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Si on ne faisait rien, les hommes frappés par la folie détruisaient tout autour d’eux. L’esprit brouillé, ils frappaient d’abord leurs proches, massacrant les gens qu’ils aimaient le plus. Androl savait tout de cette peste – tapie également en lui.

Tu as commis une erreur, Taim… Tu retournes nos amis contre nous, mais nous les connaissons mieux que toi.

Evin frappa Abors sans crier gare – une explosion de Pouvoir de l’Unique. Une seconde après, le bouclier se dissipa.

Androl se connecta à la Source. S’il n’était pas très puissant, carboniser quelques liens restait quand même dans ses cordes. Les mains en sang, il se dégagea de ses entraves, se redressa et jeta un regard circulaire dans la salle. La première fois qu’il la voyait en entier.

Elle était encore plus grande qu’il le supposait – la taille d’une salle du trône modeste. Au fond, sur une estrade circulaire, se tenait un double cercle de Myrddraals et de femmes.

Androl frissonna en observant les Blafards. Leur visage sans yeux vous glaçait les sangs.

Les hommes de Taim qui n’avaient pas réussi à convertir Logain étaient à demi écroulés contre un mur, vidés de leurs forces.

Logain, lui, était ligoté sur une chaise, au centre du double cercle. On eût dit qu’il siégeait sur un trône. La tête inclinée sur le côté, les yeux fermés, il semblait murmurer quelque chose.

Furieux, Taim s’était tourné vers Evin, qui se battait contre Mishraile non loin de la dépouille fumante d’Abors. Chacun maniant le saidin, Evin et Mishraile s’affrontait au corps à corps, se roulant par terre. Evin, remarqua Androl, avait un couteau au poing.

Titubant jusqu’à Emarin, Androl faillit s’étaler quand ses jambes se dérobèrent. Par la Lumière, il était si faible ! Pourtant, il parvint à réduire en cendres les liens de son ami, puis ceux de Pevara, qui secoua la tête pour s’éclaircir les idées. Emarin, lui, la hocha en signe de gratitude.

— Tu peux canaliser le Pouvoir ? demanda Androl.

Pour l’instant, Taim se concentrait toujours sur le duel entre Evin et Mishraile.

Emarin secoua la tête.

— Non… La boisson qu’ils m’ont donnée…

Alors que les ombres s’allongeaient autour de lui, Androl s’accrocha au Pouvoir.

Non ! Non ! Pas maintenant !

Un portail, il avait besoin d’un portail ! Puisant dans la Source, il généra les tissages spécifiques au Voyage. Mais une fois de plus, il se heurta à un obstacle – une sorte de mur qui l’empêchait d’ouvrir un passage. Rageur, il essaya de tisser un portail « courte destination ». Après tout, la distance jouait peut-être un rôle. Pouvait-il générer un portail donnant sur la boutique de Canler, au-dessus de sa tête ?

Contre l’obstacle, il donna tout ce qu’il avait de puissance. Un instant, il crut qu’il allait réussir. Quelque chose était sur le point de se produire.

— Ouvre-toi ! implora-t-il. Nous devons sortir d’ici…

Derrière Androl, Evin cessa soudain de se battre, neutralisé par un tissage de Taim.

— C’est quoi, cette histoire ? beugla le M’Hael.

— Je n’en sais rien, répondit Mishraile. Evin nous a attaqués. Avant, il parlait au petit laquais, et…

Les deux Asha’man se tournèrent vers Androl. Renonçant à ouvrir un portail, celui-ci propulsa un dérisoire flux de Feu sur Taim.

Le M’Hael sourit. Avant de l’atteindre, la langue de flammes d’Androl se dissipa contre un tissage d’Air et d’Eau.

Avec un flux d’Air, Taim envoya Androl s’écraser contre un mur.

— Toi, tu ne lâches jamais, pas vrai, petit laquais ?

Androl gémit de douleur. Alors qu’il vacillait sur ses jambes, un second flux fit basculer Emarin en arrière.

Sonné, Androl sentit qu’une force invisible le relevait puis le poussait à travers la salle.

La femme très laide vêtue de noir s’écarta du cercle d’Aes Sedai et vint se camper près de Taim.

— M’Hael, dit-elle, tu ne contrôles pas cet endroit aussi bien que tu le prétendais.

— J’ai de mauvais outils ! s’écria Taim. On aurait dû m’envoyer des femmes bien plus tôt.

— Tu as épuisé tes Asha’man, insista la femme. Leur puissance, tu l’as gaspillée. Je vais prendre le commandement ici.

Taim était sur l’estrade, à côté de la silhouette inerte de Logain, des femmes et des Blafards. La vieille mocheté – peut-être une Rejetée –, il semblait la tenir pour une plus grande menace que n’importe qui d’autre dans la salle.

— Tu crois t’en tirer comme ça ? demanda Taim.

— Quand le Nae’blis saura à quel point tu sabotes le boulot…

— Le Nae’blis ? Je n’ai rien à faire de Moridin. J’ai déjà un cadeau en réserve pour le Grand Seigneur. N’oublie pas qu’il me protège. C’est moi qui tiens les clés en main, Hessalam !

— Tu veux dire… Tu l’as vraiment fait ? Tu les as volées ?

Taim sourit puis il se tourna vers Androl, qui se débattait sans succès tandis que des flux le forçaient à léviter deux pas au-dessus du sol. N’étant pas sous bouclier, le petit laquais attaqua de nouveau, mais Taim dévia les flux sans même y penser.

Androl ne méritant pas qu’on mobilise un bouclier pour lui, Taim relâcha ses tissages d’Air. Quand il percuta le sol, le prisonnier grogna de douleur.

— Depuis quand es-tu en formation ici, Androl ? demanda Taim. Tu me fais honte. Pour tuer quelqu’un, tu n’as rien de mieux que ça ?

Androl se mit péniblement à genoux. Bien que l’esprit de Pevara fût embrumé par la fourche-racine, il sentit qu’elle souffrait et s’inquiétait pour lui.

Sur l’estrade, Logain était toujours ligoté sur son trône et entouré d’ennemis. Les yeux clos, il semblait à peine conscient.

— Nous en avons terminé ici, dit Taim. Mishraile, tue ces prisonniers. Nous prendrons les autres, là-haut, et nous les conduirons au mont Shayol Ghul. Le Grand Seigneur a promis de me fournir tout ce dont j’aurai besoin pour mon travail.

Les tueurs de Taim approchèrent. Toujours à genoux, Androl les regarda. Tout autour de lui, les ombres grandissaient. Comme toujours, elles le terrifiaient. Il devait se couper du saidin. C’était une priorité !

Pourtant, il n’en fit rien. Au contraire, il commença à canaliser.

Taim le regarda, eut un rictus et tissa des Torrents de Feu.

Des ombres, partout !

Androl s’accrocha au Pouvoir.

Les morts, c’est pour moi qu’ils viennent.

D’instinct, il généra le meilleur tissage qu’il connaissait. Un portail… Mais ce flux se heurta au même obstacle que tous les autres.

Je suis si fatigué… Les ombres… Les ombres vont m’emporter.

Une barre de lumière blanche jaillit des doigts de Taim, visant Androl. En criant, celui-ci lança les mains en avant et réussit à mettre en place son tissage. Heurtant de nouveau l’obstacle, il le… souleva.

Un portail pas plus large qu’une pièce de monnaie s’ouvrit devant lui. Ce fut suffisant pour absorber les Torrents de Feu.

Alors que Taim plissait le front, perplexe, un lourd silence s’abattit sur la salle. Stupéfiés, les Asha’man cessèrent de canaliser le Pouvoir. Puis la porte de la pièce explosa vers l’intérieur.

Lié à la Source, Canler fit irruption dans la salle. Une vingtaine de jeunes gars de Deux-Rivières le suivaient.

— Nous sommes attaqués ! cria Taim.

Le centre du dôme semblait se trouver au-dessus du chantier que Perrin avait repéré. Une mauvaise nouvelle. Dans des fondations, avec des trous partout, Tueur aurait tout loisir de se cacher et de tendre des embuscades.