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— Qui ?

— Celui qui m’a valu d’être emprisonnée, fit Lanfear d’un ton plein de ferveur.

Soudain, elle leva les yeux au ciel, les écarquilla, paniquée, puis se volatilisa.

Alors que Gaul le rejoignait, Perrin fit disparaître son mur de briques.

— C’était qui ? demanda l’Aiel. Une Aes Sedai ?

— Pire que ça, répondit Perrin avec une grimace. Les Aiels ont-ils un nom pour Lanfear ?

Gaul ne put s’empêcher de sursauter.

— Je ne sais pas ce qu’elle voulait, admit Perrin. Depuis toujours, je ne comprends rien à son comportement. Avec un peu de chance, elle s’occupera de son affaire et nous ne la reverrons pas.

Après ce que les loups lui avaient révélé un jour, Perrin ne croyait pas un mot de ce qu’il disait. Lanfear en avait après lui.

Comme si je n’étais pas assez dans la mouise sans ça…

Avec Gaul, il se décala au pied du mur, et ils reprirent leur marche.

Toveine s’agenouilla près de Logain. Androl dut la regarder caresser le menton du rival de Taim, qui écarquilla les yeux d’horreur.

— Tout va bien, dit la convertie. Tu peux cesser de résister. Détends-toi, Logain. Oui, laisse-toi aller.

Toveine n’avait pas été difficile à convertir. Apparemment, quand ils étaient liés à treize Blafards, les hommes capables de canaliser réussissaient plus aisément à convertir leurs homologues féminins. Et vice versa. Ça expliquait pourquoi le processus était beaucoup moins aisé avec Logain.

— Emmenez-le ! ordonna Toveine en désignant Logain. Finissons-en une bonne fois pour toutes. Il mérite d’être enfin dans la paix et l’harmonie du Grand Seigneur.

Les sbires de Taim traînèrent le prisonnier vers le fond de la salle.

Androl en eut le cœur serré. À l’évidence, Taim considérait Logain comme un trophée. De fait, le convertir suffirait à briser toute résistance au sein de la Tour Noire. Si Logain le leur ordonnait, beaucoup de jeunes gens iraient n’importe où sans regimber – y compris jusqu’à la mort.

Comment peut-il résister encore ? se demanda Androl.

L’imposant Emarin n’était pas encore converti, mais on l’avait réduit à l’état de loque humaine. Pour ça, il avait suffi de deux « séances ». Logain, lui, en avait subi une dizaine.

Mais il serait bientôt vaincu, car Taim, à présent, disposait de femmes. Après la conversion de Toveine, des renforts étaient arrivés : des sœurs noires dirigées par une femme atrocement laide qui parlait avec une grande autorité. De plus, les sœurs rouges venues avec Pevara étaient toutes passées dans le camp des Ténèbres.

Une vague onde d’inquiétude circulait encore dans le lien entre Androl et Pevara. La sœur était consciente, mais gavée de la boisson qui lui interdisait de canaliser le Pouvoir.

Androl, lui, avait l’esprit relativement clair. Combien de temps était passé depuis qu’on l’avait forcé à boire le reste de la potion d’abord donnée à Emarin ?

Logain… ne tiendra plus longtemps…

Une pensée de Pevara, très faible et chargée d’une accablante résignation.

Qu’allons-nous… ? Qu’allons-nous faire ?

À cet instant, Logain cria de douleur. C’était la première fois – un très mauvais signe. Dans l’encadrement de la porte, Evin observait les événements. Jetant un coup d’œil par-dessus son épaule, il sursauta soudain.

Par la Lumière ! pensa Androl. Est-ce que ça peut être la folie provoquée par la souillure ? Est-elle toujours présente ?

Androl s’aperçut qu’un bouclier le coupait de la Source. Un traitement réservé aux prisonniers quand on voulait que les effets de la fourche-racine se dissipent. Une condition obligatoire pour pouvoir les convertir.

Androl en frissonna de terreur. Était-il le prochain sur la liste ?

Androl ! émit Pevara. J’ai une idée.

Laquelle ?

Androl eut une quinte de toux sous son bâillon. Sursautant de nouveau, Evin approcha avec sa gourde d’eau et en versa sur le tissu. Abors, un des séides de Taim, était adossé contre le mur. À l’évidence, c’était lui qui maintenait le bouclier. Il regarda Androl, mais quelque chose, à l’autre bout de la salle, attira son attention.

Androl toussa plus fort. Dénouant le bâillon, Evin le fit rouler sur le côté pour lui permettre de cracher l’eau.

— Du calme, maintenant, dit Evin avec un coup d’œil pour Abors – trop loin de là pour entendre. Ne les monte pas contre toi, Androl.

La conversion d’un homme n’était jamais parfaite. Si elle inversait ses allégeances, elle ne changeait pas tout en lui. La créature tapie dans la tête d’Evin conservait ses souvenirs, sa personnalité et – la Lumière en soit louée – ses faiblesses.

— Tu les as convaincus de ne pas me tuer ?

— Oui. (Evin se pencha, une lueur démente dans le regard.) Ils continuaient à dire que tu es inutile parce que tu ne canalises pas bien le Pouvoir, mais aucun d’eux n’aime ouvrir un portail pour faire Voyager les gens. J’ai assuré que tu t’en chargerais à leur place. Tu le feras, pas vrai ?

— Bien sûr, c’est toujours mieux que d’être mort.

Evin approuva du chef.

— Ils ne t’ont plus donné de fourche-racine. Donc, tu passeras après Logain. Le Grand Seigneur a enfin envoyé à M’Hael des femmes qui peuvent canaliser sans interruption et ne jamais être fatiguées. Comme les sœurs rouges et Toveine, ces femmes pensent que ça ira vite, à présent. M’Hael aura Logain avant la fin de la journée.

— Je ferai ce qu’on me dira, promit Androl. Je le jure devant le Grand Seigneur.

— C’est très bien, Androl. Mais on ne peut pas te libérer avant que tu aies été converti. M’Hael n’acceptera pas un simple serment. Mais tout se passera bien. Je leur ai dit que tu te laisserais faire sans résister.

— Et je ne résisterai pas…

— Que le Grand Seigneur en soit remercié ! fit Evin, soudain plus détendu.

Evin, mon pauvre garçon… Tu n’as jamais été très futé…

— Evin, tu dois te méfier d’Abors. Tu le sais, j’espère ?

— Je suis un des leurs, à présent. Près d’eux, je n’ai pas à m’inquiéter.

— Très bien, alors… Ce que je l’ai entendu dire sur toi devait être une plaisanterie.

Evin se raidit. Cette lueur dans ses yeux était effrayante. La souillure éliminée, Jonneth, Emarin et les autres nouvelles recrues n’auraient jamais à souffrir de la folie…

Elle se manifestait différemment chez chaque Asha’man, et à des degrés très divers. Cela dit, la peur était le symptôme le plus fréquent.

Venant par vagues, elle consumait Evin à l’époque de la purification du saidin. Androl avait vu des Asha’man qu’on devait abattre quand la folie les submergeait. La lueur, dans les yeux d’Evin, il la connaissait très bien. Converti ou non, ce pauvre garçon gardait en lui la même démence. Et il en irait ainsi jusqu’à la fin de ses jours.

— Qu’a-t-il dit ? demanda Evin.

— Il n’est pas content que tu aies été converti. Selon lui, tu veux prendre sa place.

— Oh…

— Evin, il prévoit peut-être de t’éliminer. Sois prudent.

— Merci, Androl.

Evin se redressa et s’éloigna, laissant le prisonnier sans bâillon.

Ça… ça ne peut pas fonctionner…, émit Pevara.

Elle n’avait pas vécu assez longtemps à la Tour Noire pour connaître les ravages de la folie et les identifier dans les yeux des Asha’man. En principe, quand l’un d’entre eux était dans cet état, on le confinait jusqu’à ce qu’il aille mieux. Et si ça n’arrivait pas, Taim ajoutait quelque chose dans son vin, afin qu’il ne se réveille pas le lendemain.