Выбрать главу

Gaul éclata de rire.

— J’ai dit quelque chose de drôle ?

— Tu parles comme si c’était extraordinaire… Mais dans le premier rêve, celui qui prétend être la vie, je suis entouré de femmes et d’hommes qui peuvent me ligoter d’une pensée et me tuer quand ça leur chante. J’ai l’habitude d’être impuissant face à certains adversaires, Perrin Aybara. C’est comme ça que vont les choses…

— Peut-être, insista Perrin, mais si nous trouvons Tueur, je veux que tu restes loin de lui. Laisse-moi l’affronter. Au fait, c’est un type au visage carré avec des yeux qui ne semblent pas vraiment vivants. Et il est vêtu de cuir noir.

— Mais…

— Tu as juré de m’obéir, Gaul. C’est très important. Tueur a abattu Sauteur. Il ne doit pas t’avoir aussi. Donc, tu ne le combattras pas.

— Très bien, j’en fais le serment. Mes lances ne danseront pas contre lui, sauf si tu me l’ordonnes.

Accablé, Perrin imagina Gaul se laissant éventrer sans toucher à ses lances. Dès qu’il était question de serment, les Aiels avaient tendance à s’emballer.

— Tu pourras l’affronter s’il t’attaque, mais avec l’idée de rompre le combat et de t’enfuir. Ne le traque pas, et si je me bats contre lui, reste à l’écart. C’est compris ?

Gaul acquiesça. Lui posant une main sur l’épaule, Perrin les décala tous les deux en direction de la Tour Noire. N’y étant jamais allé, il dut s’orienter au jugé.

Le premier essai fut un fiasco qui les conduisit dans une région d’Andor où des collines encore verdoyantes semblaient danser au rythme du vent. Perrin aurait préféré bondir de sommet en sommet, mais il doutait que Gaul soit prêt pour une telle aventure. Le décalage semblait préférable.

Après quatre autres essais, ils arrivèrent dans un endroit où un dôme translucide aux reflets violets se dressait dans le lointain.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda Gaul.

— Notre destination, répondit Perrin. Le dôme, c’est ce qui empêche Grady et Neald d’ouvrir des portails à l’intérieur de la Tour Noire.

— La même chose que ce qui nous est arrivé au Ghealdan ?

— Oui.

Ce dôme rappela à Perrin la mort déchirante de plusieurs loups. Des images qu’il se hâta de bannir. Ici, les souvenirs de ce type pouvaient engendrer des pensées… vagabondes.

Il s’autorisa une colère rentrée, au plus profond de lui-même – un peu comme la chaleur, au cœur de son marteau –, mais rien de plus.

Puis il les décala au pied du dôme, qui, de près, ressemblait à du verre.

— Tire-moi de là si je perds connaissance, dit-il à Gaul.

Quand il percuta la barrière, Perrin eut le sentiment d’entrer en contact avec un matériau incroyablement froid. Aussitôt, il eut l’impression que toutes ses forces l’abandonnaient. Il tituba, mais resta concentré sur son objectif. Tueur ! L’assassin de Sauteur et l’exterminateur de loups.

Sentant ses forces revenir, il se redressa de toute sa hauteur. Traverser le dôme, constata-t-il, était bien plus facile que la fois précédente. À l’évidence, être en chair et en os dans le rêve amplifiait sa puissance. Désormais, il n’aurait plus à craindre de faire irruption trop brusquement dans le songe et de laisser son corps mourir dans le monde réel.

Comme s’il traversait un mur d’eau, il avança lentement et émergea de l’autre côté de l’obstacle. Se retournant, il vit que Gaul, encore à l’extérieur, tendait un index en direction de la surface lisse.

Quand il la tapota, il s’écroula, inerte comme une poupée. Ses lances et ses flèches gisant à côté de lui, il ne bougeait plus, poitrine parfaitement immobile.

Perrin tendit un bras à travers le dôme, saisit Gaul par la jambe et le tira jusqu’à lui.

Une fois passé, l’Aiel inspira de l’air puis grogna et roula sur le côté. Ensuite, il s’assit sur le sol et se tint la tête à deux mains. Prévenant, Perrin se chargea de récupérer les flèches et les lances de son ami.

— Voilà qui promet d’être une bonne expérience pour renforcer ton ji, fit Gaul. (Il se redressa et massa l’épaule qui avait percuté le sol.) Les Matriarches prétendent que venir ici comme nous l’avons fait est maléfique ? Moi, je crois qu’elles aimeraient accompagner des hommes pour qu’ils leur enseignent comment s’y prendre.

Perrin dévisagea Gaul. Ainsi, il l’avait entendu parler du rêve des loups avec Edarra ?

— Qu’ai-je fait pour mériter une telle loyauté de ta part, Gaul ? demanda Perrin – presque comme s’il pensait à voix haute.

L’Aiel éclata de rire.

— Ça n’a rien à voir avec ce que tu as fait ou pas fait…

— Que veux-tu dire ? Je t’ai libéré de cette fichue cage, et c’est pour ça que tu m’as suivi.

— C’est pour ça que j’ai commencé à te suivre, corrigea Gaul. Mais pas que je suis resté avec toi. Bon, ne sommes-nous pas ici pour chasser ?

Perrin acquiesçant, Gaul releva son voile.

S’éloignant du dôme, les deux hommes se dirigèrent vers la structure qui se dressait dans le lointain. Entre la lisière du dôme et son centre, il y avait une sacrée distance, mais Perrin ne voulait pas prendre le risque de « sauter » et de se faire surprendre. Du coup, ils marchèrent, traversant une plaine herbeuse semée çà et là de bosquets.

Il leur fallut une heure pour apercevoir le mur d’enceinte de la Tour Noire. Haut et imposant, il ressemblait à celui d’une ville fortifiée.

Comme s’il s’attendait à être criblé de flèches ou foudroyé à chaque pas, Gaul regardait sans cesse autour de lui. Perrin, lui, était beaucoup plus détendu. Dans le rêve, ce mur ne serait pas gardé, donc il n’y avait aucun risque. Et si Tueur était bien ici, il se tapissait sans doute au cœur du complexe, au centre du dôme – où il avait sûrement mis en place un piège.

Une main sur l’épaule de Gaul, Perrin les propulsa tous les deux en haut du mur. Aussitôt arrivé, l’Aiel se ramassa sur lui-même et alla explorer un poste de garde couvert.

Campé au bord du chemin de ronde, côté intérieur, Perrin découvrit le complexe. Pour l’heure, la Tour Noire était beaucoup moins imposante que le laissait penser sa muraille. Mais un vaste chantier s’étendait derrière un village de cabanes et de petites maisons…

— Ils sont arrogants, tu ne trouves pas ? demanda une voix féminine.

Perrin sursauta, se retourna, fit apparaître son marteau entre ses mains et érigea un mur de briques autour de lui pour se protéger.

Le dos bien droit pour paraître plus grande, une jeune femme aux cheveux argentés, assez petite, se tenait à côté de lui. Vêtue d’une tenue blanche serrée à la taille par une ceinture d’argent, elle ne disait rien à Perrin, mais il reconnut son odeur.

— Chasseuse de Lune…, grogna Perrin. Lanfear.

— Ce nom, je n’ai plus le droit de l’utiliser. Il est si strict sur ces points-là.

Alors que la Rejetée tapotait son mur d’un index, Perrin recula et regarda autour de lui. Lanfear travaillait-elle avec Tueur ?

Sortant du poste de garde, Gaul se pétrifia. Perrin leva une main pour lui faire signe de rester où il était. Pourrait-il sauter jusqu’à Gaul et les décaler avant que la Rejetée attaque ?

— Chasseuse de Lune ? répéta Lanfear. C’est ainsi que les loups m’appellent ? C’est tout à fait faux ! Je ne chasse pas la lune, parce qu’elle m’appartient déjà.

Elle se pencha et s’accouda aux créneaux.

— Que veux-tu ? demanda Perrin.

— Me venger… Comme toi, Perrin.

— Dois-je comprendre que tu veux la peau de Tueur ?

— Tueur ? Ce rejeton errant de Moridin ? Il ne m’intéresse pas. Ma vengeance vise quelqu’un d’autre.