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» Nos forces sont extraordinairement mobiles. Chaque armée t’a envoyé ses meilleurs cavaliers. J’ai vu neuf mille hommes du Saldaea exécuter à cheval des manœuvres d’une parfaite précision. Ici, nous pouvons faire mal à l’adversaire, mais le nombre est un trop grand avantage pour lui. Plus grand, je l’avoue, que je l’aurais cru. En nous repliant et en résistant, nous ferons plus de dégâts. Pour chaque pas en arrière, nous trouverons un moyen de châtier les Trollocs. Je le crois, Lan. Tu m’as bombardé commandant en chef. Eh bien, voici mon avis : pas aujourd’hui, peut-être pas cette semaine, mais nous serons obligés de nous replier.

Lan continua à marcher en silence. Avant d’avoir trouvé une réplique, il vit un trait de lumière bleue zébrer l’air. Le signal d’urgence de la brèche. Les unités qui venaient de prendre le relais avaient besoin d’aide.

Je réfléchirai à tout ça…

Repoussant sa fatigue, Lan courut vers la ligne de piquets et de cordes où le palefrenier devait avoir attaché Mandarb.

Venant d’assurer une rotation, il n’était pas obligé de répondre à l’appel. Décidé à le faire quand même, il se surprit à lancer à Bulen de se trouver une monture… et se sentit tout à fait idiot. Certes, mais il s’était tellement habitué à la compagnie et à l’aide de cet homme…

Agelmar a raison, pensa-t-il tandis qu’on s’affairait à seller Mandarb pour lui. Sentant l’humeur maussade de son maître, l’étalon renâcla.

Ils me suivront tous… Comme faisait Bulen. Je les conduirai à la mort pour la gloire d’un royaume défunt. Et je me condamnerai au même sort. En quoi est-ce différent de l’impulsivité de Tenobia ?

Galopant à bride abattue, Lan fut vite en vue de la première ligne, que les Trollocs étaient sur le point d’enfoncer. Sans hésiter, il plongea dans la mêlée.

Ce soir-là, les défenses tinrent. Mais un jour, ça cesserait. Que ferait Lan à ce moment-là ?

Eh bien, il abandonnerait le Malkier et agirait comme il faudrait.

Les forces d’Egwene s’étaient rassemblées dans la zone sud du champ de Merrilor. Une fois les troupes d’Elayne parties pour Caemlyn, celles de la Chaire d’Amyrlin se préparaient à Voyager jusqu’au Kandor.

Les armées de Rand ne se trouvaient pas encore dans la vallée de Thakan’dar. Au contraire, elles s’étaient regroupées dans le secteur nord du site, où il était plus facile de collecter des vivres. Selon le Dragon, il était encore trop tôt pour sa charge héroïque. On pouvait espérer, au moins, qu’il s’en sortait bien avec les Seanchaniens.

Déplacer tant de gens était une source de migraines et de crises de nerfs. Infatigables, les Aes Sedai ouvraient des portails qui s’alignaient comme des arches le long d’une immense salle des fêtes. Serrés les uns contre les autres, les soldats attendaient leur tour. Parmi les sœurs, les plus puissantes n’étaient pas affectées à cette tâche, car elles gardaient leurs forces pour les combats à venir.

Bien entendu, les soldats s’écartaient pour laisser passer la Chaire d’Amyrlin. L’avant-garde déjà en place, un camp dressé de l’autre côté du portail, il était plus que temps qu’elle traverse. Toute la matinée, elle l’avait passée avec les représentantes, à débattre de la distribution des vivres et de la situation sur le terrain.

Egwene se félicitait d’avoir accordé un rôle important au Hall dans la conduite de la guerre. Parmi les représentantes, beaucoup ayant vécu bien plus d’un siècle, se cachaient des trésors d’expérience et de sagesse.

— Je déteste être forcé d’attendre si longtemps, dit Gawyn, qui chevauchait juste derrière Egwene.

La jeune dirigeante se retourna et le foudroya du regard.

— Comme le Hall, je me fie à l’évaluation du combat présentée par le général Bryne.

Les deux jeunes gens venaient de dépasser les Compagnons Illianiens, chacun portant sur son plastron poli les Neuf Abeilles de son royaume. Visage caché derrière leur heaume conique, avec une grille devant la bouche, tous avaient salué la dirigeante et son compagnon.

Egwene n’était pas sûre de se réjouir de les avoir dans son armée. A priori, ces hommes étaient plus loyaux envers Rand qu’envers la Tour Blanche. Mais Bryne avait insisté. Leur armée, bien que très imposante, manquait de corps d’élite tels que les Compagnons.

— Je continue à dire que nous aurions dû partir plus tôt, insista Gawyn alors qu’ils traversaient le portail donnant sur la frontière du Kandor.

— Ça fait quelques jours de différence seulement, Gawyn…

— Quelques jours, oui, mais pendant que le Kandor est à feu et à sang !

Egwene sentit la frustration de son compagnon. Elle sentit aussi qu’il l’aimait à la folie. À présent, ils étaient mariés. La cérémonie, très simple, avait été présidée par Silviana la nuit précédente. Egwene trouvait toujours étrange d’avoir autorisé ses propres épousailles. Mais quand on était l’autorité suprême, comment faire autrement ?

Alors qu’ils avançaient dans le camp, côté Kandor, Bryne vint se joindre à eux en donnant au passage ses ordres à des patrouilles d’éclaireurs. Quand il eut atteint Egwene, il mit pied à terre, s’inclina profondément et embrassa la bague au serpent. Puis il remonta sur son cheval et reprit sa route. Un comportement très respectueux pour un homme plus ou moins contraint de prendre le commandement de cette armée. Mais il avait exposé ses exigences, et on lui avait donné satisfaction. Du coup, question contraintes, c’était du cinquante-cinquante…

Pour un homme comme lui, un moment mis au rebut, diriger l’armée de la Tour Blanche était une fantastique opportunité. Cela dit, s’il avait fini en disgrâce, il l’avait bien cherché…

Voyant que Siuan chevauchait aux côtés du général, Egwene sourit de satisfaction.

Il est étroitement lié à nous, désormais…

Les yeux plissés, la jeune dirigeante scruta les collines, le long de la frontière méridionale du Kandor. Même si elles manquaient de verdure – comme presque tous les endroits du monde, désormais –, leur profonde sérénité ne laissait pas imaginer qu’un pays brûlait derrière elles. Chachin, la capitale, n’était guère plus qu’un champ de ruines. Avant de se retirer pour combattre aux côtés des autres Frontaliers, la reine Ethenielle avait confié les opérations de secours à la Chaire d’Amyrlin et au Hall.

La dirigeante et les représentantes avaient fait de leur mieux. Envoyant par portail des éclaireurs le long des routes principales, elles avaient localisé les réfugiés, les conduisant ensuite en sécurité – si une telle notion avait encore du sens ces jours-ci…

Le gros des Trollocs avait abandonné les différentes cités en feu pour se déplacer vers le sud, en direction des collines et du fleuve qui matérialisait la frontière entre le Kandor et l’Arafel.

Silviana vint chevaucher près d’Egwene, sur le flanc opposé à celui de Gawyn. Bien entendu, elle accorda à peine un regard au jeune homme. Sans délai, ces deux-là allaient devoir cesser de se faire la tête, parce que ça devenait lassant.

— Mère, souffla Silviana en embrassant la bague au serpent.

— Silviana…

— Nous avons reçu un rapport d’Elayne Sedai.

Egwene s’autorisa un petit sourire. Sans se concerter, sa Gardienne et son mari avaient pris l’habitude d’appeler Elayne par son nom d’Aes Sedai.

— Et… ?

— Elle propose que nous choisissions un site où envoyer les blessés afin qu’ils soient guéris.

— N’avons-nous pas dit que les sœurs jaunes iraient de champ de bataille en champ de bataille ?

— Elayne Sedai a peur que ça les expose à des attaques. Elle milite pour un hôpital de campagne.