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Un bouclier tenta de couper Rand de la Source. Il éclata de rire puis pivota sur lui-même afin de localiser l’origine de cette attaque.

— Taim ! cria-t-il, sa voix presque couverte par la fureur de la tempête. J’étais sûr que tu viendrais.

Le combat que Lews Therin exigeait sans cesse qu’il livre… Celui qu’il n’avait même pas osé commencer. Pas avant cette heure, où il contrôlait absolument tout.

Il invoqua toute sa puissance, mais un nouveau bouclier l’agressa, puis encore un autre.

Rand puisa plus de saidin. Via son angreal, il parvint à s’en emplir presque jusqu’à la limite de ses capacités. Des boucliers continuèrent à l’attaquer, tel un essaim de guêpes, mais aucun ne se révéla assez puissant pour le couper de la Source. Cela dit, il y en avait des dizaines.

Rand se força au calme, puis il chercha la paix intérieure – celle de la destruction. S’il était la vie, il portait aussi la mort en lui. Comme la terre, il incarnait l’une et l’autre.

Il frappa, tuant un Seigneur de la Terreur qui se cachait dans les ruines d’un bâtiment carbonisé, non loin de là. Dans la foulée, il embrasa un autre adversaire, qui se consuma en un éclair.

Impossible de voir les tissages quand c’étaient des femmes qui l’agressaient… Tout ce qu’il sentait, c’était leurs boucliers.

Trop faibles. Ils étaient tous minables, et pourtant, ces attaques l’inquiétaient. Pour qu’elles se succèdent à cette vitesse, il fallait qu’une quarantaine de Seigneurs de la Terreur des deux sexes tentent de le couper de la Source. Une configuration dangereuse, parce que le coup était prémédité. En d’autres termes, les Seigneurs avaient frappé Lan si violemment pour attirer le Dragon Réincarné.

Rand repoussa les boucliers, même si pas un seul n’aurait pu le couper de la Source. Face à quelqu’un gorgé de saidin, il fallait former des cercles pour réussir. Ses adversaires auraient dû…

Rand vit le coup venir peut avant qu’il arrive. Les premières attaques étaient des leurres, pour l’inciter à relâcher sa vigilance. Celle qui suivrait serait effectivement générée par un cercle d’hommes et de femmes – dirigé par un mâle.

La voilà !

Le bouclier le percuta, mais il avait eu le temps de se préparer. Au milieu de la tempête, il canalisa de l’Esprit en se fiant aux souvenirs de Lews Therin. Sans trop de difficultés, il repoussa le bouclier. Mais celui-là, il ne parvint pas à le détruire.

Par la Lumière ! Il affrontait un cercle complet !

Rand grogna quand le bouclier le frôla puis alla se loger dans le ciel – immobile malgré les vents.

Le Dragon riposta avec une explosion d’Esprit et d’Air, contenant le bouclier comme s’il s’agissait d’un couteau suspendu au-dessus de sa tête.

Alors, il perdit le contrôle de la tempête.

Tandis que des éclairs s’abattaient autour de lui, ses adversaires tissèrent frénétiquement afin d’amplifier la tempête – pas de la contrôler, car ils n’en avaient pas besoin. Qu’elle se déchaîne librement les arrangeait, puisqu’elle pouvait frapper Rand à tout moment.

Il rugit de nouveau, plus fort, car sa détermination grandissait encore.

Je te battrai, Taim ! Ce que j’aurais dû faire il y a des mois, je l’accomplirai en ce jour.

Rand ne laissa pas sa colère et sa sauvagerie le forcer à attaquer aveuglément. Ça, il ne pouvait pas se le permettre. Et il avait appris à faire bien mieux.

Ce n’était pas le bon endroit. Ici, il ne pouvait pas se battre. Et s’il essayait, il perdrait.

Mobilisant toutes ses forces, il repoussa le bouclier de Taim. Profitant d’un moment de répit, il ouvrit un portail que ses Promises traversèrent sans la moindre hésitation. À contrecœur, il baissa la tête pour donner moins de prise au vent et les suivit.

Il déboula sous la tente de Lan où Moiraine, selon sa demande, lui avait ménagé un espace libre. Dès qu’il eut refermé le portail, le rugissement des vents mourut.

Le front ruisselant de sueur, Rand serra le poing. Ici, près de l’armée de Lan, la tempête était lointaine, même s’il l’entendait tonner, une sorte de brise faisant trembler la toile de la tente.

Rand dut lutter pour ne pas tomber à genoux. Inspirant à fond, il réussit à calmer son cœur affolé et à afficher le calme qui seyait au Dragon Réincarné. Il était parti pour se battre, pas pour fuir. Et il aurait sans doute vaincu Taim.

En s’épuisant au point que le Ténébreux, ensuite, n’aurait fait qu’une bouchée de lui…

Rand ouvrit le poing et lutta pour reprendre le contrôle de ses émotions. Puis il regarda le visage paisible et plein de sagesse de Moiraine.

— C’était un piège ? demanda-t-elle.

— Pas vraiment… Disons un champ de bataille bien préparé et doté de sentinelles. Nos ennemis savent ce que j’ai fait à Maradon. Des équipes de Seigneurs de la Terreur doivent être prêtes à Voyager dès qu’on me repère…

— As-tu enfin vu l’erreur que tu as commise en voulant attaquer ?

— L’erreur ? Non. Mais la conclusion à tirer, oui…

Rand ne pouvait pas livrer cette guerre en personne. Pas cette fois. Pour protéger les siens, il devrait trouver un autre moyen.

12

L’éclat d’un instant

Accompagnée par trente Aiels, tous armés d’un arc, Birgitte fonçait dans la forêt. Le groupe faisait du bruit – le contraire aurait été impossible – mais les guerriers du désert réussissaient à rester incroyablement discrets. Sautant par-dessus les troncs quand ils le pouvaient, ils les longeaient dès que ce n’était pas faisable ou trouvaient des pierres pour prendre appui et les enjamber sans risquer de trébucher.

Pareillement, ils esquivaient en souplesse les branches basses, tels des danseurs.

— Ici ! lança à mi-voix Birgitte lorsqu’elle eut fait le tour d’une colline déchiquetée.

Par bonheur, la grotte était toujours là, dissimulée par des broussailles. À côté, un cours d’eau coulait paisiblement. Les Ails le traversèrent, l’onde éliminant toute trace olfactive de leur passage.

Deux des hommes continuèrent sur l’étroite piste en faisant plus de bruit et en s’accrochant à toutes les branches. Birgitte, elle, alla rejoindre les guerriers qui s’étaient cachés dans la caverne obscure, où l’air sentait la terre meuble et la mousse.

Des siècles plus tôt, quand elle vivait dans cette forêt, hors-la-loi de son état, s’était-elle cachée dans cette caverne ? Eh bien, elle n’en savait rien. De ses vies antérieures, elle ne se rappelait presque rien, à part peut-être des bribes de son séjour dans le Monde des Rêves, avant qu’elle soit ramenée dans la réalité par Moghedien – un processus qui n’avait rien eu de naturel.

Birgitte considéra sa situation avec amertume. Renaître, toute nouvelle et toute fraîche, c’était plutôt bien. Mais se voir arracher ses souvenirs – l’essence de sa personne –, ça, c’était une autre affaire. Si ses réminiscences du Monde des Rêves s’effaçaient aussi, oublierait-elle complètement Gaidal ? Et finirait-elle par s’oublier elle-même ?

C’est l’Ultime Bataille, pauvre idiote ! Qui se soucie de tout ça ?

Eh bien, elle, pardi ! Un point en particulier l’obsédait. Et si, en étant chassée du Monde des Rêves, elle avait aussi été coupée du Cor de Valère ? Hélas, elle ne savait même pas si c’était possible. Pour le dire, elle n’avait plus assez de souvenirs.

Mais si la réponse était positive, alors, elle aurait perdu Gaidal pour toujours.

Devant la grotte, des feuilles bruissaient et des brindilles craquaient. Ces sons étaient si forts qu’on eût dit que mille soldats au moins défilaient le long de la cachette. Mais les Trollocs, elle le savait, étaient à peine cinquante. Cela dit, l’infériorité numérique restait du côté de son groupe.