Avec le jeune seigneur, elle gagna le centre du bosquet. Faile et Birgitte les rejoignirent, laissant Loial attendre près des arbres, qui semblaient le fasciner.

— J’ai une mission à te confier, dit la reine à Perrin. La chute de Caemlyn menace de priver notre armée de ravitaillement. Malgré les plaintes contre le prix des vivres, nous avons nourri tout le monde et fait des réserves pour la bataille à venir. Hélas, ces stocks, nous les avons perdus.

— Tu voudrais que je m’occupe de la question ?

— Oui.

— Désolé, mais Rand a besoin de moi.

— Il a besoin de nous tous.

— Moins que de moi ! Une vision de Min, m’a-t-il dit. Si je ne suis pas présent lors de l’Ultime Bataille, il mourra. De plus, j’ai encore des… comptes à régler.

— Je m’en chargerai, dit Faile.

Elayne la regarda, perplexe.

— Je m’occupe déjà des affaires de notre armée, fit la jeune femme. Tu es la suzeraine de Perrin, donc, tes besoins sont ses besoins. Si Andor doit commander durant l’Ultime Bataille, Deux-Rivières s’assurera que ses soldats aient à manger. Il me faudra des portails assez larges pour laisser passer des chariots et des troupes pour m’escorter. Enfin, je veux avoir accès aux comptes de tous les intendants qui m’intéressent. Et le travail sera fait.

C’était rationnel et logique, mais pas ce qu’Elayne avait en tête. D’ailleurs, pouvait-elle se fier à cette femme ? En matière de politique, Faile se montrait très habile. C’était précieux, bien sûr, mais se considérait-elle vraiment comme une quasi-Andorienne ?

Elayne la dévisagea.

— Tu ne peux pas trouver meilleur candidat pour ce poste, Elayne, affirma Perrin. Faile fera le travail !

— Perrin, il y a un autre enjeu dans cette histoire. Puis-je te parler en privé un moment ?

— Oui, mais après, je lui répéterai tout. Pour ma femme, je n’ai pas de secrets.

Faile eut un grand sourire.

Elayne regarda les deux époux… et capitula.

— Egwene est venue me voir pendant les préparatifs de guerre. Il y a un certain… artefact, important pour l’Ultime Bataille, dont elle aimerait bien être débarrassée.

— Le Cor de Valère, comprit Perrin. Elayne, les sœurs l’ont toujours ?

— Oui, à la tour, bien caché… Nous l’avons retiré à temps de la salle du trésor, qui a été visitée la nuit dernière. Je le sais à cause des tissages de garde que nous avions mis en place. Le Ténébreux sait que nous avons le Cor, Perrin, et ses sbires le cherchent. Ils ne pourraient pas s’en servir, puisqu’il est lié à Mat jusqu’à sa mort. Mais s’ils se l’approprient, notre jeune flambeur ne pourra plus l’utiliser. Au pire, ils peuvent le tuer, puis souffler dans le Cor…

— Tu veux le déplacer en secret, dans un convoi de vivres, pour mieux cacher où il sera ?

— Nous aurions préféré le remettre à Mat, dit Elayne, mais il peut être si… pénible, parfois. J’espérais le voir à la réunion.

— Il est à Ebou Dar, révéla Perrin, à traficoter je ne sais quoi avec les Seanchaniens.

— Il te l’a dit ? demanda Elayne.

— Pas exactement, répondit Perrin, l’air gêné. Nous avons… eh bien, une sorte de connexion. Parfois, je vois où il est et ce qu’il fait.

— Ce type, dit Elayne, n’est jamais où il devrait être.

— Et pourtant, il finit toujours par y arriver, modéra Perrin.

— Les Seanchaniens sont nos ennemis, rappela Elayne. Vu ce qu’il a fait, Mat semble avoir du mal à s’en souvenir. J’espère qu’il ne s’est pas encore fourré dans la mouise.

— Le Cor de Valère, dit Faile, je m’en chargerai aussi. Mat l’aura et il le gardera.

— Ne soyez pas vexés, tous les deux, fit Elayne, mais j’ai du mal à me fier à quelqu’un que je connais mal. Voilà pourquoi j’avais pensé à toi, Perrin.

— Et ça aurait pu être un problème, Elayne, dit le jeune seigneur. Si nos ennemis cherchent vraiment le Cor, ils se douteront qu’Egwene et toi l’avez confié à un proche. Choisis Faile ! Je me fie à elle aveuglément, et ils ne penseront pas à elle, parce qu’elle n’a aucun lien avec la Tour Blanche.

Elayne acquiesça.

— Très bien. Je vous informerai sur la façon dont ce colis vous sera livré. Pour l’instant, commençons les transports de vivres, pour établir des précédents. Trop de gens sont au courant, pour le Cor. Après vous l’avoir remis, je ferai partir cinq paquets suspects de la Tour Blanche, puis je lancerai les rumeurs idoines. Avec un peu de chance, le Ténébreux pensera que le Cor est entre les mains d’un des cinq messagers. Tant qu’il ne sera pas remis à Matrim, j’entends que le Cor soit introuvable.

— Quatre fronts, seigneur Mandragoran, répéta Bulen. C’est ce que disent les messagers. Caemlyn, le mont Shayol Ghul, le Kandor et ici. Le plan est de bloquer les Trollocs sur la brèche et au Kandor. En même temps, nos armées tenteront d’écraser les monstres présents en Andor.

Alors qu’il guidait Mandarb au milieu des tas de charognes de Trollocs, Lan hocha la tête.